Potiche (21.12.2010)

(François Ozon / France / 2010)

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potiche.jpgPotiche est à peine moins mauvais que sa bande annonce ne le laisse penser. Post-moderne en diable, le dernier film de François Ozon apparaît sans enjeu ni point de vue. Quel intérêt à filmer aujourd'hui une vieille pièce de théâtre de boulevard si c'est pour se contenter d'imiter de manière nostalgico-fétichiste le style cinématographique des années 70 ? Au bout d'une heure trois quarts de projection, nous ne trouvons toujours pas la réponse à la question.

Au moment où Blake Edwards nous quitte, nous peinons décidément à voir en François Ozon, malgré ses déclarations d'intention et ses efforts, un auteur comique, la capacité de Potiche à déclencher le rire étant à peu près nulle. Tout juste ai-je personnellement décroché deux ou trois sourires, suite à un bon mot ou à une réaction amusante, ce qui, au bout du compte, est déjà ça de pris tant le début du film est calamiteux (là où l'on voit les acteurs forcer la note, histoire de se mettre immédiatement au niveau (?) du matériau de départ). Mais le manque d'invention de la mise en scène, l'absence d'emballement du récit et de géniale trouvaille de comédien(ne) sautent aux yeux. Les petits décalages créés par l'emploi anachronique de certaines répliques "sarkozystes" n'arrangent rien. Je suis certain que les blagues autour des "Casse-toi pov' con !" et autres "Travailler plus pour gagner plus" font aujourd'hui, en privé, hurler de rire notre Président lui-même et ses laquais. Replacer ces mots dans le contexte de Potiche serait subvertif ? Allons donc...

La dimension politique du film d'Ozon est d'ailleurs désarmante, pour ne pas dire affligeante. La caricature fait peine à voir, au point que certaines "comédies de gauche" signées Coline Serreau ou Gérard Jugnot paraissent, à côté, des chefs d'œuvres de finesse. Gardant sa position de retrait, Ozon se garde bien de faire le moindre choix. Il s'agit pour lui de critiquer un peu tout le monde pour ne froisser personne (les gens de gauche ont du cœur mais sont un peu cons, les gens de droite peuvent être odieux mais, paradoxalement, c'est le ridicule qui les sauve). Bien évidemment, Catherine Deneuve triomphe aux élections législatives en se présentant "sans étiquette".

Il y a tout de même, au cœur de ce marasme, quelque chose qui fait que Potiche vaut mieux qu'une émission d'Arthur, quelque chose qui résiste à la mécanique boulevardière et à la dissolution du politique : la présence de Gérard Depardieu, son corps, sa diction, son regard. A l'écran, il parvient même à élever ses partenaires, à les arracher, le temps de leurs scènes en commun, à l'artificialité ambiante (Jérémie Renier et, bien sûr, Catherine Deneuve, sans qu'il soit pour autant nécessaire de nous sommer de nous émouvoir outre mesure de leurs retrouvailles, celles-ci ayant de toute façon lieu tous les cinq ans à peu près). Grâce à Depardieu, quelque chose, dans cette lisse Potiche, accroche.

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