La Zona (01.05.2008)

(Rodrigo Pla / Mexique / 2007)

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1252279580.jpg"La Zona" est un quartier résidentiel pour riches, protégé des bidonvilles environnants par des murs infranchissables, une vidéo surveillance constante et un service de sécurité autonome. Un soir d'orage, une brèche est ouverte et les coupures d'électricité se succèdent. Trois adolescents en profitent pour s'y introduire dans le but de cambrioler quelques maisons. Tout tourne tout de suite très mal : une vieille dame tuée, un garde abattu par erreur par un résident et deux des trois intrus tirés comme des lapins. Il en reste un, caché quelque part. La mort de l'agent de sécurité et l'attachement à la maxime "oeil pour oeil, dent pour dent" rend l'appel à la police indésirable. La chasse à l'homme (au gamin) peut donc commencer.

La Zona, premier long-métrage de Rodrigo Pla, dégage une réelle efficacité dramatique et une belle maîtrise de ses effets (à quelques détails près, comme ce papillon qui dans l'introduction guide la caméra dans les rues du quartier avant de se griller au fil électrique du mur d'enceinte). Le film a d'abord le mérite de commencer par le carnage avant d'en dérouler ensuite les conséquences. Autant que la recherche frénétique du petit voleur, Miguel, ce sont les réactions de chaque habitant qui intéresse l'auteur. Les caractères sont clairement dessinés. Cela fait craindre la leçon de morale, mais Rodrigo Pla ne sauve au final personne sinon Alejandro, le seul à agir concrètement pour la défense de Miguel, adolescent de son âge. Le scénario tente de ne pas enjoliver ce personnage de gamin entraîné vers le vol et la violence, mais le fait d'atténuer sa responsabilité dans le meurtre marque un fléchissement et une petite facilité destinée à l'identification du spectateur. Plus intéressant est le portrait d'Alejandro, qui est le fils de l'un des meneurs de la chasse, auquel il s'opposera bien sûr après l'avoir imité. La manière dont il vient en aide à Miguel en le cachant dans sa cave et en le nourrissant, tout en lui parlant vivement, parfois en l'insultant, traduit subtilement le choc psychologique qu'il vit. Quant aux responsabilités des adultes, l'espoir d'une autre voie que le lynchage pour résoudre le conflit s'efface petit à petit. Chacun a finalement toujours une bonne raison de se coucher devant la violence ou la corruption.

La mise en scène est simple mais vigoureuse, excellant à rendre la réalité de la vie dans le quartier, dont on sort très rarement, et utilisant avec habileté les systèmes de surveillance (et les multiples coupures de courant). La tension est maintenue, grâce notamment à une interprétation sans faille de l'ensemble, mené par le solide Daniel Gimenez Cacho (l'indigne Père Manolo de La mauvaise éducation d'Almodovar). Cette enclave sur-protégée de "La Zona" en évoque d'autres contemporaines, qu'elles soient locales ou régionales, et l'appel incessant de ses habitants à la notion magique de "sécurité" sonne bien comme un aveuglement tout à fait actuel. Pour ces raisons, parler de science-fiction est inutile.

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