True grit (04.03.2011)

coen,etats-unis,western,2010s

****

True grit est un bon film mais j'attendais plus de la part des Coen pour leur première incursion dans le western, genre auquel ils rendent un honnête hommage mais qu'ils ne parviennent à mon sens ni à transcender, ni à investir pleinement. L'œuvre est thématiquement conforme à ce que l'on sait pouvoir trouver dans un western moderne : la réflexion sur le mal et la violence, la peinture d'une époque charnière où ancien et nouveau mondes cohabitent avant que le premier ne disparaisse. Formellement, sagement borné par un prologue et un épilogue soutenus par la voix off de l'héroïne, le film se révèle assez révérencieux (ne serait-ce, dit-on, par rapport au True grit original d'Henry Hathaway et plus encore au roman de Charles Portis) et cette approche classique n'est peut-être pas celle qui sied le mieux aux deux frangins, au contraire d'un Kevin Costner par exemple (son fameux premier film bien sûr, mais aussi le sous-éstimé Open range).

La première partie, confinée en ville, s'appuie essentiellement sur les dialogues. Le plus savoureux (l'habile négociation de la jeune fille chez le marchand) assure le lien avec les nombreux échanges absurdes que l'on trouve dans tous les autres films des Coen, mais, dans cette longue introduction, le rythme et l'invention visuelle sont comme freinés par le genre. L'action et l'ouverture vers les grands espaces s'en trouve retardées et le passage de la rivière, annonçant enfin le début du périple, nous soulage. Le voyage qu'effectue la jeune Mattie Ross, à la recherche de l'assassin de son père, en compagnie des marshals Cogburn et LaBœuf, est une occasion donnée aux cinéastes de filmer de belles et légèrement inquiétantes séquences, d'orchestrer une série de rencontres étranges, de nous conter l'histoire d'une petite fille parcourant le pays des morts. Les morts, la violence, les présences spectrales, Joel et Ethan Coen savent très bien les mettre en image (le paysage, hivernal et boisé, prend toute son importance). La scène de la chute de Mattie dans le trou est sans doute l'une des plus belles de leur œuvre (la découverte des serpents, l'effroi enfantin et les plans montrant l'ouverture de ce boyau, ovale blanc du ciel entouré du noir des parois, m'ont renvoyé avec plaisir à Fritz Lang). Mais la bride du récit (et de la mise en scène) n'est jamais lâchée complètement et les pauses ménagées entre les moments forts, ces discussions à trois autour de feux de camp, tendent à faire retomber quelque peu l'excitation.

Si les acteurs convoqués sont, à l'image du film, particulièrement compétents, la manie des cinéastes qui consiste à les pousser tous, sans exception, un cran au-dessus dans leur expression, que ce soit par la diction, le port ou l'accoutrement, ne me semble pas toujours pertinente au regard de la simplicité du cadre et de la trame (ainsi des grognements d'ivrogne de Bridges, de la préciosité de Damon, du sourire édenté de Pepper, des borborygmes de Brolin et du sens de la répartie sans faille d'Hailee Steinfeld). De plus, entre la jeune fille bien élevée et le vieux marshal bougon, les rapports m'ont paru sans grande intensité et l'écriture des Coen assez appliquée sur ce point précis. Lors de la chevauchée nocturne finale (avant l'épilogue qui est, lui, raté), l'émotion affleure enfin, mais un peu maladroitement, filtrée par la réminiscence esthétique de La nuit du chasseur. Tout ce qui a précédé en a, selon moi, manqué et compte tenu du sujet et de l'idée même de retrouvailles avec un genre quasiment disparu, cette absence m'a laissé quelque peu insatisfait (et, je l'avoue, peu inspiré).

 

coen,etats-unis,western,2010sTRUE GRIT

de Joel et Ethan Coen

(Etats-Unis / 110 mn / 2010)

| Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : coen, etats-unis, western, 2010s | |  Facebook | |  Imprimer