Pension d'artistes & Gabriel over the White House (05.11.2008)

(Gregory La Cava / Etats-Unis / 1937 & 1933)

■□□□ / ■□□□

De temps à autre fleurissent dans la presse de cinéma des articles visant à replacer l'oeuvre de Gregory La Cava dans les mêmes hautes sphères que celles de ses contemporains Capra ou McCarey. Pour l'instant, la croisade se fait sans moi...

Premier temps. Je tombe (il y a de cela fort longtemps) sur une diffusion télé de Gabriel over the White House. Je n'aime pas.

pension.jpgDeuxième temps. Début 2007, j'ai l'occasion de voir en DVD, Pension d'artistes (Stage door), l'un des plus fameux titres de La Cava. Je vous livre telles quelles les notes griffonnées à l'époque :

Tiré d'une pièce, film extrêmement bavard, uniquement basé sur l'effet comique des réparties des pensionnaires (toutes féminines) d'une maison abritant des apprenties comédiennes à la recherche de producteurs. Rien de très emballant dans la mise en scène du groupe (une réplique / une coupe / un plan fixe / une réplique...). Les piques échangées portent surtout sur les origines de chacune, venant de telle ville des USA, blagues qui nous parlent peu. La vision du métier est assez noire mais la simplification des référents culturels (Sarah Bernard, Shakespeare... pour que tout le monde comprenne bien) et des techniques de jeu (Hepburn, touchée par la mort d'une pensionnaire qui convoitait son rôle, ressent soudainement l'émotion qui la rend brillante et émouvante le soir de la première, alors que les répétitions la montraient exagérément mauvaise) rend tout cela bien artificiel. Ginger Rogers n'est pas drôle et j'ai du mal à juger Katharine Hepburn. Bien sûr, c'est l'aristocrate qui réussit...

gabrielover.jpgTroisième temps. Le Cinéma de Minuit rediffuse Gabriel over the White House(c'était dimanche dernier). Je tente à nouveau le coup. Le film est une fable politique. Le premier quart d'heure est assez réussi. Judson Hammond est élu à la Présidence des Etats-Unis. Il prend possession de la Maison Blanche, entouré des ses amis du parti (jamais nommé, sauf inattention de ma part) et de ses conseillers. Les bons mots pleins de cynisme fusent, chacun s'amusant à penser que nul élu n'est obligé de tenir les promesses de sa campagne. Devant la presse, le Président use d'une parfaite langue de bois pour répondre aux questions alarmistes. Peu après, nous le voyons jouer avec son petit neveu dans son bureau, totalement indifférent à l'appel radiophonique poignant lancé par le leader de "l'armée des chômeurs" regroupée dans des camps de fortune, aux portes de Washington. Jusque là, tout va bien.

Conduisant lui-même sa voiture, le Président finit dans le fossé. Donné pour mort, il semble recevoir sur son lit de souffrance un signe divin (apporté, selon l'interprétation de sa secrétaire personnelle, par l'ange Gabriel). Notre miraculé se remet alors aux affaires, mais cette fois-ci, de manière réfléchie et en se mettant au service du peuple. Les auteurs poussent alors à l'extrême l'image mythologique du guide de la Nation, la confondant presque avec l'image de Dieu. Hammond passe outre les décisions du Congrès, décrète l'état d'urgence, tend vers un exercice du pouvoir dictatorial (mais, assure-t-il, cette dictature serait "fondée sur la définition jeffersonienne de la démocratie") et finit par imposer par la force aux pays européens et asiatiques le paiement de leurs dettes contractées à la sortie de la guerre de 14. La paix mondiale et la prospérité nationale par les voies du totalitarisme : on en reste coi.

La rigidité de la mise en scène s'accordait avec le ton cassant de la première partie. Ensuite, elle ne fait qu'accuser l'assommante dignité du héros. On note de nombreux faux raccords dans des scènes pourtant simples (il faut dire que le film a été apparemment beaucoup censuré à l'époque, ceci expliquant peut-être cela), d'affreuses transparences (la séquence sur le bateau est très laide) et des accélérations criardes (la course effrénée en voiture). Surtout, la narration ne rend jamais compte de l'écoulement du temps. Ainsi, la lutte contre le gangstérisme est condensée en quelques plans, dont une grotesque séquence d'embuscade. Un riche truand symbolise toute la pègre, un syndicaliste le peuple et bien sûr, le Président réglera directement les problèmes avec eux.

La transformation spectaculaire, qui peut évoquer une sorte de Jekyll et Hyde, reste inexpliquée, sinon par la main de Dieu. Ne réfléchissez pas. Faîtes confiance. Je vous guide...

Je ne comprends pas ce film.

A lire, un avis opposé : Avis sur des films.

A lire également dans le numéro de Positifdu mois de septembre, un intéressant article (de Francis Bordat) replaçant précisément le film dans son contexte.

| Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : la cava, etats-unis, comédie, 30s | |  Facebook | |  Imprimer