La mémoire neuve (20.05.2009)

En parcourant un ancien numéro de Positif l'autre jour, je suis retombé par hasard sur le compte rendu cannois du documentaire d'Edgardo Cozarinsky, Le cinéma des "Cahiers" (2001). Serge Toubiana y révèlerait des propos que lui avait tenus François Truffaut en 1974 : "Vous vous êtes servis des Cahiers, de ce qu'était la revue d'André Bazin. Si vous aviez eu du courage quand vous étiez politisés, vous auriez dû créer une autre revue, mais laisser les Cahiers tels qu'ils étaient dans l'esprit de Bazin."

Évolution d'un titre, prestige d'un nom, trahison d'un esprit... Cela me fait penser à une autre publication, abandonnée pour ma part depuis longtemps. Une publication qui, progressivement, a tourné le dos à tous ses anciens lecteurs en reniant un à un ses principes rédactionnels originels (audace des choix, sobriété de mise en page, longues interviews, articles de fond, publicité contenue, photographes-maison). Une publication qui a cherché à affirmer son identité et étendre son influence en investissant de nouveaux supports/médias/publics/champs-d'action-culturels et qui, au final, ne ressemble plus à rien. J'ai toujours pensé que son passage en 1995 à un rythme hebdomadaire après 9 ans de parutions bimestrielles ou mensuelles aurait dû s'accompagner d'un changement de nom.

Car franchement, en arriver là aujourd'hui...

inrocks09.jpg

... quand on a connu ça...

inrocks92.jpg
... il y a de quoi baisser les yeux.


Ma mémoire m'a / M'a déserté / Enfin je vais profiter / De tout sans rien / En regretter / Affranchi le lendemain / Du souvenir

Fatalement ça / N'a pas duré
/ La mémoire m'est revenue mais / J'eus l'intuition que ça n'était / Pas la mienne que je retrouvais

A mesure que me gagnaient
/ Quelques souvenirs je doutais / Qu'ils m'aient un jour appartenu / Eux qui défilaient sans parler

Mais comme ils pesaient
/ Moins que rien / Et que cette mémoire n'avait / Nulle trace de jour faste ou mauvais / A merveille elle me conviendrait

Moi qui la croyait calme
/ Au moment où elle s'accrochait / A moi je crus qu'elle saurait m'épargner / Les rancoeurs et le vin mauvais

Et aujourd'hui j'accuse / Encore le coup, elle m'a bien eu / Elle m'a bien sûr depuis tout dévoilé / Du passé lourd qui m'incombait

Ma vraie mémoire / Reparaîtrait / Elle rirait bien fort de moi

L'autre en tous cas
/ Bien arrimée / Parraine chacun de mes pas / Et je ne me reconnais pas / Le dos courbe et les yeux baissés / Ces yeux qui balaient le plancher / Sans doute pour la première fois

(La mémoire neuve, Dominique A, 1995)

| Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : inrocks | |  Facebook | |  Imprimer