Benvenuta (30.06.2011)

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(Chronique dvd parue sur Kinok)

Dans le court document proposé en supplément sur ce DVD, on entend Françoise Fabian, sur le tournage, louer son metteur en scène en ces termes : "il fait un cinéma d'Auteur". Quelques instants plus tôt, André Delvaux soulignait la triple nationalité de son film. En effet, Benvenuta est une production européenne de prestige, confiée à un artiste alors reconnu... et elle n'en possède que les défauts (excepté, il est vrai, celui, malheureusement courant, du non-respect des langues de chacun : ici, les voix et les accents sont les bons).

Auteur, donc, André Delvaux l'est assurément. Mais avec cette adaptation d'une nouvelle de la romancière flamande Suzanne Lilar, il est tellement sûr de son sujet, il se voit tellement près de ses préoccupations de toujours, de sa sensibilité surréaliste, de son attirance pour le rêve et la fiction, qu'il se contente de livrer une plate illustration. Il prend appui sur ses dialogues, ses décors, ses acteurs, mais il ne leur insuffle aucune vie. Ainsi, de ces derniers, nous ne voyons que le travail et jamais nous ne percevons, derrière les masques, les personnages. Des numéros se succèdent : aux plissements des yeux et aux gestes de Vittorio Gassman répondent le regard intensément noir et les jeux de bouche de Fanny Ardant.

Surjouée à chaque instant, cette histoire est celle d'une passion. Cet amour absolu est posé sans préavis dès le début du récit et toute évolution nous est refusée. Il faut donc s'accrocher, tenter de se persuader que derrière le faux et l'artificiel, se niche l'étrangeté. Peine perdue.

Deux niveaux de réalité se superposent pour faire naître, finalement, un effet de miroir. Se superposent mais ne se fondent pas, chaque élément apporté restant indépendant des autres. Prenons le délire mystique. Chez Buñuel, il est une source infinie d'ambiguïté et véhicule toutes sortes d'interrogations. Dans Benvenuta, il ne provoque qu'une question : le personnage de Vittorio Gassman est-il sincère ou non ? Jamais nous ne sommes vraiment mis dans les dispositions pouvant nous amener à penser qu'il puisse être à la fois le converti et le manipulateur. En élargissant au film entier, la même remarque est à faire. Malgré le glissement de la fiction à la réalité, opéré à la suite du personnage de la romancière qui passe progressivement, dans son récit, du "elle" au "je", les points de bascule entre les différents niveaux restent inopérants. De l'un à l'autre, si contamination il y a, elle ne concerne que le style apprêté, la joliesse et l'indifférence. Film musical sans musicalité, Benvenuta donne à voir un nivellement : le trivial et le poétique y sont également guindés.

Prisonnier du littéraire, ce cinéma est parfaitement académique, aussi dépourvu de vie que le sont ces panoramiques sur le mobilier agencé soigneusement par l'ensemblier. Pour admirer l'intégration de vedettes à une trame rêvée par André Delvaux, mieux vaut revoir Un soir, un train, réalisé quinze ans plus tôt. Le rêve, alors, éveillait. Ici, il plonge dans le sommeil le plus profond.

 

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d'André Delvaux

(Belgique - France -Italie / 105 mn / 1983)

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