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Film

  • La Vallée fantôme (Alain Tanner, 1987)

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    Un cinéaste en mal d'inspiration se lie avec un jeune homme et en fait son assistant. Il l'envoie en Italie à la recherche d'une actrice s'étant retirée du métier. L'assistant la trouve, en tombe amoureux et, devant son refus de jouer à nouveau la comédie, lui propose un marché : organiser des retrouvailles avec son père parti à New-York en échange de sa participation au projet du réalisateur. En cette fin des années 80, ceux qui ont fait les nouvelles vagues des deux décennies précédentes s'interrogent sur la mort du cinéma (ou au moins son devenir incertain), sur la prolifération des images (essor de la vidéo, domination de la télévision), sur la facilité à voyager et sur l'éternelle fascination pour l'Amérique. Le film de Tanner a donc une parenté évidente avec d'autres, signés Wenders ou Godard. L'une de ses grandes qualités est de contrebalancer sa potentielle gravité par une élégante légèreté et de ne jamais discourir sur le cinéma sans auto-ironie ou sans contradiction. Le pacte entre le réalisateur et l'assistant justifie totalement que certains dialogues soient assez soutenus, qualité littéraire qui d'ailleurs s'oublie au fur et à mesure, notamment par la façon qu'a Tanner de les ancrer dans la réalité d'un bar ou d'un coin de rue. Démarrant sur la question de la création en panne, le film parvient à surprendre en progressant par déplacements narratifs, une histoire ouvrant sur une autre au fil des rencontres. Jean-Louis Trintignant est admirable en cinéaste désabusé mais continuant à avancer, Laura Morante assume avec grâce le mystère de son personnage et Jacob Berger fait d'abord craindre le cliché du minet eighties avant de nous convaincre de la nécessité d'une autre énergie et d'un autre regard sur le monde. Sorti il y a presque quarante ans sans honneurs excessifs me semble-t-il, La Vallée fantôme rend, par comparaison, le surestimé Valeur sentimentale académique et étriqué.

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    (ajout 02/10)

    Dans La Vallée fantôme, il y a cette séquence géniale.
    Convoqué par sa production dans un studio parisien, le réalisateur incarné par Jean-Louis Trintignant apprend qu’il est là pour mener un casting de comédiennes enregistré en vidéo. Il dit tout d’abord préférer ne pas le faire sous forme d’entretiens : "faut pas leur poser des questions parce que la vidéo, ça ressemble déjà tellement à la police". N’ayant pas son scénario avec lui (ou feignant de ne pas l’avoir), il propose plutôt que l’on fasse lire aux candidates des extraits de livres. "Mais vous ne voulez pas les voir ?" demande la directrice du casting. "Si. Je vais leur dire bonjour et je les regarderai de la régie".
    Le casting démarre. On voit Trintignant assis à côté du technicien à la table de commandes. Au bout de quelques secondes il lâche : "Je suis trop près là, je vais m’asseoir derrière". Une fois sur le canapé : "- Dans le fond pourquoi il y a tous ces écrans ? Vous ne voulez pas me laisser une seule image monsieur ? - Ok, si vous voulez . - Qu’est-ce que c’est le petit écran là sur la gauche ? - C’est la surveillance".
    Deux plans plus loin, il est déjà dans la rue, avant la fin du casting.
    A partir d’une situation concrète, Tanner nous fait ressentir un nouveau rapport aux images, de façon simple, au fil d’une séquence calme et fluide alors même qu’elle déploie une série d’oppositions (cinéma/vidéo, mouvement/statisme, parole/musique, regardeur/regardée). Superbe.

  • Susana la perverse (Luis Buñuel, 1951)

    **

    Après avoir tourné Los Olvidados, Buñuel n'a pas le temps d'attendre que son brûlot passe les frontières du Mexique et doit accepter une production bien dans les clous. Susana est donc un drame édifiant sur les périls de la passion sexuelle. Échappée d'une maison de correction, une jeune femme trouve refuge dans une hacienda isolée. Elle va y faire tourner trois têtes masculines en même temps, celles du propriétaire, du fils et du contremaître, au grand dam de la mère de famille pourtant prévenue dès le début par sa fidèle servante. Le titre français (dis)qualifie le personnage. Précaution inutile puisque Susana est immédiatement présentée sous un jour qui ne variera jamais. Elle s'évade de son cachot durant une nuit tempétueuse, sous les éclairs et les trombes d'eau. Lorsqu'elle surgit au ranch, la dévouée Felisa ne s'y trompe pas : c'est le diable que l'on fait entrer dans la maison. Dès lors, chaque jeu de séduction va donner à voir sans aucun filtre la duplicité de Susana, notamment par les changements soudain d'expression. Le film pâtit de cette absence d’ambiguïté, ne semble pas pouvoir dépasser le premier degré de la fiction. Le plaisir que l'on peut y prendre tient donc dans les incessantes tentatives de destruction de la cellule bourgeoise mexicaine, au fil des désirs et des intérêts d'une femme en recherche contradictoire de liberté et de confort. Soumise à certaines contraintes, la réalisation de Buñuel apparaît moins tranchante qu'en d'autres occasions. Les images fortes ne manquent pourtant pas, dans le bestiaire (de l'araignée à la jument), le fétichisme (Susana ne cesse, en bas, de relever sa robe pour dévoiler ses jambes et, en haut, de baisser son corsage pour offrir ses épaules et son décolleté) ou l'insolite (l'échange amoureux dans le puits) mais théâtre et bavardage pointent parfois le bout de leur nez. Le voyeurisme enchâssé produit quelques beaux résultats : souvent, le pêcheur est lui-même sous surveillance ou surpris. De même, la violence, ou ses prémices, saisissent toujours autant. Certes, dans un tel cadre commercial, on sait que l'explosion sociale ne peut véritablement advenir, qu'elle doit être évitée au dernier moment. Il n'en reste pas moins que la conclusion laisse coi : en deux minutes soudainement ensoleillées, la famille (et l'entreprise) se réconcilie dans le pardon souriant, dès le lendemain matin. Susana reléguée dans le hors-champ de sa prison, tout est oublié grâce à la force d'âme chrétienne. Buñuel lui-même désespérait de n'avoir pas trouvé le moyen de recouvrir ce dénouement, heureux jusqu'à la caricature, de l'ironie nécessaire.

  • Une bataille après l'autre (Paul Thomas Anderson, 2025)

    ***

    Comme toujours, il est impossible de savoir à l'entrée du film où l'on en sera à la sortie, alors même qu'Anderson a choisi d’œuvrer dans le cadre, souvent contraignant, du thriller. L'étirement est l'une des manières de s'affranchir des codes (la gestion du temps long n'a jamais été un problème pour lui). Pour ce qui est du début, à ce stade-là, doit-on parler d'introduction, de préambule ou de première partie ? Combien de temps dure réellement la fuite de DiCaprio et le morceau "frappé" au piano qui l'accompagne ? Quel est le nombre de bosses que doivent passer les trois voitures qui se poursuivent (ou plutôt le nombre de vagues puisqu'on se rappelle alors un dialogue précédent) ? Comme d'habitude, les repères disparaissent, en tout cas ceux que le cinéaste n'estime pas nécessaires. Ainsi le film n'est pas daté et nous laisse le choix en quelque sorte de le faire à sa place, avec ce seul écart de "16 ans plus tard". Bien sûr, cette histoire, à quelques années près, est contemporaine, ce qui prouve entre parenthèses que PTA peut aussi filmer au présent (ce qu'il n'avait pas fait depuis Punch-Drunk Love). Et comment ! Si les premières minutes peuvent laisser penser qu'un parallèle sera établi (la fameuse "menace des extrêmes", brrrr) ou que seront interrogés les moyens de l'action révolutionnaire, la suite indiquera très clairement la direction : l'indispensable résistance au fascisme. La fin doublement positive, dans l'intimité et dans l'engagement, est porteuse d'un autre mince espoir qui repose sur l'idée que ce fascisme s'affaiblit à la fois des coups portés et de ses propres tensions internes, résolues dans l'absurdité et la bêtise. Il y a en effet une part de grotesque dans l'aventure, l'une des façons de vivifier et de déborder du cadre (de même la lubricité peu glorieuse). Le film est imprévisible quelle que soit la hauteur d'observation car il l'est au niveau des séquences, voire des plans. C'est l'une des forces du cinéma d'Anderson depuis toujours : surprendre alors même que tout semble maîtrisé. On ne peut jamais deviner ce que sera l'instant suivant, alors que, souvent, des signaux imperceptibles sont disposés avant : les "vagues" évoquées plus haut, ou encore la façon dont la chute du toit, stupéfiante, est "préparée" par le retard pris par le personnage dès le début. La dérive, ce n'est pas le n'importe quoi. Le film est tellement riche qu'il faudra y revenir (l'ampleur du tableau tient à la multiplicité des lieux et des personnages, qui s'imposent à l'écran quelle que soit la durée de leur présence, parfois brutalement écourtée - coucou Alana Haim !). Y revenir la tête froide et en connaissance de cause pour mieux le situer, notamment dans la filmographie de PTA, en dehors de la faible concurrence états-unienne actuelle qu'il domine forcément de la tête et des épaules, Eddington compris.

  • Sirat (Oliver Laxe, 2025)

    ***

    Je suis reconnaissant à Oliver Laxe d'avoir donné dès le début la définition de Sirat, le pont entre paradis et enfer, et d'avoir placé ainsi son film sur un autre plan que celui du pur réalisme (alors qu'il reste toujours concret, ce qui était déjà le cas, et plus encore, pour Viendra le feu). Cela m'a permis d'encaisser la série de chocs de la deuxième moitié, qui m'auraient paru sans cela intolérables. On se dirige vers l'enfer, ok, même si cette violence n'est pas ce que je "préfère", c'est "représentable" dans ce cadre. Réussite du film dans cet équilibre-là, déjà. Maîtrise aussi dans la conduite, où les multiples réminiscences cinématographiques ne font qu'affleurer, n'en viennent jamais à encombrer, oubliées aussitôt sous la tension. Intéressant enfin de filmer la techno comme ça, d'en faire surtout ressentir les basses et leur propagation. Les ondes se cognent aux montagnes ou se perdent dans l'étendue. Il me semble que ça "résonne" bien avec l'idée de la fuite face au réel qui finit par rattraper violemment.

  • La Voie du serpent (Kiyoshi Kurosawa, 2025)

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    Quelque chose se perd dans la translation, sans doute, mais l'opération de Kurosawa provoque aussi un dépaysement à domicile pas désagréable, ce qui n'était guère le cas avec Le Secret de la chambre noire, première expérience française dont j'ai tout oublié. Invraisemblable, la sombre histoire se suit bien parce que la qualité de la réalisation persiste (au-delà d'une baston un peu laborieuse et de quelques échanges manquant de justesse) et parce que le maintien des figures de style ici et avec "nos" acteurs donne des séquences insolites et plaisantes (malgré la noirceur et la violence, cela ne manque pas d'humour).

  • Œil pour œil (André Cayatte, 1957)

    ***

    Étonnant. D'abord, le film est techniquement sans faille. Normal, me direz vous, c'est la Qualité française. N'empêche que dans ce cadre exotique représentant (depuis l'Espagne) l'Afrique du Nord, l'équilibre est parfaitement tenu entre intérieurs et extérieurs (avant disparition totale des décors de studio à mi-parcours), on ne remarque aucune transparence (pas même lors des séquences automobiles) et plusieurs petits bonheurs d'expression se signalent, la mise en scène jouant habilement de la profondeur, des encadrements ou des miroirs. Si l'apparente bonhomie de Folco Lulli interroge au départ sur sa capacité à imposer un antagonisme, elle concourt finalement à l'originalité du long dénouement. Quand à la raideur de Curd Jürgens, elle sert aussi le film, en atténuant le psychologisme et en éloignant tout sentimentalisme. Ce héros, si peu sympathique malgré son statut de grand médecin, est victime d'une persécution vengeresse (et démesurée, d'où l'étrangeté) qui l'oblige à quitter sa zone de confort occidentale (hôpital, belle résidence, voiture de luxe, caste des dominants fêtards), à se déplacer en terrain de plus en plus hostile, à se débarrasser de son véhicule, de ses outils et de son costume, à finir seul au milieu de nulle part. L'idée d'une résistance ou d'une critique de la colonisation affleure par moments, le peuple autochtone étant présenté succinctement mais sans pittoresque, notamment dans l'épisode du séjour forcé au village durant lequel le docteur reste longtemps sans pouvoir communiquer en français. L'ultime épreuve est une traversée du désert qui occupe toute la seconde moitié du film. Malgré la lenteur et la monotonie qu'implique ce changement de décor, Cayatte s'en sort ici aussi très bien, en traçant un chemin tortueux vers la folie et en ménageant des pauses, narratives ou plastiques, aux limites de l'absurde. Enfin, il a le mérite de clore son récit sans aucune concession.

  • Valeur sentimentale (Joachim Trier, 2025)

    **

    Je l'ai regardé de manière détachée, extérieure, comme devant la façade de cette belle maison qui a tant d'importance. Comme ensemble, j'apprécie plutôt le film, ses interprètes, sa progression heurtée (les coupes très franches en fin de séquences, accentuées par le noir silencieux de quelques secondes), son point de vue intéressant sur l'art comme un travail, un effort, une autre dimension que l'on atteint difficilement, en opposition à d'autres, comme Altman, qui font tomber les obstacles pour en faire le prolongement très simple de la vie (mais, d'une part, peut-être est-ce dû au fait que Trier s'intéresse exclusivement au Grand Art, et d'autre part, soudain, la continuité caractérise au contraire la dernière séquence, si convenue, si attendue, comme si tout était résolu en même temps). Dans les détails, c'est une autre histoire et pas mal de choses ne m'ont pas convaincu, en particulier celles qui se rapportent au cinéma, avec une approche assez didactique. Trier filme le génie. Il le filme au travail, c'est bien. Mais montrer le résultat, c'est très risqué. Les deux passages en question, projection de l'un des anciens chefs d’œuvre de Borg et tournage du primordial plan-séquence, n'ont rien de probant. Et Trier choisit, au démarrage de ces deux séquences, de les faire siennes, de ne pas les signaler immédiatement comme "extérieures" à sa propre mise en scène, ce qui me semble relever moins du rapport ludique au spectateur que du manque d'humilité. Détail aussi, mais agaçant : l'insert onirique en forme de variation sur le plan-fusion de Persona, au cas où l'on n'aurait pas encore perçu l'ombre de Bergman sur son film.

  • Pris au piège (Darren Aronofsky, 2025)

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    Pas mal dans le sous-genre "nuit de galère", même si ça dure ici plusieurs jours pour le héros qui n'avait rien demandé (porteur cependant d'une culpabilité lointaine). C'est bien mené par Aronofsky et agréablement rythmé par Idles. En revanche, c'est un véritable jeu de massacre, parfois comique mais très brutal envers les personnages secondaires. Totalement inattendu pour moi, le caméo au moment du générique de fin, apparition surprise tant elle est retardée de la mère, m'a fait quitter la salle sur une bien belle note.

  • Miroirs N°3 (Christian Petzold, 2025)

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    Très beau film sur le deuil et la réparation. Quelque chose de lourd est posé et on se demande comment ce poids va être soutenu. Mais c'est assumé, même le risque de la situation arbitraire, et tout consiste ensuite à jouer de petites touches et variations, à entrouvrir à peine quelques pistes, à modeler de manière subtile, calme, et jamais ennuyeuse. La concision (moins d'1h30) aide mais l'équilibre est surtout obtenu par la mise en scène qui, par les compositions, la lumière de fin d'été et la direction des quatres interprètes, fait naître une vibration à chaque séquence, pour mener finalement à un certain apaisement.

  • Punch-Drunk Love (Paul Thomas Anderson, 2002)

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    Il est entendu que le travail de dingue effectué ici par PTA sur le son, l'espace et le tempo rappelle les précédents Jacques Tati et Blake Edwards. L'hommage au père spirituel Robert Altman n'en passerait dès lors que par deux signaux, certes évidents mais relevant du détail une fois considéré l'ensemble : l'heureuse reprise du "He Needs Me" initialement chanté par Shelley Duvall dans Popeye et le choix d'Emily Watson (dire qu'elle irradie ici dans chaque séquence me semble encore un cran en-dessous de la vérité) quelques mois après Gosford Park. Il existe pourtant un lien plus secret et plus serré avec une autre œuvre d'Altman, malheureusement oubliée : Un couple parfait / A Perfect Couple (1979). Passage en revue des correspondances :
    - Punch-Drunk Love est la seule comédie romantique (adulte) de la filmographie de PTA (Licorice Pizza, par le jeune âge des protagonistes et le recul dans le temps, c'est un peu différent) comme A Perfect Couple est la seule comédie romantique d'Altman.
    - Le personnage masculin n'a rien du beau mec. A la limite de l'embonpoint, il est coincé dans son costume comme dans sa routine. Jusque sur son lieu de travail, il vit sous la forte pression d'une famille intrusive : Barry a sept sœurs qui l'appellent constamment et l'une d'entre elles tient à lui faire rencontrer quelqu'un ; Alex partage le même toit et la même entreprise que son père, son frère et ses sœurs.
    - Le personnage féminin est (en apparence) plus libre, sans attache, sans passé encombrant : on ne connaît pas la famille de Lena ; ni celle de Sheila.
    - Entravé, l'homme est casanier, alors que la femme voyage, pour son emploi ou en tournée avec son groupe. C'est une impulsion, un coup de tête, qui produit le mouvement déterminant pour la suite : par surprise, Barry rejoint Lena à Hawaï ; par surprise, Alex rejoint Sheila sur la route des concerts.
    - La rencontre amoureuse n'est pas fortuite mais arrangée : Lena est présentée dans ce but à Barry par la sœur de celui-ci ; Alex et Sheila sont passés par des petites annonces vidéo.
    - La violence surgit là où l'on ne l'attend pas, dans ce cadre de romcom habituellement préservé : Barry se fait agresser par une fratrie de voyous avant de leur rendre plus tard leurs coups en voyant Lena blessée ; Alex en vient aux mains avec un prétendant de Sheila et finit assommé par un tisonnier.
    - La scène consécutive au déchaînement de violence se déroule à l'hôpital : Lena est soignée pour son choc à la tête ; Alex se fait suturer une plaie au même endroit.
    - La tentative désespérée de combler le manque physique pousse à tenter le diable et à s'en mordre les doigts : Barry a recours au "téléphone rose", ce qui va entraîner chantage et violence ; Alex sort avec une femme qui s'avère adepte de pratiques sexuelles multiples et extrêmes, ce qui lui fait prendre ses jambes à son cou.
    - La preuve ultime de l'amour c'est l'aveu spontané, la mise à nu confiante, le dur travail sur l'honnêteté absolue : Barry avoue qu'il a mis à sac les toilettes du restaurant alors que Lena ne lui a rien demandé ; Alex, ayant retrouvé Sheila, reconnaît tout de suite qu'il aurait dû prendre sa défense devant sa famille de culs-bénits.
    - La mise en scène intègre la musique pour que celle-ci donne le rythme : Punch-Drunk Love, très syncopé, avance, court parfois, entraîné par des sons insolites transformés en pulsations ; A Perfect Couple progresse dans l'alternance de deux styles musicaux différents, séparant Alex et Sheila, pour mieux s'entremêler au final.
    - Enfin, évidemment, l'intrigue prend place à Los Angeles.
    Malgré tout cela, on peut soutenir que la mise en scène très étudiée de Punch-Drunk Love ne ressemble pas à celle d'Altman telle qu'elle est habituellement identifiée. La seule exception serait la séquence du coup de téléphone passé par Barry, tout juste débarqué à Hawaï : Adam Sandler est filmé de loin, en pleine rue, au beau milieu des spectateurs d'une parade, des têtes de passants le masquant régulièrement en traversant le premier plan, alors qu'un mille-feuille sonore mélange les bruits et les musiques d'ambiance, sa voix à lui, celle de Lena au bout du fil et la version instrumentale de "He Needs Me". En fait, esthétiquement, Punch-Drunk Love fait penser à l'autre Altman, celui des portraits de femmes fragmentés. Il est en effet beaucoup plus proche d'un film stylisé comme Trois Femmes (jusque dans ses étranges transitions en effets numériques de peinture liquide).
    A ma connaissance, Anderson n'a pas évoqué A Perfect Couple lors de sa promo. Sans doute les journalistes ne l'avaient-ils pas en tête et Paulo ayant passé son temps à citer Short Cuts au moment de Magnolia, il devait avoir envie de parler de Tati pour changer. Peu importe. L'essentiel est qu'à partir de Punch-Drunk Love, l'influence est parfaitement assimilée, moins aveuglante que dans les trois premiers films, si redevables dans leur réussite respective. C'est à partir de là, même si le lien n'est jamais rompu (dans ses films suivants il y a toujours au moins un détail altmanien), que PTA s'élève tout seul et très haut.