Si l'on a, comme moi, laissé recouvrir pendant très longtemps le film par sa légende cinématographique (le scandale de la décadence bourgeoise d'une part, le glamour de la baignade, des lunettes noires et du titre lui-même d'autre part), on a oublié à quel point il est, au contraire, insaisissable. Pour la première fois à ce point chez Fellini, la narration ne tient qu'à la succession de blocs quasiment jamais fondus l'un dans l'autre, presque interchangeables, et dont le dernier pourrait très bien intervenir au bout d'une ou deux heures de plus. Certes, Mastroianni est déjà l'alter ego, en tout cas le témoin et le guide (il est même, souvent, celui qui aide les autres à entrer dans ces cercles fermés) et, la re-création à Cinecitta aidant, le film peut passer pour film-mental. Mais il y a une dimension supplémentaire, qui tient légèrement à distance : chaque séquence finit par dévoiler un dispositif de mise en scène, mise en abîme ou mise en spectacle, avec les paparazzi, les caméras de TV, les déclarations à Anita Ekberg qu'elle ne semble pas entendre, la bande enregistrée chez Steiner, le dialogue avec Anouk Aimée à travers le conduit, la scène de ménage sur la route déserte mais sous un immense projecteur, etc. Plutôt que le sommet fellinien, je le vois maintenant comme le premier essai, bien sûr impressionnant/monstrueux, de creusement d'un espace entre rêve et réalité qui mènera à des œuvres plus abouties encore.