Sweeney Todd (25.01.2008)

(Tim Burton / Etats-Unis / 2007)

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544164c7a74882c6c27a1cafff677cbc.jpgPuisque Tim Burton croit aux maléfices, risquons cette hypothèse : le fait d'avoir accepté de réaliser un inutile et impersonnel remake de La planète des singes en 2001 a provoqué une malédiction qui lui vaut d'accumuler pendant 10 ans les ratages. Cette commande, venant après une décennie dorée, a laissé tout le monde insatisfait, lui y compris, et surtout, elle semble l'avoir complètement déboussolé. Suivirent donc son film le plus personnel sur le papier et transformé à l'écran en conte bêta et inoffensif (Big fish), puis la Rolls du film pour enfants qui ennuie les parents (Charlie et la chocolaterie), pour arriver à ce Sweeney Todd, où le plus grave est bien de constater que rien n'y fait; le cadre, l'histoire, l'ambiance, le ton ont beau changer, le bilan de santé de l'homme à la coiffure en pétard est toujours aussi alarmant.

Sweeney Todd est une comédie musicale macabre. Plus exactement, un film chanté, puisqu'ici on ne danse pas. L'adaptation est celle d'un spectacle à succès de Broadway, racontant la vengeance ruminée par un barbier envers un juge dépravé lui ayant enlevé femme et fille avant de l'envoyer au bagne. Dommage donc pour Danny Elfman qui n'a pas pu travailler cette fois avec son ami Tim, et dommage pour nos oreilles. Si musicalement l'ensemble est supérieur aux soupes qui cartonnent régulièrement sur les grandes scènes françaises, du type Notre Dame de Paris, on ne se fait décidément pas à ce genre de variété souvent gueularde. Saluons cependant les efforts vocaux fournis par Johnny Depp et Helena Bonham Carter, que Burton fige dans des duos chantés au sein d'un décor restreint et quasi-unique (la séquence du rêve de vacances conjugales souffle brusquement un air frais bienvenu). La sensation est pénible de s'entendre dire dès que des notes de musique s'élèvent : "Tiens, encore une chanson, on va s'ennuyer pendant 3 minutes". Le choix du spectacle chanté autorise bien des raccourcis en termes de scénario, ne serait-ce que pour reprendre de la vitesse entre les numéros musicaux, mais pourquoi devine-t-on si facilement, dès le premier plan où elle apparaît, l'identité de cette vieille mendiante à l'arrière-plan ? Je mentirais en disant que j'ai tout vu venir dans le dernier quart d'heure, mais jusque là, que le chemin traversant ces ténèbres est bien balisé... Si le couple star fait le boulot sans surprises (de toutes façons, leurs personnages sont déjà morts puisqu'ils sont les seuls à avoir le visage poudré de blanc), l'intérêt se porte plus volontiers sur les seconds rôles de Sacha Baron Cohen, dans la séquence du concours de rasage, la meilleure du film, et de Timothy Spall, grandiose dans la dégueulasserie.

Reste encore un gros problème : la violence. Pour la première fois, Tim Burton s'y coltine vraiment et le moins que l'on puisse dire est que sa manière ne semble pas poser de problèmes à grand monde. Ici, le cinéaste veut à la fois saisir le spectateur dans l'effroi et le faire ricaner. Montrer son héros trancher des gorges en chantant est déjà douteux, mais répéter cinq fois, six fois, ces plans de corps qui s'écrasent en se disloquant dix mètres plus bas, qu'est-ce sinon de la complaisance ? Tarantino a souvent été traîné au bûcher pour moins que ça. Peut-être me répondra-t-on : grand-guignol, hommage aux films d'horreur de la Hamer etc... Sauf que le réalisme n'était alors pas aussi poussé et qu'il ne se mêlait pas à un second degré aboutissant à la confusion. Et surtout, le cinéma n'a plus l'innocence de l'époque. Le dernier beau film des frères Coen n'est pas moins violent que celui-ci, mais il existe entre les deux une grande différence : d'un côté la violence est intégrée, réfléchie, de l'autre, elle est balancée avec détachement, en nous disant "Débrouillez-vous avec ça"...

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