Serbis (26.01.2011)

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On ne peut pas dire que Serbis manque de vie. Au contraire, Brillante Mendoza la répercute à l'excès, et la laisse envahir chaque plan jusqu'à déborder. Ce qui frappe tout de suite, c'est l'incroyable porosité existant entre l'intérieur et l'extérieur. Dans ce vaste cinéma porno vit une famille assez nombreuse, aux limites aussi floues que celle du lieu qu'elle a investi. Les murs du bâtiment laissent passer tous les bruits de la ville qui l'entoure, donnant au film un texture sonore inédite, mais aussi, en bien des endroits, ils laissent entrer la lumière du dehors. Des brèches signalent la décrépitude et provoquent des intrusions  (un voleur puis une chèvre), des portes entrouvertes permettent de s'adonner au voyeurisme (les déshabillages et les étreintes sexuelles sont filmés comme à la volée, à la fois frontalement et subrepticement), un hall d'entrée très aéré donne l'occasion à toute une population plus ou moins interlope de pavaner, de traîner et de reluquer.

Malgré la modestie de ses moyens, Serbis ne manque pas non plus d'ambition. Brillante Mendoza effectue la radiographie d'une société. S'il semble se focaliser, en plus de cette famille, sur des groupes marginaux, l'évantail est plus large qu'il n'y paraît (cette ouverture est sensible notamment dans tout ce que met en jeu l'histoire de la grand-mère propriétaire des murs en instance de divorce) : Serbis est un vrai film choral. L'un des soucis est cependant que l'attachement aux personnages se fait très difficilement. De plus, Mendoza, tout indépendant qu'il soit, donne à voir des enchaînements entre les divers micro-récits qui ne paraissent pas moins appliqués, mécaniques et répétitifs, que ceux que l'on peut subir dans de plus confortables et académiques productions.

Plus généralement, les provocations du cinéaste (pipes dans les recoins, services rendus entre homos, furoncle sur la fesse, chiottes à déboucher), le recours à différents registres (de l'hyper-réalisme au burlesque) et le petit effet final (la pellicule qui se consume) fatiguent plus qu'autre chose. Si le suivi des déambulations permet de saisir la complexité du lieu, de se repérer à peu près dans ce labyrinthe, le film relève tout de même du grand foutoir. La mise en scène, basée sur l'usage d'une caméra portée fouineuse, est énergique mais particulièrement confuse, enregistrant le cabotinage parfois pénible d'acteurs non-professionnels et peinant à tisser un fil narratif suffisamment solide. Serbis donne l'impression qu'il pourrait ne jamais s'arrêter...

Certes, tout cela est vivant, insolite, à l'image du lieu choisi pour situer l'action, mais l'intérêt s'effiloche rapidement. Brillante Mendoza a fait mieux ailleurs, probablement (John John, Tirador, Kinatay... ?), assurément (Lola)...

 

serbis00.jpgSERBIS

de Brillante Mendoza

(Philippines - France / 90 mn / 2008)

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