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Film - Page 3

  • Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994)

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    Jamais vu jusque-là ce très étonnant succès. Les sauts de registres sont un peu trop raides et Neil Jordan ne réussit pas totalement les séquences spectaculaires. En fait, les plus simples sont les plus fortes et les meilleurs effets spéciaux sont les performances de B. Pitt, T. Cruise, K. Dunst et A. Banderas. La surprise est qu'une production dotée d'un tel budget aille finalement aussi loin. La dimension horrifique n'est pas édulcorée et surtout, la métaphore sexuelle du vampirisme n'en est même plus une tant elle est mise en avant, dans toutes les combinaisons possibles (les premières scènes entre Pitt et Cruise, c'est quelque chose). Et cela prend encore une autre coloration avec la présence centrale de la petite Kirsten (plusieurs situations et dialogues ne pourraient sans doute plus passer tels quels aujourd'hui : est-ce la véritable raison pour laquelle la distribution en salle est impossible actuellement plutôt que l'absence de matériel ?). Au moment d'en finir, de boucler le récit sur la période contemporaine, deux idées. Une bonne : un hommage au cinéma, à travers l'enchaînement sur un grand écran de quelques plans iconiques de son histoire, trente ans avant le Babylon de Chazelle, et en faisant un lien osé mais très amusant entre le Sunrise de Murnau et le Tequila Sunrise avec Mel Gibson. Une mauvaise : un générique de fin sur une reprise dégueulasse de Sympathy for the Devil par les Guns N' Roses.

  • Les Griffes de la nuit (Wes Craven, 1984)

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    A 13 ans, pas moyen que je me mette devant le film d'où étaient tirées des images extrêmement flippantes. A 53 ans, ça va. Les séquences horrifiques sont à la fois marquantes et originales. Celles qui les entourent sont correctes. L'idée de départ et son développement font évidemment la force du film, d'autant plus qu'un lien habile est tissé avec cette histoire de virée punitive contre le tueur Freddy, entraînant donc vers une sorte de vengeance à tiroir. Importante aussi, la tranche d'âge des victimes : à l'époque de la sortie, les cauchemars pouvaient passer pour des châtiments contre la débauche, alors que, maintenant, il est difficile de ne pas penser à un fléau comme le sida, qui allait bientôt frapper toutes les consciences. A part ça, tout le monde sait que Johnny Depp faisait là ses débuts mais personne ne m'avait mentionné la présence de Ronee Blakley, en mère de famille pas plus équilibrée que, dix ans plus tôt, Barbara Jean, la chanteuse star de "Nashville"...

  • Ya, Ya, Mon Général (Jerry Lewis, 1970)

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    Bien plus jeune, j'avais trouvé le film vraiment nul mais j'ai toujours eu l'envie de revérifier et finalement, ça ne l'est pas complètement. Le délire critique de l'époque reste cependant difficile à comprendre, qui plus est répandu par quelques sommités (8 pages dans Positif, inévitablement par Robert Benayoun, autour de la "saine mégalomanie" de Lewis, en face d'un texte de Serge Daney dans les Cahiers, plus court mais pas facile à suivre sur le corps et le langage, et bien d'autres que je n'ai pas lus comme Noël Simsolo dans la Revue du Cinéma ou René Prédal dans Jeune Cinéma). Déjà handicapé par son titre français, ce Which Way to the Front ? est à la fois ambitieux et facile, risqué sur le plan narratif (peu d'enchaînements logiques ce qui laisse perdurer l'impression d'une succession de sketchs, long - presque interminable - prologue repoussant le générique à 18 minutes, insertion d'images documentaires, aucun moment d'attendrissement) et visuellement pénible (lumière et ombres désagréables, mise en images frontale des actions dans les décors fabriqués ressemblant à une captation de show TV). Malgré le n'importe quoi et le manque d'idées marquantes (le ballet au ralenti pour les retrouvailles entre le Führer et son stratège préféré), c'est quand même intéressant de voir jusqu'où va Lewis pour traiter ce sujet "énorme" de satire du capitalisme et de l'armée sur le terrain de la Seconde Guerre, en convoquant Hitler (et indirectement Chaplin). Finalement, le "meilleur" est le dernier tiers, paroxystique, hystériquement chargé, avec la série de confrontations entre les nazis et le personnage de Lewis déguisé qui ne cesse de hurler ses phrases avec l'accent allemand. On est très au-delà du raisonnable. Bref, c'est une expérience. Pas étonnant qu'il ait enchaîné aussitôt avec son fameux et invisible The Day the Clown Cried.

  • La Technique et le Rite (Miklos Jancso, 1971)

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    Attila le Hun, aux portes de l'Empire romain, s'adonne aux jeux de pouvoir avec ses hommes, un centurion ou son frère Bleda.
    C'est une épreuve de voir Jancso assécher ainsi son cinéma, même s'il œuvre ici dans le cadre d'une production TV pour la RAI. Fidèle à son style, il tend cette fois à l'extrême vers le théâtre, en un lieu unique à ciel ouvert, entre terre et mer. Le format de l'écran ainsi que le terrain, trop accidenté pour permettre de belles arabesques, altèrent le rapport aux corps et à l'espace. Mouvements et plans longs se révèlent alors d'une grande monotonie. Et comme reviennent les figures habituelles (morts qui se relèvent, groupes qui encerclent, valse des armes qui symbolise l'arbitraire des décisions), le texte se retrouve seul à devoir soutenir tout l'intérêt de cette histoire, allégorie sur l'autorité. Derrière les rituels, ce texte s'efface d'ailleurs peu à peu, ce qui rend la fin à peu près incompréhensible. Pour couronner le tout, très tôt, la bande son ajoute au bruit du vent perpétuel celui de tambours peu supportables rythmant les pas ou les songes des protagonistes. Je vais vite passer à (et revoir) Psaume rouge.

  • Le Signe de Zorro (Fred Niblo, 1920)

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    On a vraiment l'impression d'être à la source du cinéma de divertissement hollywoodien (de long métrage) avec ce premier Zorro de l'histoire. Jouant sur plusieurs registres, les séquences sont inégales mais la bonté énergique l'emporte, tout en simplifiant beaucoup (en cinq ou six phrases un auditoire peut être totalement rallié à une cause, l'oppression est vaincue en la ridiculisant, la noblesse est éclairée par le héros et éclairera certainement en retour les masses laborieuses, le justicier sait lui-même faire le tri entre ceux qui méritent la liberté et ceux qui doivent rester en prison). C'est l'idée de spectacle total, avec des passages enthousiasmants et des détails saisissants (la marque sur le cou révélée par le reflet sur l'épée). Pardon pour le cliché mais impossible de ne pas qualifier Douglas Fairbanks de bondissant, notamment dans la longue et formidable séquence, proche du burlesque, où une dizaine de soldats tentent de l'attraper. Mais il est presque plus intéressant en Don Diego qu'en Zorro, inventant un personnage de faux paresseux par la seule gestuelle, par ses postures comme affaissées ou désossées. Il avait quand même déjà 37 ans, alors que sa partenaire de romance, Marguerite De La Motte (très bien), en avait 20 de moins.

  • Agnus Dei (Miklos Jancso, 1971)

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    Beaucoup aimé lors d'une première vision très isolée il y a cinq ans. A la deuxième, vraiment dans la continuité des précédents cette fois, j'ai plus de réserves. Après l'échec de La Pacifista, Jancso revient en terrain connu, un peu trop connu. A nouveau la plaine, à nouveau l'année 1919 (la lutte entre révolutionnaires et contre-révolutionnaires, ici attisée par un prêtre fanatique), à nouveau les longs plans, à nouveau les soldats, les chevaux, les femmes nues (dès les premières secondes et avec une régularité parmi les moins justifiées). Le film, qui joue lui-même sur la répétition des gestes, n'évite pas l'impression de surplace. On reste certes dans la réalité des corps et des éléments, et les images marquantes ne manquent pas, mais la volonté de représenter dans un seul lieu et un temps ramassé des enjeux historiques complexes donne des chorégraphies qui finissent par nous perdre (le dernier tiers est assez abscons).

  • Scandalo (Salvatore Samperi, 1976)

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    Pas vraiment un film de Noël, plutôt un film "problématique" comme on dit aujourd'hui ou un film "à scandale" comme on disait avant et comme l'annonce bien le titre. Avec deux personnages féminins prénommés Juliette et Justine, on se dit que ça va rapidement dégénérer en rituel sadien et effectivement, à peu près toutes les lignes rouges sont franchies dans cette histoire d'employé de pharmacie (Franco Nero) révélant, par méprise et contrainte d'abord involontaire, les désirs profonds de sa patronne (Lisa Gastoni) et développant avec elle une relation sado-masochiste, ou dominant-dépendante, jusqu'à réclamer au final le "don" de sa fille mineure. On a donc tous les détecteurs qui s'affolent. Pourtant Samperi parvient à ne pas sombrer dans le sordide ni dans la dégueulasserie grâce à une mise en scène maîtrisée, une distance rétro (la France en 1940) et une certaine théâtralité qui font passer cette fiction en jeux d'ombres, jeux de lumière, jeux de rôles. Le film va au bout de son sujet avec aplomb et se termine sur un dernier long plan saisissant remontrant sans coupe visible toutes les pièces de cet appartement-officine, point final d'un quasi-huis clos augmentant la dimension "imaginaire" de tout cela.

  • La Pacifista (Miklos Jancso, 1970)

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    Premier échec patent pour Jancso avec ce film tourné en Italie sans son scénariste Gyula Hernadi ni son chef op Janos Kende (Carlo Di Palma à la place). Pari difficile d'aborder avec son style la réalité italienne de l'époque puisque l'histoire est contemporaine, mélange de passion amoureuse et de luttes politiques (une journaliste bourgeoise de gauche tombe sous le charme d'un jeune homme traqué par ses anciens camarades terroristes parce qu'il a refusé de commettre un assassinat). On y trouve des traces d'humour, des petits détours presque felliniens, mais les mouvements chorégraphiés semblent contraints dans l'espace d'une villa, d'une rue, d'un jardin milanais. Au centre, Monica Vitti ne semble pas parfaitement accordée aux désirs de Jancso. Autour d'elle, une sorte d'internationale auteuriste : Pierre Clementi, Daniel Olbrychski et l'acteur fétiche Joszef Madaras. Encombrée d'une musique romantique et mise en scène avec la distanciation habituelle, l'histoire d'amour indiffère et n’élève jamais le constat sociétal sur les tensions italiennes, très simplifiées, à l'image de ces fonds de plans où quelques figurants agitent côte à côte des drapeaux rouges et noirs.