Mother (25.02.2010)

(Bong Joon-ho / Corée du Sud / 2009)

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mother.jpgMother (Madeo) débute par un premier plan programmatique. Dans un très beau cadre naturel, il enregistre un comportement déplacé et inattendu : une femme se met à danser seule au milieu d'un champ. Dès le début, le film va donc nous rassurer dans la surprise. Oui, nous sommes bien dans le meilleur du cinéma coréen, celui allant de Park Chan-wook à Lee Chang-dong en passant évidemment par Bong Joon-ho, celui qui ne cesse d'étonner en pratiquant les plus improbables des mélanges de genre. Cependant, l'idée nous effleure, alors que l'on s'installe progressivement dans ce nouveau récit tortueux, qu'il faudrait peut-être quelque chose en plus, cette fois-ci, histoire de ne point se lasser.

Ici, comme chez les éminents collègues de Bong Joon-ho, le dynamisme, la truculence et l'énergie vitale permettent de repousser tout jugement moral définitif. Ces registres ne masquent cependant pas bien longtemps la noirceur absolue du propos et la société coréenne nous apparaît une nouvelle fois soumise à bien des turbulences (la jeunesse semble promise au néant). Il est symptomatique qu'à nouveau des personnages déséquilibrés, voire autistes, soient au centre du récit. Comme Lee Chang-dong (Oasis), Bong Joon-ho ne part pas du handicap physique ou mental pour faire la morale mais pour mettre en question la notion de normalité dans un monde totalement déréglé. L'inscription dans un genre, celui de l'enquête policière, contribue aussi à éloigner la pesanteur sociologique.

Dans ce domaine policier, Bong Joon-ho fait très fort. Les indices et les révélations exposés ont ceci de remarquable, c'est qu'ils ouvrent autant de nouvelles pistes (souvent fausses, d'ailleurs) qu'ils mettent à jour des comportements, des psychologies et des relations complexes. Chaque personnage s'en trouve enrichi, des plus secondaires au principal, la mère. Doucement mais sûrement, le film prend un virage pour se concentrer peu à peu sur cette dernière. Au fil des séquences, le cadre se resserre de plus en plus sur elle, la mise en scène épouse de mieux en mieux son point de vue, tant et si bien qu'en retour le personnage semble prendre littéralement possession du film. L'intrigue se déroule dans une petite ville de Corée du Sud, là où tout le monde se connaît plus ou moins. A chaque interlocuteur, nul besoin pour l'héroïne de se présenter. Elle n'a pas de prénom, elle est "la mère de...". En quelque sorte, elle devient la mère de tous (*) : de l'ami de son fils, des policiers... Elle devient la mère du film lui-même, celle qui le prend en charge, celle qui le porte, celle qui le fait avancer (la reprise, vers la fin, du plan d'introduction tend à démontrer qu'elle s'accapare bel et bien le récit). Sujet et mise en scène se fondent ainsi admirablement et rarement un titre aura été aussi parfaitement justifié.

 

(*) : Le père n'est jamais évoqué et, plus surprenant encore, les possibles figures paternelles, celles qui pourraient prendre une part  du récit égale à celle de la mère, sont aussitôt évacuées : l'avocat est manifestement congédié, le ferrailleur est puni d'avoir imposé une nouvelle version faisant "autorité".

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