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Film - Page 4

  • Sparta (Ulrich Seidl, 2022)

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    Moins répétitif que "Rimini" et s'aventurant sur un terrain beaucoup plus glissant, "Sparta" consolidera les jugements des uns et des autres sur le cinéma d'Ulrich Seidl, que l'on aime ou que l'on déteste, depuis "Dog Days", sans pouvoir changer de camp d'un film à l'autre, tant le réalisateur reste fidèle à ses principes. Il donne ici à voir la transmission d'un héritage fasciste en parasitant ce thème par celui de la pédophilie, abordée de façon très particulière, à travers un personnage qui aurait grandi trop vite, qui aurait voulu pouvoir refuser de passer à l'âge adulte, qui ne s'y retrouve pas. Sujet plus fort, donc, que celui du film précédent et qui rend d'autant plus évidente la singularité de la mise en scène, rigoureuse mais ouverte, jouant des limites, laissant dans les cadres, malgré tout, des possibilités de sorties ou de fuites, finissant toujours par désamorcer, d'une manière ou d'une autre (humour, grotesque, ellipse, collage immédiat d'un plan plus "rassurant"...), la tension et donc le malaise.

  • La Mort en ce jardin (Luis Bunuel, 1956)

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    Je l'ai sans doute trop longtemps rêvé pour ne pas être un peu déçu à la découverte de "La Mort en ce jardin". Toute la première moitié est assez inégale, trop dispersée, parfois lourdement dialoguée, les rôles principaux majoritairement français (Marchal, Signoret, Vanel, Piccoli) au milieu de cette révolution latino-américaine fictive ajoutant à la bizarrerie. La réussite de la seconde moitié laisse finalement penser que tout cela n'est qu'une longue mise en place. Il faut en effet attendre la fuite dans la jungle pour retrouver le cinéaste dans la plénitude de ses moyens, à nouveau concentré sur son sujet et ses personnages, ses jeux d'oppositions et de retournements, sa tendresse et sa cruauté, ses collages et ses visions (l'insert de l'Arc de Triomphe en pleine forêt, les fourmis sur le serpent et sur la bible, le souvenir raconté par le prêtre, les corps mis à mal puis habillés de luxe par le hasard...).

  • Sur l'Adamant (Nicolas Philibert, 2023)

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    Plutôt saisi par le nouveau doc de Nicolas Philibert, "Sur l'Adamant", qui oscille entre directif et non directif comme entre folie et normalité, et qui s'appuie joliment sur l'idée de perméabilité à partir du lieu lui-même, ouvert, et de sa situation dans la ville, pour la prolonger notamment par le maintien des bruits extérieurs.

  • Amarcord (Federico Fellini, 1973)

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    Décidément pas un fanatique de "Amarcord", le trouvant à nouveau inégal, avec autant de moments magiques en suspension que de passages plus pénibles, la plupart de ces derniers concernant les souvenirs d'école graveleux et les recentrages sur la famille, peu attachante. Mes préférences vont ici aux scènes de groupe, de foule, de célébration, avec une caméra qui pourrait se mettre à suivre n'importe qui juste pour son apparence, sa "trogne". On est constamment dans l'entre-deux, entre souvenirs et fantasmes, entre narration "objective" et commentaire, entre enfance et âge adulte, entre décor factice et décor réel. Et surtout, on est entre deux films, eux, immenses, le film-monde "Roma" et le film mortel "Casanova". "Amarcord, c'est trop et trop peu" écrivait Lorenzo Codelli en conclusion de sa critique de trois pages dans lesquelles il étalait sa déception, à une époque (1974) où Positif ne cherchait pas à chouchouter systématiquement les grands noms.

  • The Quiet Girl (Colm Bairead, 2022)

    **

    Film qui calcule un peu trop (un peu trop formaliste et un peu trop artificiellement cachotier sur le secret qu'il recèle) mais qui donne à voir d'un bout à l'autre de très beaux plans, tirant parti d'un cadre presque carré qui concentre l'attention sur le sujet sans disperser et qui fait tenir à l'intérieur les personnages de façon très singulière, en premier lieu bien sûr l'épatante petite Catherine Clinch.

  • Désordres (Cyril Schaüblin, 2022)

    ****

    Magnifique "Désordres", qui emmène autre part, dans un autre temps, d'une autre façon. Son principe d'alternance entre deux échelles, vues éloignées (et décadrées) et vues très rapprochées, donne un rythme envoûtant à des scènes toujours très simples. Le petit miracle est que cela n'apparaisse jamais rigide ni contraignant. D'ailleurs, une troisième échelle est admise, avec des plans "intermédiaires" de visages aussi admirables que les autres, notamment parce que la mise en scène a l'intelligence de ne jamais rester uniquement sur celle ou celui qui parle et d'aller régulièrement voir celle ou celui qui écoute, ce qui donne cette impression forte (avec le travail sur le son et l'absence de personnage principal) d'une vie fourmillant tout autour, malgré le cadre restreint. Sans parler de l'intérêt historique, de l'humour étrange, du mélange des langues, du côté méta-cinématographique via la photographie... Grande découverte.

  • Au revoir les enfants (Louis Malle, 1987)

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    Très longtemps attendu avant de le revoir, après sa découverte tout jeune, en salle, à l'époque, puis quelques occasions télévisées au début des années 90, il reste un Louis Malle magnifique, très éloigné de l'académisme mémoriel que l'on peut redouter. On n'y trouve aucune facilité de reconstitution, personne n'écoutant par exemple tel discours sur un vieux poste de radio, ni aucun mot d'auteur surligné nostalgiquement. Certes, le cadre strict du collège catholique joue beaucoup mais encore fallait-il s'y tenir, ce que fait la mise en scène, à la fois dure et empathique, calme et énergique, rigoureuse et surprenante, à l'image en fait de cet univers qui contraint en même temps qu'il laisse passer la vie.
  • Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)

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    Je n'avais que trop tardé à découvrir ce qui est dorénavant le "meilleur film de l'histoire du cinéma", mise en scène du temps réel absolument fascinante. Les 3h21 sont déroulées en une première moitié réglée puis une seconde déréglée, la construction est mathématique, avec des effets de symétrie et des changements d'angles à 180° ou à 90° qui ne sont rien et deviennent des séismes. Cependant, la soupe fume vraiment et c'est bien le bruit des talons de Delphine Seyrig qui rythme les déplacements comme ceux des portes et des interrupteurs induisent les coupes dans les plans. On voit (et on entend) tout ce qu'ont pu en tirer ensuite Haneke, Van Sant, Tsai, Puiu etc., mais le film qui m'est venu à l'esprit tout le long, en parallèle, c'est étonnamment "Shining", avec les images géométriques d'ascenseur, de couloir, de pièces, les motifs de décoration, les jeux de couleurs, le mystère des portes fermées et les visites fantomatiques, le miroir et le meurtre : cet appartement du 23 Quai du Commerce c'est l'hôtel Overlook.

  • Esterno Notte (Marco Bellochio, 2022)

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    Toujours la politique, les fantômes, la folie, et puis cette idée de ressassement, très bien exprimée à travers ce choix du passage d'un personnage central à un autre au fil des épisodes, provoquant des retours d'images jamais tout à fait identiques, un glissement général qui caractérise aussi les scènes elles-mêmes presque toutes étonnantes dans leur déroulement et une véritable incarnation de toutes les figures, un travail sur le jeu, un approfondissement, alors qu'un récit linéaire et choral aurait pu donner l'impression d'une simple succession de numéros d'acteurs.

  • Divers, mars 2023

    Des trois films actuellement en salles vus cette semaine, celui que j'ai le plus apprécié était évidemment celui non prévu au programme. "En plein feu" (Quentin Reynaud, 2023) ** est en effet plutôt bon, dans le genre film-catastrophe de chambre, ou d'habitacle, et même lorsqu'il s'agit d'en sortir. En équilibre entre cadre étroit et extérieur vaste, entre réalisme et fantastique, il n'est pas totalement abouti mais en tout cas étonnamment prémonitoire. Dussolier et Lutz, ça fonctionne (si bien que ça me donne envie d'aller voir en amont de la carrière de Lutz).
    A part ça, trouvé "Goutte d'Or" (Clément Cogitore, 2023) ** intéressant mais très inégal, exactement à l'image de la performance de Karim Leklou, assez convaincant dans le désarroi mais insuffisant pour faire croire à une réelle emprise de son personnage de charlatan sur les gens qu'il arnaque (les séances de voyance sont du coup trop longues et redondantes).
    Quant à "Empire of Light" (Sam Mendes, 2022) *, c'est très beau pendant dix minutes, puis ça croule de plus en plus sous les clichés du mélo inter-racial dans lequel aucun personnage secondaire ni aucun lieu ne vivent en dehors du couple chargé de délivrer le discours plombant du réalisateur, celui-ci ne manquant pas, cerise sur le gâteau, de nous bassiner avec la sempiternelle magie-du-cinéma. Aussi léché que pénible.