***
Je pensais que Kurosawa avait réalisé un "simple" mélodrame historique. J'étais loin du compte. L'Histoire (le Japon de 1941) est un cadre dans lequel le cinéaste fait entrer énormément de choses, en expérimentant comme à son habitude, peut-être même de façon plus impressionnante ici. On se retrouve à la fois dans un mélodrame, donc, et un film en costumes, une tragédie historique, politique et morale, une réflexion sur la preuve par l'image ainsi que sur la fidélité et la trahison menée sur deux niveaux (le couple et la nation : on navigue alors également entre drame passionnel et espionnage). On frôle aussi, par endroits, l'horreur. Car la mise en scène repose en partie sur le hors-champ, sur ce qui est présent autour par le son (chaque séquence a sa texture sonore), et sur le jeu entre ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas. De plus, l'étrangeté vient de l'assemblage sans transition des séquences, qui ne semblent tenir les unes aux autres que par le fil romanesque et par la présence des personnages tant elles possèdent chacune une force indépendante (les compositions sont presque toujours admirables, que ce soit en plan-séquence ou plus découpé). Ainsi le film avance de façon déroutante au début avant d'y gagner son originalité. Le saut le plus important a évidemment lieu lorsque survient l'épilogue, que l'on pourrait d'abord penser un peu trop rapporté avant que ne s'y déploient des vues de l'enfer et du désespoir, images conclusives absolument magnifiques.