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  • Psaume rouge (Miklos Jancso, 1972)

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    Par-delà 3 années et 4 films, Psaume rouge poursuit l'expérience de Ah, ça ira ! et fait figure d'aboutissement d'une poétique musicale, historique, symbolique de la Révolution. Celle qui est décrite cette fois concerne, à la fin du XIXe, un groupe de paysans socialistes se heurtant à leur régisseur et à leur propriétaire, aux militaires et aux prêtres. Les chorégraphies de la caméra sont donc à nouveau augmentées de danses et de chants. Leur variété est un premier avantage sur le film de 68 : chant populaire ou révolutionnaire, complainte au violon, commentaire folk à la guitare, marches militaires... Souvent, deux ou trois registres musicaux se succèdent à l'intérieur même des plans, très longs (4 ou 5 minutes en moyenne), qui accueillent aussi toutes les vitesses, toutes les échelles (du gros plan au lointain), évitant ainsi la monotonie. L'idée de montage traditionnel a complètement disparu. Cette représentation fluide et musicale, cette narration dans l'illusion d'un seul mouvement, fait tout accepter. Les résurrections et les nudités, pour la première fois "positives" (littéralement désarmantes), font cheminer une espérance énergique résistant à la répression. Riche de plusieurs compositions impressionnantes et d'inoubliables déclinaisons du rouge sang (ruban, cocarde, rivière teintée), c'est l'une des plus grandes réussites plastiques de Jancso.

  • Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994)

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    Jamais vu jusque-là ce très étonnant succès. Les sauts de registres sont un peu trop raides et Neil Jordan ne réussit pas totalement les séquences spectaculaires. En fait, les plus simples sont les plus fortes et les meilleurs effets spéciaux sont les performances de B. Pitt, T. Cruise, K. Dunst et A. Banderas. La surprise est qu'une production dotée d'un tel budget aille finalement aussi loin. La dimension horrifique n'est pas édulcorée et surtout, la métaphore sexuelle du vampirisme n'en est même plus une tant elle est mise en avant, dans toutes les combinaisons possibles (les premières scènes entre Pitt et Cruise, c'est quelque chose). Et cela prend encore une autre coloration avec la présence centrale de la petite Kirsten (plusieurs situations et dialogues ne pourraient sans doute plus passer tels quels aujourd'hui : est-ce la véritable raison pour laquelle la distribution en salle est impossible actuellement plutôt que l'absence de matériel ?). Au moment d'en finir, de boucler le récit sur la période contemporaine, deux idées. Une bonne : un hommage au cinéma, à travers l'enchaînement sur un grand écran de quelques plans iconiques de son histoire, trente ans avant le Babylon de Chazelle, et en faisant un lien osé mais très amusant entre le Sunrise de Murnau et le Tequila Sunrise avec Mel Gibson. Une mauvaise : un générique de fin sur une reprise dégueulasse de Sympathy for the Devil par les Guns N' Roses.

  • Les Griffes de la nuit (Wes Craven, 1984)

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    A 13 ans, pas moyen que je me mette devant le film d'où étaient tirées des images extrêmement flippantes. A 53 ans, ça va. Les séquences horrifiques sont à la fois marquantes et originales. Celles qui les entourent sont correctes. L'idée de départ et son développement font évidemment la force du film, d'autant plus qu'un lien habile est tissé avec cette histoire de virée punitive contre le tueur Freddy, entraînant donc vers une sorte de vengeance à tiroir. Importante aussi, la tranche d'âge des victimes : à l'époque de la sortie, les cauchemars pouvaient passer pour des châtiments contre la débauche, alors que, maintenant, il est difficile de ne pas penser à un fléau comme le sida, qui allait bientôt frapper toutes les consciences. A part ça, tout le monde sait que Johnny Depp faisait là ses débuts mais personne ne m'avait mentionné la présence de Ronee Blakley, en mère de famille pas plus équilibrée que, dix ans plus tôt, Barbara Jean, la chanteuse star de "Nashville"...

  • Ya, Ya, Mon Général (Jerry Lewis, 1970)

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    Bien plus jeune, j'avais trouvé le film vraiment nul mais j'ai toujours eu l'envie de revérifier et finalement, ça ne l'est pas complètement. Le délire critique de l'époque reste cependant difficile à comprendre, qui plus est répandu par quelques sommités (8 pages dans Positif, inévitablement par Robert Benayoun, autour de la "saine mégalomanie" de Lewis, en face d'un texte de Serge Daney dans les Cahiers, plus court mais pas facile à suivre sur le corps et le langage, et bien d'autres que je n'ai pas lus comme Noël Simsolo dans la Revue du Cinéma ou René Prédal dans Jeune Cinéma). Déjà handicapé par son titre français, ce Which Way to the Front ? est à la fois ambitieux et facile, risqué sur le plan narratif (peu d'enchaînements logiques ce qui laisse perdurer l'impression d'une succession de sketchs, long - presque interminable - prologue repoussant le générique à 18 minutes, insertion d'images documentaires, aucun moment d'attendrissement) et visuellement pénible (lumière et ombres désagréables, mise en images frontale des actions dans les décors fabriqués ressemblant à une captation de show TV). Malgré le n'importe quoi et le manque d'idées marquantes (le ballet au ralenti pour les retrouvailles entre le Führer et son stratège préféré), c'est quand même intéressant de voir jusqu'où va Lewis pour traiter ce sujet "énorme" de satire du capitalisme et de l'armée sur le terrain de la Seconde Guerre, en convoquant Hitler (et indirectement Chaplin). Finalement, le "meilleur" est le dernier tiers, paroxystique, hystériquement chargé, avec la série de confrontations entre les nazis et le personnage de Lewis déguisé qui ne cesse de hurler ses phrases avec l'accent allemand. On est très au-delà du raisonnable. Bref, c'est une expérience. Pas étonnant qu'il ait enchaîné aussitôt avec son fameux et invisible The Day the Clown Cried.

  • La Technique et le Rite (Miklos Jancso, 1971)

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    Attila le Hun, aux portes de l'Empire romain, s'adonne aux jeux de pouvoir avec ses hommes, un centurion ou son frère Bleda.
    C'est une épreuve de voir Jancso assécher ainsi son cinéma, même s'il œuvre ici dans le cadre d'une production TV pour la RAI. Fidèle à son style, il tend cette fois à l'extrême vers le théâtre, en un lieu unique à ciel ouvert, entre terre et mer. Le format de l'écran ainsi que le terrain, trop accidenté pour permettre de belles arabesques, altèrent le rapport aux corps et à l'espace. Mouvements et plans longs se révèlent alors d'une grande monotonie. Et comme reviennent les figures habituelles (morts qui se relèvent, groupes qui encerclent, valse des armes qui symbolise l'arbitraire des décisions), le texte se retrouve seul à devoir soutenir tout l'intérêt de cette histoire, allégorie sur l'autorité. Derrière les rituels, ce texte s'efface d'ailleurs peu à peu, ce qui rend la fin à peu près incompréhensible. Pour couronner le tout, très tôt, la bande son ajoute au bruit du vent perpétuel celui de tambours peu supportables rythmant les pas ou les songes des protagonistes. Je vais vite passer à (et revoir) Psaume rouge.

  • Le Signe de Zorro (Fred Niblo, 1920)

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    On a vraiment l'impression d'être à la source du cinéma de divertissement hollywoodien (de long métrage) avec ce premier Zorro de l'histoire. Jouant sur plusieurs registres, les séquences sont inégales mais la bonté énergique l'emporte, tout en simplifiant beaucoup (en cinq ou six phrases un auditoire peut être totalement rallié à une cause, l'oppression est vaincue en la ridiculisant, la noblesse est éclairée par le héros et éclairera certainement en retour les masses laborieuses, le justicier sait lui-même faire le tri entre ceux qui méritent la liberté et ceux qui doivent rester en prison). C'est l'idée de spectacle total, avec des passages enthousiasmants et des détails saisissants (la marque sur le cou révélée par le reflet sur l'épée). Pardon pour le cliché mais impossible de ne pas qualifier Douglas Fairbanks de bondissant, notamment dans la longue et formidable séquence, proche du burlesque, où une dizaine de soldats tentent de l'attraper. Mais il est presque plus intéressant en Don Diego qu'en Zorro, inventant un personnage de faux paresseux par la seule gestuelle, par ses postures comme affaissées ou désossées. Il avait quand même déjà 37 ans, alors que sa partenaire de romance, Marguerite De La Motte (très bien), en avait 20 de moins.