Minuit à Paris (03.06.2011)

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Amour(s), nostalgie, création, magie : les thèmes abordés dans Minuit à Paris ne sont pas nouveaux pour Woody Allen mais leur présence conjointe devait assurer un certain confort. Malheureusement, le charme agit peu et l'opus se révèle plus que mineur. Beaucoup de choses ne fonctionnent pas cette fois-ci, alors que le sujet était plutôt prometteur.

Le casting est peu enthousiasmant, et pas seulement du côté français. Par contraste, Owen Wilson donne l'impression de s'en sortir assez bien dans le registre, difficile, du mimétisme allénien. Alors que se réalisent les premiers basculements de réalité, il offre de fort jolis instants de suspension et d'hébétude. Le problème est que Woody Allen lui impose de les prolonger indéfiniment, dans un film qui va ainsi rester constamment dans cet entre-deux. Ce flottement peut être, ailleurs (y compris dans d'autres œuvres du cinéaste), payant, mais ici, il dévitalise totalement l'ensemble. D'une part, le va-et-vient entre deux époques ne produit pas une grande tension en termes de récit. D'autre part, si l'on voit les aventures nocturnes du Gil Pender campé par Wilson comme le fruit de son imagination, on s'étonne qu'il soit si peu acteur de ses fantasmes (alors que le cinéma d'Allen s'était fait, ces derniers temps, assez sexy, Minuit à Paris manque cruellement de désir et de sensualité). De même, si son esprit est capable de convoquer tous les grands noms d'artistes fréquentant le Paris 1920, pourquoi ne s'emballe-t-il pas pour nous entraîner dans une spirale vertigineuse ? A un moment, la canne de Salvador Dali entre dans le champ pour tapoter son épaule, mais tout doucement. On peut voir dans ce plan le principal défaut du film : un sérieux manque d'audace et de rythme (mon camarade Timothée a sans doute trouvé le meilleur titre de note de l'année au moment d'écrire sur Minuit à Paris : La machine à remonter le temps et à ramollir le tempo).

Allen a voulu recomposer le monde parisien à la lumière des connaissances populaires. Comme il n'est pas un imbécile, son introduction, dans laquelle il présente un à un les endroits les plus célèbres de la capitale, il l'étire à l'extrême, en allant jusqu'au bout de la chanson de Cole Porter qui la porte, et parvient ainsi à dépasser le cliché. Ensuite, il donne une vision rêvée d'une époque et de ses artistes. Le choix est pleinement assumé et justifié par la psychologie du héros mais cela ne suffit pas pour effacer l'impression du catalogue simpliste et poussiéreux (malgré deux ou trois idées un petit peu amusantes comme lorsque Pender souffle à Buñuel l'idée de L'ange exterminateur).

Par ailleurs, comme dans les Woody Allen les moins réussis, le moraliste fait passer son message avec trop d'insistance. Ici, il s'agit de prendre garde à ne pas perdre le lien avec le présent, de profiter sans s'abîmer dans la contemplation d'un passé idéalisé. Ce danger, les dialogues ne cessent de le pointer, et ce dès les premières scènes (la fiancée qui reproche constamment à Gil de "vivre dans le passé"). Plus loin, ce sont encore les dialogues qui gâchent l'idée, séduisante bien qu'attendue, du "saut dans le temps dans le saut dans le temps", à coups d'explications bien inutiles. Enfin, j'ajouterai à mes griefs la platitude de certaines scènes. Celle de la rencontre entre Gil et Adriana (Marion Cotillard), par exemple, n'est qu'une suite de champs-contrechamps sans âme. Dès lors, j'en viendrais presque à rejoindre, provisoirement, les vieux détracteurs du cinéaste en avançant qu'ici, Woody Allen en dit trop et n'en montre pas assez.

 

minuitaparis00.jpgMINUIT À PARIS (Midnight in Paris)

de Woody Allen

(Etats-Unis - Espagne / 100 mn / 2011)

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