Cours après moi que je t'attrape (04.03.2010)

J'ai pris connaissance avec retard de ce petit article paru en février dans Les Inrocks. L'auteur, Serge Kaganski, évoque les listes des meilleurs films des années 2000 récemment publiées par les deux revues "historiques" que sont les Cahiers du Cinéma et Positif, cela pour aboutir à une nouvelle génuflexion devant la première et une poussée de la deuxième vers les affres du conservatisme critique. Notons déjà que Kaganski ne se donne pas la peine de reproduire ces listes, ni même, sur la page web correspondante, de proposer de lien, ce qui lui permet d'en tirer uniquement les éléments servant sa thèse et de passer les autres sous silence. Dès la quatrième phrase de l'article, le ton est donné : les Cahiers ont choisi des "objets" et non de simples "films", comme l'a fait sa rivale (les "objets" donnés en exemple sont Tropical malady, A l'Ouest des rails et l'un des plus gros succès commerciaux de l'histoire du cinéma coréen, The Host, les deux derniers titres cités ayant été par ailleurs défendus par Positif au moment de leurs sorties respectives, critique et entretien à l'appui, ce que Kaganski se garde bien de préciser). Le reste est à l'avenant, succession de termes opposés sur le mode moderne/classique. Dans le dernier édito de Positif, Franck Kausch a parfaitement éclairé les faiblesses et les petits arrangements du texte de Kaganski.

Bien évidemment, le problème n'est pas de commenter ni de critiquer ces listes (mon camarade Vincent, sur Inisfree, ne s'en est d'ailleurs pas privé, très récemment, ici et ). Il n'est pas, non plus, d'avancer une préférence entre les deux revues en question, ni de porter un jugement négatif sur l'une ou l'autre. Non, ce qui me gêne énormément dans ce texte c'est de savoir d'où il est écrit et d'y déceler une intention peu glorieuse.

Kaganski, chantre d'un cinéma aventureux, écrit dans Les Inrocks, hebdomadaire (et site internet) à la maquette asphyxiante, bouffé par les news et la pub, ne mettant en valeur sur ses unes que de l'événementiel culturel, ayant progressivement renié tous les principes qui faisaient sa valeur quinze ans auparavant, ne sachant plus quel est exactement son lectorat (sinon qu'il est jeune et pressé). Connaissez-vous, dans votre entourage, quelqu'un qui lise vraiment Les Inrocks ? Cette publication a-t-elle poussé un seul de ses lecteurs à aller voir cette année Le roi de l'évasion ou Singularités d'une jeune fille blonde, films conseillés par la rédaction mais compressés entre les éloges de Twilight et d'Olivia Ruiz ?

Le fait est que la voix de Kaganski et celle des Inrocks en général n'est, sur ce plan-là, plus audible depuis longtemps. Alors notre Serge tente de raviver la petite guéguerre autour du "Triangle des Bermudes" qui l'opposa jadis à Michel Ciment qui, lui-même, n'en parle plus depuis belle lurette. Et surtout, il ne veut pas que le train de la "modernité" file sans lui. Il veut être du côté des Cahiers. Il veut crier "Eh c'est les Inrocks, on est là, on est avec vous !" Il veut profiter du renouveau actuel de la revue, salué par tous, jusque dans les colonnes de Positif. Non seulement l'appel du pied est fait n'importe comment mais il est en plus terriblement grossier.

 

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Les Inrocks : Un goût aventureux...

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