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2010s

  • Jojo Rabbit (Taika Waititi, 2019)

    °
     
    Une comédie sur le nazisme à la manière de Wes Anderson, mais oui, quelle bonne idée !!!
    (Un détail parmi cent. Apprenons à distinguer les bons libérateurs des mauvais libérateurs : les Américains traversent le fond joyeusement et parlent d'ailleurs la même langue que celle utilisée par nos héros berlinois pendant deux heures ; les Russes aboient des ordres incompréhensibles et abattent froidement les soldats allemands y compris le SS le plus sympa)
    (Et le final dansé sur "Heroes" de Bowie, pitié...)

  • Journal d'une femme de chambre (Benoit Jacquot, 2015)

    °
     
    Finalement j'ai regardé le Jacquot avant de revoir le Buñuel. Pas forcément une bonne chose si tôt après la lecture du livre mais sans cela je n'aurais de toute façon jamais fait l'effort. C'est fidèle mais incroyablement lisse... avec un dynamisme forcé de la mise en scène (les plans en marche, de dos), une indécision pour traduire la subjectivité de l'héroïne (dialogue classique ou bien réflexions à voix basse pour elle-même ou encore vraie voix off), une balourdise dans les flashbacks... Je ne savais pas que c'était Lindon qui jouait Joseph. Et comment Vincent Lindon pourrait-il faire peur à Léa Seydoux ? Puis la troubler profondément ? Puis la faire sienne totalement ? Même phrase finale que dans le livre, avec Célestine avouant pouvoir maintenant aller jusqu'au crime avec son homme, sauf qu'ici, on n'y croit absolument pas. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que Jacquot fait participer Célestine au vol de l'argenterie par Joseph, parce qu'il n'a pas trouvé le moyen de montrer la montée du désir malsain. Plus tôt, le "Vous êtes comme moi !" lancé par Lindon à Seydoux claque mille fois moins que celui lancé par Francis Lederer à Paulette Godard dans le Renoir (alors que le film de celui-ci est pourtant encore, à ce stade-là, en grande partie, une comédie).

  • Parasite (Bong Joon-ho, 2019)

    ***
     
    Toujours aussi étonnante cette césure, cette faille qui s'ouvre d'un seul coup à l'exact milieu du film et qui engloutit tout le reste sans espoir de remontée, comme ces images spectaculaires d'affaissements de terrain, d'énormes trous, qu'on voit de temps en temps aux infos. (et puis aussi, bien sûr, ce renouvellement rigoureux, par la mise en scène/mise en espace, du thème du sous-sol, en croisant son usage horrifique et sa signification sociale)

  • Finding Fela! (Alex Gibney, 2014)

    **
     
    En prolongement de mon défrichage récent et bien trop tardif de l'ébouriffante discographie de Fela Kuti, ce doc américain qui ne pâtit pas trop du format conventionnel grâce à la densité du sujet et le doublement de la durée habituelle (2h). Son principal défaut est de se servir comme squelette d'une comédie musicale montée à Broadway en 2009, en hommage au musicien. Sans doute à cause de la rareté des archives. On y revient beaucoup trop souvent pour ne pas sentir le poids du deal promotionnel. Cela permet cependant de poser la question "comment parler de Fela aujourd'hui ?" (et encore, c'était il y a 10 ans), puisqu'il faut aussi évoquer l'herbe fumée sans discontinuer, le "harem" de jeunes femmes dans lequel piocher chaque jour, le courage politique jusqu'à l'inconscience, le spiritisme jusqu'à la folie, le déni du SIDA... Finalement, le tableau est assez complet, y compris sur le contexte nigérian (ah, ces américains qui vous balancent sans prévenir dans leur film un plan d’exécution par balle pour parler de la guerre du Biafra...). Et sur la musique, principale attente, grâce à la durée et la qualité des intervenants (Tony Allen notamment), c'est assez bien creusé. Amusant tout de même que tout le monde insiste sur la longueur des morceaux de Fela, en exagérant d'ailleurs à chaque fois en parlant de 25 ou 45 minutes (alors que tous les extraordinaires morceaux des années 70 tiennent entre 8 et 15), dans ce documentaire qui moque la frilosité des radios américaines réclamant des extraits de 3 minutes mais qui ne se résout à aucun moment à conserver une continuité musicale et visuelle de plus de quelques secondes. Intéressant donc, mais ne relayant qu'imparfaitement la force de ce groove unique et de ces variations irrésistibles.

  • Hal Hartley (mais qu'est-il arrivé à... ?)

    J'avais fini par culpabiliser de ne pas avoir suivi, moi non plus, Hal Hartley après le faiblard "Flirt" (plus exactement après "The Book of Life", dont je me demande maintenant quel pourcentage de ma petite affection d'alors représentait la seule présence de PJ Harvey), regrets encore attisés par l'intéressant livre publié en 2016 chez Lettmotif.
    J'ai tout rattrapé d'un coup, tout ce qui me manquait, tout ce qu'il a fait (en long métrage) durant ces années où l'on s'est demandé "mais qu'est-il arrivé à Hal Hartley ?".
    Et bien ça ne valait vraiment pas le coup de culpabiliser.
    "Henry Fool" (1997) (*) parabolise sur l'art et l'amitié. Comme Hartley veut saloper son cinéma, il y va à coup de scènes de diarrhée ou de vomi, et torche un film interminable (2h17) autour de deux personnages également détestables, l'un écrivain raté et affabulateur, tendance pédophile et violeur, l'autre attardé mais finissant prix nobel de littérature. Les formules tournent dans les bouches, misanthropiques et vaines.
    "No Such Thing" (2001) (°) est moins douteux moralement mais encore plus faible cinématographiquement, fable amorphe et désincarnée sur la monstruosité qui n'est pas celle que l'on croit, celle de la Bête immortelle, mais bien celle de l'espèce humaine. Le style rend le conte étriqué. Le message sur l'état du monde et des âmes est doublé d'une critique des médias si simpliste que même le Wim Wenders de l'époque aurait refusé de la formuler telle quelle.
    "The Girl From Monday" (2005) (°) poursuit crânement sur la voie de la science-fiction. Les trois-quarts des cadres sont penchés (pour l'étrangeté) et tous sont serrés (pour ne pas avoir à créer un décor futuriste), ce qui provoque une grande fatigue visuelle. Lorgnant sur "Alphaville" et "La Jetée" (jusqu'aux plans en noir et blanc et aux images arrêtées), l'essai est terriblement rabougri malgré quelques intuitions sur la dictature numérique et les agréables physiques des interprètes.
    Avec "Fay Grim" (2006) (°), où la caméra n'est toujours pas remise d'aplomb, on touche le fond, à une distance insoupçonnée. En la surprenante présence de Jeff Goldblum, l'histoire d'espionnage international la moins intéressante jamais racontée sur un écran nous trimballe jusqu'à Istanbul pour entendre 15 minutes de discussion décalée philiosophico-politique dans la cave d'un djihadiste. Cassage de codes oblige, attention, rires ! : des personnages s'appelent Herzog ou Konchalovsky ; l'héroïne a caché son téléphone dans sa culotte mais le mode vibreur lui fait monter un orgasme inopportun ; les agents secrets américains, russes, français, anglais, israéliens grimpent dans la même camionnette qui ne manque pas d'exploser pour régler l'affaire... PTDR.
    Après cette dégringolade vertigineuse, une oasis, un petit miracle. "Meanwhile" (2011) (***) retrace en moins d'une heure la journée d'un homme, batteur, bricoleur, écrivain, cinéaste, entrepreneur, traversant New-York dans une mauvaise passe financière. Une histoire courte et vivante, sans leçon de morale ni cadre penché. Et comme par hasard, tout (re-)marche : les plans respirent dans la durée, les décors new-yorkais s'imposent, les dialogues en sont vraiment, le discours reste souterrain, les auto-citations passent, l'humour fonctionne, les actrices et acteurs ne sont pas réduits à une idée, les personnages existent et touchent.
    C'était malheureusement une exception. "Ned Rifle" (2014) (°) arrive pour compléter "Henry Fool" et "Fay Grim" en une trilogie (et pour clore la filmographie ?). Forcé de boucler les pistes farfelues, totalement invraisemblables, ouvertes par les deux précédents, ainsi que de trouver lui aussi sa dimension "sérieuse" et "politique" (cette fois-ci via la religion), il voit la relative simplicité de filmage adoptée avec "Meanwhile" virer au statisme ennuyeux et bavard. Derrière les principaux interprètes (pas fameux, qu'ils soient nouveaux ou anciens dans cette trilogie), le générique attrape-nostalgiques (comme moi) annonce fièrement Martin Donovan, Karen Sillas, Robert John Burke et Bill Sage pour n'offrir en fait, en temps cumulé, qu'à peu près 3 minutes 30 de leur présence.
    A l'image du dénouement laborieusement sanglant de ce (dernier ?) film, tout cela me paraît bien constituer un énorme gâchis.

  • Shut Up and Play the Hits (Dylan Southern et Will Lovelace, 2012)

    *

    Documentant le concert d'adieu de LCD Soundsystem au Madison Square Garden en avril 2011, "Shut Up and Play the Hits" n'a été montré en 2012 qu'aux Etats-Unis et en Angleterre, ce qui m'avait sur le moment énormément frustré. Puis je l'avais un peu oublié, comme beaucoup de monde apparemment. C'était un mauvais signe.
    A des années-lumière de la classe et du naturel caractérisant "The Last Waltz" de Scorsese, "Shut Up" réussit l'exploit de ne pas rendre service à son sujet et d'être contre-productif. Le film est déjà encombré d'échantillons d'un entretien dans lequel un journaliste pose des questions aussi longues que pompeuses auxquelles James Murphy paraît ne pas savoir quoi répondre. Sur son parcours, rien. Sur la singularité de sa musique, rien. Sur la notion de groupe, rien.
    LCD Soundsystem était, au départ, son projet à lui mais quiconque a assisté à l'un de leurs concerts sait à quel point il s'agit d'un vrai groupe (et quel groupe !). Ici, en dehors des séquences musicales, Nancy Whang, Pat Mahoney et Tyler Pope, bien que présents dès les prémices de l'aventure, sont invisibles. On n'entend et ne voit que Murphy. Pire, on le suit alors qu'il déambule seul dans son bel appartement, dans la rue ou au bureau de son label DFA, lors de séquences documentaires puant le fabriqué (le comble est atteint quand, après ce dernier show, l'équipe le filme dans la réserve devant tout le matos rangé, attendant que le sanglot monte).
    On en vient à se demander s'il s'est fait piégé par les auteurs ou s'il a lui-même mis en scène, par leur intermédiaire, cet ego-trip.
    Reste heureusement les longs extraits du concert, montés évidemment trop rapidement (caméras partout, durée du plan nulle part), inévitablement raccourcis ("Losing My Edge" est décrit par le journaliste comme le meilleur morceau écrit par Murphy, ce qu'il explique... sur la musique elle-même !), mais transmettant toujours cette énergie faisant de LCD le groupe le plus important des années 2000.
    Il se trouve de toute façon que "Shut Up" est rapidement devenu caduc. D'une part, LCD Soundsystem s'est reformé 5 ans après. D'autre part, le fameux concert a été édité, débarrassé de toutes ces tentatives documentaires inutiles et prétentieuses. Ces fabuleuses 3h30 de pur live sont disponibles notamment sur Youtube.
  • Les Quatre Filles du docteur March

    Les Seize Filles du docteur March :
    Le George Cukor (1933) ** se déséquilibre volontairement vers le personnage de Jo, avec Katharine Hepburn qui prend toute la place, qui ne se résout pas à jouer sagement comme les trois autres et qui prend en charge l'énergie du film, se voyant même parfois explicitement isolée dans le cadre par la mise en scène.
    Le Mervyn LeRoy (1949) * n'apporte pas grand chose sinon la couleur et les modulations plutôt homogènes de ses interprètes (June Allison, Janet Leigh, Liz Taylor...) mais croule sous les violons et le sentimentalisme.
    Le Gillian Armstrong (1994) *, pour approfondir les psychologies, aborder plus franchement les dimensions sociales et rendre immédiatement lisibles les émotions, privilégie beaucoup trop les plans rapprochés conventionnels au détriment des forces extérieures qui auraient pu animer les figures secondaires et les différents espaces, ce qui le rend bavard au centre et décoratif dans ses à-côtés.
    Le Greta Gerwig (2019) **, par la mobilité de la caméra et par l'énergie de groupe bien répartie, propose une série d'impulsions régénératrices et ce qui aurait pu apparaître comme une simple astuce un peu vaine, le bouleversement de la chronologie, assure lui aussi, finalement, un plaisant dynamisme.

  • Tunnel (Kim Seong-hoon, 2016)

    **

    Revu, c'est un peu long "Tunnel", inégal, parfois bien écrit et parfois trop visiblement articulé dans l'enchaînement des événements dramatiques, petits ou grands. Le mélange d'ingrédients très divers (action, tension, satire politique et médiatique, comédie, mélo) tire vers la recette depuis longtemps connue du cinéma sud-coréen mais il en résulte toujours de belles surprises narratives, comme l'effondrement qui advient quasiment sans attendre ou le décès rapide de la deuxième "survivante" découverte peu de temps avant. Être ironique n'empêche pas d'être sérieux quand il faut. Et dans l'autre sens, la succession d'erreurs, de gaffes, de réactions bizarres, jusque chez les personnages les plus positifs fait que le film ne nous bassine jamais avec "l'Héroïsme", que ce soit celui de la victime ou celui des sauveteurs, ce que l'on n'aurait pas manqué de faire dans une production équivalente américaine ou française.

  • Un grand voyage vers la nuit (Bi Gan, 2018)

    **

    Ambition démesurée de Bi Gan, qui veut parler les yeux dans les yeux avec Tarkovski, Fellini ou Lynch, tout en réinventant l'usage du plan-séquence. Mais son deuxième film n'impressionne et ne touche que par intermittence. L'élastique est tiré vers le formalisme extrême et pète parfois entre les doigts. On perd donc entre "Kaili Blues" et "Un grand voyage vers la nuit" exactement la même part qu'entre "Black Coal" et "Le Lac aux oies sauvages" de Diao Yi'nan.

  • L'Equipier (Kieron J. Walsh)

    °

    Des équipes qui roulent tout le temps à 3 ou 4 de front sur la largeur de la route, à 2 mètres d'écart les uns des autres et jamais en file indienne, toujours les mêmes coureurs devant quel que soit le relief, des sprinters donnés favoris du Tour, un jeune tout étonné d'apprendre après l'arrivée qu'il est maillot blanc (comme s'il ne savait pas qui sont ses concurrents et à quelle place ils ont fini), un statut d'équipier qui interdit de gagner des étapes, un peloton de 50 à tout casser et pas plus de spectateurs autour, une sur-dramatisation des événements de course et des rapports entre coureurs, un sportif en pleine compétition qui passe toutes ses soirées au pub... La représentation du cyclisme et du Tour de France de 98 est tellement risible qu'on se demande si les auteurs se sont réellement renseignés, au-delà des techniques de dopage (seules scènes un peu intéressantes). Quant ils ont dû penser à le faire, manque de bol, ce devait être, comme aujourd'hui, une journée de repos... C'est dommage car ils avaient trouvé en Louis Talpe un acteur crédible.