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  • Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar, 1988)

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    Comme c'est le film de la consécration internationale, j'étais resté sur l'idée d'un assagissement et d'un lissage, et c'est vrai qu'Almodovar arrondit les angles par rapport aux six premiers. Il n'en est pas moins audacieux, dans l'approche visuelle et dans la narration qui renvoie constamment à d'autres référents (jusqu'à ne faire par exemple de l'amant qu'une sorte de projection venue d'un roman feuilleton). J'avais oublié aussi la dimension très théâtrale de la chose, direction décidément très prisée par les cinéastes des années 80 et pas les plus mauvais. Tout ça m'a laissé un peu à distance et je pense toujours préférer les deux précédents. Mais Carmen Maura, qui apparemment s'est un peu fâchée avec Almodovar à ce moment-là, est assez géniale.

  • Juré N°2 (Clint Eastwood, 2024)

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    Le cœur du procès m'a paru remarquable : le plaisir d'une exposition des "faits" à travers l'incomplétude des points de vue cinématographiques et surtout les extraordinaires contre-champs sur le visage subtilement changeant de Nicholas Hoult. La partie délibération m'a moins passionné, plus contrainte dans la caractérisation nécessaire des différents jurés.

  • Anora (Sean Baker, 2024)

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    Je ne sais pas si c'est la manière de Sean Baker (pas vu les précédents) mais cette construction en larges blocs qui se répondent forcément ça me paraît quand même une "assurance pour les grands festivals", genre "plus c'est long, plus on donne la sensation d'un film important". Pourtant, After Hours/Scorsese ça tenait en à peine plus d'1h30, et Good Time/Safdie idem... Là il faut s'enquiller 30 ou 40 premières minutes épuisantes avant d'être surpris et accroché, et encore, certaines séquences fortes de la suite n'auraient peut être pas perdu à être raccourcies. J'aime en tout cas qu'après la présentation de personnages si difficiles à supporter, Baker finisse par leur donner leur chance, que, dans l'ambiance assez violente, il n'en condamne aucun au gros retour de bâton. J'aime bien aussi la façon dont il filme Youri Borissov toujours à côté ou derrière Mikey Madison (même si, comme l'ont relevé certains je crois, cela laisse deviner l'issue).

  • Silence et Cri (Miklos Jancso, 1968)

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    Après la fin de la courte République des Conseils hongroise de 1919, divers partisans du régime de Horthy éliminent les révolutionnaires. Enfin ça, c'est Jancso qui le dit en entretien, car il n'en laisse à l'écran que des signes, indéchiffrables pour nous, en réalisant son film le plus radical à ce stade. Il y a un refus absolu de dramaturgie classique, d'approche émotionnelle ou psychologique des personnages, dont les liens réels (amicaux, familiaux, conflictuels ou érotiques) ne sont que suggérés. La représentation de l'oppression et de la résistance uniquement en termes dynamiques et plastiques est fascinante.
    Dans le vaste espace (quasiment pas d'intérieurs, sinon pour cadrer des ouvertures, portes, fenêtres), seuls les révolutionnaires courent. Les soldats, eux, qui balancent entre cruauté et indifférence, marchent tranquillement, ajustent lentement leur fusil et tirent. Ils savent que l'étendue du paysage ne sera d'aucun secours. D'ailleurs, le personnage de révolté le plus lucide n'arrête pas de faire demi tour, conscient de l'impossibilité de la fuite. Pas d'indécision, mais l'idée de plus en plus forte que la lutte doit se faire sur place. On a l'abstraction des lignes, l'arbitraire apparent des déplacements, et en contrepoint, les gestes doux, les marches calmes, les paroles rares. La lenteur et l'épure ne sont jamais un handicap car le mouvement est finalement constant, les glissements de la caméra, associés aux entrées et sorties de champ, en très longs plans séquences remplacent le montage.

  • Rouges et Blancs (Miklos Jancso, 1967)

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    Quelque part, des Russes blancs affrontent des rouges qui sont aidés de Hongrois réunis en brigades internationales.
    En pensant au film, on pense d'abord à l'auteur, qui obtint là sa consécration, et donc à son style. On oublie souvent qu'il s'agit aussi de l'un des plus grands films de guerre jamais réalisés. Pas le plus riche ni le plus spectaculaire, mais peut-être celui qui montre le mieux la guerre en mobilisant les notions d'espace et de mouvements. Et cela dès le premier plan séquence. Ordres reçus, fuites ou attaques provoquent les mouvements, mais souvent ceux-ci sont effectués dans plusieurs sens ou sont aussitôt annulés par un mouvement inverse (et dans le même plan). Ainsi sont représentés l'oppression et la résistance, l'arbitraire et l'absurdité, tout en laissant courageusement se glisser les ambiguïtés (les multiples déshabillages/rhabillages et l'économie narrative circulaire, ou "sans fin", peuvent sous-entendre, non pas qu'il faille renvoyer dos à dos mais que des renversements, des revirements, des reniements sont toujours possibles, surtout lorsque des armes sont en mains). Ce qui est admirable, c'est que ces longues séquences "disent tout" de la guerre sans jamais verser dans le symbolisme, ni dans la performance. C'est notamment dû au tournage en extérieur, en pleine lumière et en adaptation au terrain (utilisation extraordinaire de la rivière, des creux, des bosses, du bois de bouleaux), mais encore à la présence corporelle de chacun ou chacune, qui peut devenir personnage principal de longues minutes ou disparaître brutalement (il n'y a donc pas de "héros" dans le film, même si le beau blond Andras Kozak l'ouvre, le traverse et le ferme), toujours dans l'imprévu pour le spectateur. Immense film.