El Perdido (21.05.2008)

(Robert Aldrich / Etats-Unis / 1961)

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1207096873.jpgUn bon Aldrich, auquel le scénario de Dalton Trumbo donne un air de tragédie classique. Bren O'Malley (Kirk Douglas) arrive dans le ranch mexicain de son ancienne maîtresse Belle Breckenridge (Dorothy Malone), mariée à un éleveur qui a déjà un pied dans la tombe (Joseph Cotten). O'Malley est poursuivi depuis la frontière par Stribling (Rock Hudson) qui veut le livrer à la justice pour le meurtre de son beau-frère et la mort indirecte de sa soeur. Ils se retrouvent et, suite à leur embauche par Breckenridge pour convoyer, tous ensemble, ses 1000 têtes de bétail jusqu'au Texas, ils passent un accord : une fois passés en Amérique, ils régleront leurs comptes. Aux dangers extérieurs attendus (bandits, indiens...) pendant le périple, s'ajoute la complication des relations dans le petit groupe qui inclut Belle et sa fille Melissa (Carol Lynley), autour desquelles tournent les deux hommes. Leur estime mutuelle naissante n'empêchera pas l'affrontement final au coucher du soleil.

On le voit, El Perdido (The last sunset) met tout de suite en place des enjeux dramatiques très forts, portés par des personnages au lourd passé (enjeux auxquels viendra s'ajouter un autre dilemme sur la fin, dont je ne dirai rien sinon qu'il pousse O'Malley dans une voie sans issue). Pour certains spectateurs, l'accumulation peut gêner et faire prendre à quelques ingrédients la couleur du cliché (comme l'a ressenti ma voisine de canapé). Mais c'est qu'en ces temps-là, ma bonne dame, la vie était rude, les expressions directes et les passions exacerbées. La réussite du film tient essentiellement dans la capacité qu'a Aldrich d'inscrire et de prolonger ces éléments purement scénaristiques dans sa mise en scène. Il fait preuve dans El Perdido, du générique du début jusqu'au dernier plan où "The end" s'inscrit dans un coin de l'écran, d'un sens de la composition confondant. Sa science de l'espace et la façon qu'il a de placer ses comédiens dans le plan impressionnent : lignes de fuite, visages en enfilade ou côte à côte (surtout ceux de Malone et Lynley, mère et fille très crédibles). La circulation ne cesse de se faire entre chaque personnage, par duo, trio ou quatuor, mais plus que la ronde, c'est plutôt la ligne droite qui soutient la construction visuelle de ce film basé sur un trajet : dans la séquence de l'attaque redoutée des indiens, les chariots sont regroupés au centre du troupeau, mais au lieu d'avoir l'encerclement habituel, nous avons deux files d'assaillants qui fendent le groupe de bovins pour en prélever une partie, compensation qui évite l'affrontement.

Les rôles sont distribués sans surprise mais très efficacement. Kirk Douglas, par son jeu au bord du cabotinage, est un tueur-poète idéal. Rock Hudson, qui n'est pas le plus fin ni le plus vif des acteurs fait un cow-boy frustre très acceptable (qui n'attend pas que le corps de Breckenridge soit refroidi pour dire à Belle qu'il veut l'épouser). Dorothy Malone fait passer par ses grands yeux bleus et ronds toutes les fêlures possibles de la vie et Carol Lynley a de charmants airs de Sue Lyon ou Caroll Baker. Morceau de bravoure du film, le duel final annonce Leone. Son étirement, son montage de plus en plus court, ses brusques variations d'échelles de plans et l'escamotage du tir décisif, qui prolonge le suspense en différant de plusieurs secondes la révélation à nos yeux du résultat, tous ces effets ne sont pas indignes des meilleurs moments du grand Sergio.

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