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Nightswimming

  • X (Ti West, 2022)

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    J'avais un peu perdu l'habitude de me faire bousculer avec de l'horreur mais c'est pas mal "X" de Ti West. Enfin surtout la première heure, avec des personnages bien campés, une ambiance 1979 recréée sans effort, plusieurs plans très larges en belles ponctuations, une petite astuce de montage efficace pour certaines transitions. Après, malheureusement, entre renouvellement et simple reconduction de tous les codes du slasher, je ne vois pas trop la différence. Il me semble qu'on retombe dans le cahier des charges des exécutions successives. Travail intéressant sur les différents corps et les différents âges, dans la perspective du désir sexuel, mais pourquoi ne pas avoir filmé de vraies personnes âgées plutôt que de grimer et truquer, et donner par conséquent un côté "créature fantastique" au vieux couple ?

  • Garde à vue (Claude Miller, 1981) & Le Paltoquet (Michel Deville, 1986)

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    J'étais curieux de revoir "Garde à vue" et "Le Paltoquet", deux films qui m'avaient impressionné, ado des années 80 (télévision ou vidéo pour le premier, au cinéma pour le second), deux films aux partis-pris comparables, s'appuyant sur un décor unique (ou presque), cherchant à "faire du cinéma" sur des bases théâtrales, racontant une enquête criminelle, convoquant des stars...
    Le Deville est un peu décevant à la revoyure, son originalité forcenée se retournant contre lui. C'est encore assez plaisant à suivre mais la façon qu'à le cinéaste de placer toutes les trente secondes une "idée" pour amuser, étonner, désarçonner ou mettre à distance devient lassante. Ça finit par n'être qu'une série de trucs de mise en scène, pas désagréable mais trop calculée, à l'image de ces plans qui ne semblent enchaînés que pour mettre en valeur tel mot ou telle expression.
    A l'opposé, la permanence de la force du Miller tient justement à la belle intégration de son parti-pris dans une coulée plus fluide et moins tape-à-l’œil (Miller en assumait, revendiquait même, le côté "commande"). Ainsi les dialogues d'Audiard se succèdent parfaitement, jamais soulignés pour les élever au rang de bon mot mais toujours déroulés dans le naturel des échanges. Le traitement des thèmes abordés (pédophilie, délitement du couple, rapport à la police, différences sociales, doutes sur la culpabilité...) est net tout en préservant les ambiguïtés. Grande interprétation de Serrault et Ventura (et Marchand). Les 4 premiers Miller, c'est pas rien...
  • Killers of the Flower Moon (Martin Scorsese, 2023)

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    Martin Scorsese remet à jour inlassablement les racines du mal en racontant une histoire singulière, un renversement apparent des positions habituelles (entre Indiens et "Blancs", entre femmes et hommes) inadmissible pour certains qui useront rapidement de la violence. Un passionnant détour par l'Histoire qui permet d'aborder habilement les problématiques actuelles.
    Le film est long (3h26) parce que Scorsese prend le temps d'aller au fond de chaque scène et de diriger au mieux ses interprètes, tous remarquables.
  • Le Charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel, 1972)

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    Je n'avais pas revu "Le Charme discret de la bourgeoisie" depuis longtemps. Le début, avec les toiles peintes derrière les fenêtres du salon raccordant mal avec les plans du jardin, l'exposition du trafic chez l'ambassadeur et le manège érotique un peu faux d'Audran et Cassel m'ont laissé penser que le film n'était peut-être pas si grand que ça. Mais bien sûr que si, il l'est. J'avais seulement oublié que son principe était la répétition de tous ses éléments (pas uniquement celle du repas impossible à prendre normalement). Répétition et variations, complètement inattendues. D'une part, donc, le début n'est qu'une préparation : le "faux" du décor prépare la séquence sur la scène de théâtre, les rêves d'abord classiquement racontés préparent leur assimilation totale au récit dans la deuxième moitié... D'autre part, la suite est de plus en plus vertigineuse : les points de départ des rêves des principaux protagonistes sont encore moins signalés que dans "Belle de jour" (ne m'en rappelant plus, je me suis "fait avoir" à chaque coup) et cela donne notamment naissance au plus génial des rêves enchâssés. De plus, on peut dire que la répétition joue encore au niveau supérieur : vers l'arrière, le film répète les films précédents de Buñuel (que de réminiscences !) et vers l'avant, il sera répété par Blier, Dupieux et d'autres.

  • Réjeanne Padovani (Denys Arcand, 1973)

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    Singulier film politique où le pouvoir s'exerce en vase clos, entre initiés politiques et industriels, où les actions s'enclenchent par téléphone ou intermédiaire sans trop perturber le manège (élégant au salon, lubrique à l'écart) de la bonne société. Incluant un petit jeu autour du film noir classique, le maintien à distance de la caméra, quelques étirements du temps, un soupçon d'absurdité et une certaine frontalité rendent la chose originale mais il manque un peu de nerf en son centre.

  • Le Garçon et le Héron (Hayao Miyazaki, 2023)

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    Dès les premières minutes, la beauté d'une animation sans égale par son inventivité et sa vibration interne, nous saisit à nouveau sur grand écran. 
    Miyazaki nous éblouit encore avec ce film-somme à la fois universel, intemporel et aux couches de plus en plus complexes et libres.
    L’œuvre, réflexion sur le deuil, est hantée par la guerre, la guerre des hommes qui semble se reporter à l'intérieur de la nature elle-même et entre les créatures visibles ou invisibles qui la peuplent.
    Avec son jeune héros au regard si sérieux et si intense, on traverse les espaces, on s'enfonce dans le temps, on va au plus profond... dans l'esprit lumineux du grand créateur Hayao.

  • Les Duellistes (Ridley Scott, 1977)

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    L'une des choses dont je me rappelais le plus précisément et que je préfère encore aujourd'hui dans les "Duellistes" de Ridley Scott, ce sont les inventions gestuelles de Harvey Keitel, qui impose, comme souvent, une présence stupéfiante. En face de lui, Keith Carradine est très bien, très raide, bien qu'il soit le héros-victime de l'histoire, raideur d'ailleurs accentuée dans le dernier tiers par une jambe bloquée. Le film souffre d'une utilisation agaçante de la musique, qui vient tout appuyer (tambour militaire dès que l'on voit des soldats, notes stressantes dès que Keitel se révèle dans les parages, partition légère dès que Carradine peut se poser), et n'échappe pas toujours à la trop belle image, mais souvent, l'inspiration visuelle est là, dans les détails (les gestes, donc, ou cet oiseau dans la pièce où patiente Carradine) et dans l'ampleur, malgré les moyens limités pour représenter cette épopée napoléonienne, qui emprunte à Kubrick, Tarkovski, peut-être même Jancso (le long plan de la course à cheval dans le bois). "Duellistes", "Alien" et "Blade Runner", sacrés débuts tout de même, à un niveau jamais égalé par Scott par la suite.

  • Le Masque du démon (Mario Bava, 1960)

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    Sans doute est-elle présente dans de nombreux films du genre tournés en noir et blanc mais la lutte entre les ténèbres et la lumière est vraiment rendue dans "Le Masque du démon" avec une rare intensité. A l'exception d'une petite poignée de plans de jour extérieurs, tout semble mangé ici par l'obscurité, le noir encerclant le blanc (voutes, fenêtres, cheminées, feuillages) ou créant des trous pour aspirer (tombes, passages secrets, couloirs, trappes). Même le corps-à-corps déterminant entre Gorobec et Iavoutitch est filmé à distance dans la pénombre. Dans tous les cas, noir ou blanc au centre, l’œil est attiré, comme la caméra gracieusement mobile de Bava. Et la recherche plastique culmine avec les plans consacrés à Barbara Steele, chemise blanche sous robe noire, peau blanche peinte entourée de noir, visage blanc troué par le masque, rehaussé par les cils et sourcils, délimité par la chevelure, tout noir.

  • On achève bien les chevaux (Sydney Pollack, 1969)

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    Je crois que jusqu'au bout je resterai peu touché par le cinéma de Sydney Pollack. Nouvelle tentative (la septième pour tout vous dire) avec "On achève bien les chevaux" que je n'aurais peut-être pas dû enchaîner aussitôt avec la découverte du livre de McCoy tant la noirceur et la sècheresse de ce dernier m'y semble beaucoup trop atténuées et les modifications apportées par les adaptateurs discutables (par exemple, à l'absolu dégoût de la vie proféré par Gloria est substitué une sorte de dépit amoureux : c'est l'un des éléments rendant le dénouement tragique beaucoup moins "compréhensible" par rapport au roman, implacable et dans lequel, il est vrai, cette fin est annoncée d'entrée - Pollack ne le fait pas et se trouve obligé de filmer des flash-forwards parcellaires et peu convaincants sur son héros en train d'être jugé). Il y a toujours un moment chez Pollack où mon intérêt faiblit, où il me semble que ça patine. Trop sentimental peut-être, et trop d'effets de mise en scène pour souligner les moments forts, comme ici les gros plans grimaçants, le montage excité et le ralenti lors de la scène de la course. Le film manque à mon sens de tension interne et de naturel, et les rapports entre le fond (la foule) et le premier-plan (les personnages principaux) restent conventionnels. On pense beaucoup à Altman, qui aurait fait éclater tout ça, sans doute inspiré par la terrible ironie et la notion de fabrique du spectacle. Il était d'ailleurs, cette année-là, en train de trouver son style sur le plateau de "M*A*S*H". Et il avait tourné en 1961 un épisode du show TV "Roaring 20's" titré "Dance Marathon" où une intrigue policière se déroule dans ce même contexte et où l'on retrouve quantité de notations communes au livre et au film de Pollack (le décor, les règles, les pauses, les sous-intrigues, la dégradation physique...). Ce dernier, malgré des moyens incomparables, une plus grande liberté et huit ans de recul, n'apporte finalement par grand chose de plus.

  • Divers

    Films vus ces jours-ci, du décevant à l'inattendu :
    - "Le Règne animal" (*) m'a semblé bien en-dessous des "Combattants", qui se développait de manière beaucoup plus harmonieuse. Le nouveau Cailley est plus un film de "visions", parfois convaincantes, d'idées de plans, parfois réussis, mais son déroulement est trop heurté et trop troué pour pouvoir emporter.
    - "Les Feuilles mortes" et "L'Eté dernier" (***) sont tels que la plupart les décrivent et les analysent, deux beaux films.
    Kaurismäki parvient à nouveau à faire passer l'étincelle dans les regards malgré l'immobilisme, et à réactiver des figures de style cinématographiques oubliées. Dans cet univers décalé, on en vient à sursauter quand déboulent deux jeunes filles dans un supermarché ou des plans de "The Dead Don't Die" là où l'on attendait Bresson ou Chaplin. Et c'est toujours assez passionnant de voir comment le contemporain s'infiltre dans ce monde a priori si hermétique.
    Breillat ne déroule pas le tapis rouge à l'entrée de son film, qui demande du temps pour l'appréhender et l'apprécier. La bascule se fait peut-être au moment, magnifique, où "Dirty Boots" de Sonic Youth se fait entendre (mais c'est dommage qu'elle le reprenne en sourdine dans le bar quelques minutes plus tard). A partir de là, le film devient plus souple, jusque, bien sûr, aux tensions du dernier tiers. C'est très fort sur les cadrages (le premier baiser !), les positions des corps, les regards (l'insistance sur le regard par en-dessous du garçon, qui n'a plus la même signification dans la dernière partie).
    - Du "Consentement" (***), de Vanessa Filho, j'avais un peu peur et mes craintes se sont aussitôt envolées (pas lu le livre). JP Rouve m'a tout à fait étonné en Matzneff-Nosferatu. En partie grâce à lui, la réalisatrice a pu trouver la bonne distance pour filmer cette histoire d'emprise, pour styliser juste ce qu'il faut et empêcher que la contrainte soit aussi celle sordidement imposée au spectateur. La mise sous pression par la réputation, les mots, la voix, puis par le corps, la manipulation et le terrible renversement (l'abuseur se disant abusé), tout est très bien montré. Il y a même le recours très risqué à deux éléments (le fameux extrait d'"Apostrophes" et une chanson de Barbara) qui donne en fait deux scènes très réussies (avec Laetitia Casta, très bien dans le rôle de la mère).