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  • Le Knack... et comment l'avoir (Richard Lester, 1965)

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    Ce fut l'un des tout premiers "films d'auteur" que j'ai pu voir à l'adolescence et c'était super. Je le trouve aujourd'hui insupportable. Alors qu'il est clairement dans la continuité de A Hard Day's Night, il en tourne toutes les qualités en défauts : aux chansons a succédé un bavardage humoristique assommant, aux brefs détours absurdes d'interminables tunnels non-sensiques (le lit ramené à travers les rues), à l'amusante satire de la célébrité un manifeste générationnel lourdingue. En 65, sans doute fallait-il le défendre au nom de la nouveauté, comme les Cahiers et Positif le firent en cœur, aux anges à l'annonce d'un palmarès cannois couronnant enfin le "jeune cinéma" (*). Il me semble qu'au sein de ce dernier, ou dans ses marges, ce sont justement les comédies qui vieillissent mal. Maniéré, artificiel et épuisant pendant une heure, Le Knack sombre définitivement pendant son dernier tiers, une bonne vingtaine de minutes où l'on doit rire autour du mot "viol". Le séducteur Tolen avait prévenu juste avant, en assurant à la petite craintive qui dira non, puis oui, puis non, etc., que "Les filles ne sont pas violées, à moins de le vouloir". Comédie échevelée, provocatrice, et, par bien des côtés, irréaliste, certes. Il n'empêche que l'on est au royaume de la femme-objet. Après les belles silhouettes interchangeables et sans voix défilant dans les bras de Tolen, arrive le seul vrai personnage féminin, Nancy, une simplette qui ne sert finalement qu'à une chose, être le jouet dont la possession déterminera le vainqueur de l'histoire, le Don Juan moderne Tolen ou le puceau maladroit Colin. Ce sera bien sûr ce dernier. Il y a quelques années, Blow-Up avait pris cher pour beaucoup moins que ça. Dans la catégorie très restrictive "Palme d'or sur le Swinging London avec apparition de Jane Birkin", il était sans doute plus porteur de s'en prendre au grand film d'Antonioni qu'à la comédie oubliée de Lester.
     
    (*) Plus drôle que le film, le jeu du "Qui a copié qui ?" pour le premier paragraphe de son compte-rendu du festival 65 :
    Luc Moullet : "Il n'est pas dans les habitudes des Cahiers de commenter les palmarès des Festivals, ni même de reproduire leur contenu (...). Mais cette année, il faut quand même décerner un prix spécial au Jury qui, pour la première fois depuis 1952, a osé couronner le meilleur film."
    Gérard Legrand : "Bien qu'il ne soit pas d'usage, à Positif, de commenter les palmarès, je dirai tout d'abord que la victoire de The Knack a été celle d'une jeunesse allègre (...). Plaisante victoire, due à un jury dont l'âge moyen n'autorisait pas de prime abord une telle espérance."

  • Quatre Garçons dans le vent (Richard Lester, 1964)

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    Si l'argument (une journée dans la vie des Beatles) et certains effets de style (caméra portée, scènes de rue, cadrages à la volée) appartiennent au documentaire, on en est loin. Mélangeant musique, comédie et mouvement perpétuel, cette fiction débridée capte cependant, comme rarement, un moment culturel, donne par sa spontanéité l'impression d'être en prise directe avec une réalité, celle de la beatlemania de 64. Elle vaut presque comme une définition de toute nouvelle vague artistique par ce qu'elle montre d'impertinence, de liberté, de conquête de terrain, d'affrontement générationnel. Dans ce domaine musical, le prétexte est classique, celui de la bonne tenue d'un show. Sauf que les auteurs (Lester, le scénariste Alun Owen, et les 4B) ont fait de l'avant-spectacle une suite de digressions, de fuites libératrices, de détours absurdes. Les quatre garçons souriants sont présentés en gamins qui introduisent du désordre, de l'ironie, du nonsense, des blagues parfois assez rudes, y compris à partir de leur propre image (le manager régulièrement agressif envers Lennon, le côté souffre-douleur de Ringo au sein du groupe). A merveille, Richard Lester suit, ou entraîne, on ne sait plus trop, dans ce rafraîchissant tourbillon, en utilisant de manière toujours différente les impeccables chansons.

  • Les trois mousquetaires & On l'appelait Milady

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    Adaptant Dumas, l'américano-britannique Richard Lester en remontre aux français dans le domaine de l'humour (c'était à prévoir) mais aussi de l'énergie, du rythme, de l'inventivité décorative, de la conduite de récit, de la direction de vedettes, de l'expression visuelle, bref, du cinéma. Les trois mousquetaires et sa suite, On l'appelait Milady, ont été tournés dans la continuité, avec la même équipe, ce qui les rend indissociables (contrairement à un troisième volet réalisé bien plus tard, en 1989). Si le deuxième s'étire un peu et paraît légèrement plus bavard et décousu, ils procurent, réunis, un plaisir réel.

    Jouant à fond la carte de l'aventure échevelée, Lester s'amuse à condenser le temps, à accélérer les coups de mains et les sauvetages, à conter en une poignée de plans un voyage de six jours vers Londres, à faire débouler sans crier gare Aramis dans la pièce du château où la belle Constance est retenue prisonnière. Ces emballements étaient annoncés dès le début : D'Artagnan, à peine arrivé à Paris, trouvait le moyen, dans l'école des mousquetaires, de déclencher successivement trois demandes de duel contre lui pour le même jour.

    Toutefois, les films ne sont pas que courses effrenées, le cinéaste s'entendant aussi pour ménager des pauses et pour dessiner des bifurcations. Sa narration provoque de multiples surprises : un flash-back inattendu qui s'enclenche, des projets ou des tentatives qui tournent court, des actions montées en parallèle qui dynamisent... Si dans le premier épisode le foisonnement oblige à ne guère développer, une fois qu'elle a été dessinée à grands traits (essentiellement par la manière de se battre), la personnalité des trois mousquetaires amis de D'Artagnan, ce manque est en partie comblé dans le deuxième par l'éclairage porté sur une plaie mal cicatrisée chez Athos, le plus tourmenté, physiquement et mentalement.

    Richard Lester a réussi avec cette adaptation un étrange mélange de comédie et de réalisme, l'une se nourrissant de l'autre et inversement. Le souci du détail historique n'est jamais plus évident que lors des duels et ceux-ci sont à la fois crédibles et comiques. Comme dans la réalité, ils fourmillent d'actes manqués, de ratages, de glissades, de bottes secrètes se révélant plus dangereuses pour celui qui les exécute que pour son adversaire. Tout cela, Lester ne le gomme pas, il s'en sert au contraire pour faire rire aussi bien que pour imposer un réalisme énergisant. Pendant ces combats, les accessoires les plus triviaux sont mis à contribution (Porthos, ni très courageux, ni très bon escrimeur, est un spécialiste), les différences de corpulence ont leur importance (Athos se bat avec sauvagerie, toute sa masse et son souffle en avant, alors que l'élégant Aramis rivalise de dextérité et d'astuces), les épées font leur poids.

    Nullement présentés comme des modèles, les mousquetaires ne reculent pas devant les entourloupes, accumulent maîtresses, nuits alcoolisées et dettes de jeu. Ils sortent également, la plupart du temps, exténués ou blessés de leurs combats. Ils peuvent ainsi partir à quatre pour l'Angleterre et vite être réduits à l'inaction, à l'exception d'un D'Artagnan obligé de se débrouiller seul dans sa mission. L'image légendaire est gentiment écornée. A la fin de leur ultime combat, D'Artagnan et Rochefort finissent littéralement à quatre pattes. Auparavant, ils avaient eu toutes les peines du monde à s'affronter dans la nuit noire d'une forêt seulement éclairée par leur lanterne respective, puis en plein jour sur une rivière gelée rendant leur maintien debout impossible. Assurément singuliers, les duels de Lester ne cherchent pas l'originalité pour l'originalité. Ils provoquent un retour au réel qui démythifie les figures sans que nous leur retirions notre sympathie, l'humour et le plaisir du spectacle aidant. L'érotisme, aussi : Milady, entravée par sa longue chemise de nuit, a ces gestes magnifiques pour la relever sans cesse de la main gauche et tenir de la droite sa dague empoisonnée lui servant à tenir en respect D'Artagnan, son amant d'un soir.

    Cheminant entre les Monty Pythons pour certains traits d'humour liés à la représentation du peuple (comme l'aubergiste légèrement dérangé qui finit par réellement passer pour fou aux yeux de tous) et Peter Greenaway pour l'étrange monumentalité et l'éxubérance esthétique caractérisant la cour du roi (ce rapprochement étant, bien sûr, un anachronisme : en 73, Lester visait plutôt le cinéma baroque de Ken Russell, auquel il emprunte d'ailleurs Oliver Reed), ce diptyque se permettant de faire passer le soleil brûlant d'Espagne pour une ambiance française bénéficie d'une distribution hors pair qu'il est difficile de ne pas passer en revue. Michael York est un tempétueux (et souvent peu sensé) D'Artagnan, encadré par trois mousquetaires complémentaires, l'imposant Oliver Reed en Athos, le distingué Richard Chamberlain en Aramis et le filou Frank Finlay en Porthos. Constance, jeune femme en péril, se présente sous les formes avenantes de Raquel Welch, parfaite en miss catastrophe attirante et moins idiote qu'elle n'en a l'air. Geraldine Chaplin est une douce reine de France, Jean-Pierre Cassel un souverain ridicule, Charlton Heston un Richelieu fatigué mais vif d'esprit, Christopher Lee un Rochefort borgne, agile et séduisant (en habit rouge, tel un Dracula, il peut, sans s'en rendre compte, remplir de sang la baignoire de Milady). Quant à Faye Dunaway...

    Partant d'aventures masculines, Les trois mousquetaires se révèle un film très féminin. Au-delà de l'importance scénaristique des intrigues amoureuses et d'une affriolante bien que violente bagarre entre Milady et Constance, il faut remarquer par exemple que la plupart des combats de cet épisode se déroulent dans des endroits réservés aux femmes (salle des blanchisseuses, couvent) ou au plus près de ceux-ci (sous les balcons de Milady). Puis, comme l'indique bien, pour une fois, le titre français, le récit se met à tourner, dans le deuxième volet, autour de la vengeance de Milady. Lester fait là de Faye Dunaway l'incarnation du mal absolu à travers ce personnage de courtisane portant la marque infâmante des catins et se jouant en retour des hommes avec une ténacité incomparable. De magnifiques gros plans (et pas seulement sur son décolletté) lui sont octroyés. On en arrive à souhaiter qu'elle survive, au loin, la-bas, entre les mains du bourreau. Auparavant, même les figurants avaient peu de chances de trépasser, mais au final, trois morts assombrissent le paysage, fulgurantes et d'autant plus cruelles. Ultime mélange réussi, ultime plaisir.

     

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    lester,etats-unis,grande-bretagne,aventures,70slester,etats-unis,grande-bretagne,aventures,70sLES TROIS MOUSQUETAIRES (The three musketeers)

    ON L'APPELAIT MILADY (The four musketeers)

    de Richard Lester

    (Grande-Bretagne - Etats-Unis - Espagne - Panama / 105 & 108 min / 1973 & 1974)