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Ce fut l'un des tout premiers "films d'auteur" que j'ai pu voir à l'adolescence et c'était super. Je le trouve aujourd'hui insupportable. Alors qu'il est clairement dans la continuité de A Hard Day's Night, il en tourne toutes les qualités en défauts : aux chansons a succédé un bavardage humoristique assommant, aux brefs détours absurdes d'interminables tunnels non-sensiques (le lit ramené à travers les rues), à l'amusante satire de la célébrité un manifeste générationnel lourdingue. En 65, sans doute fallait-il le défendre au nom de la nouveauté, comme les Cahiers et Positif le firent en cœur, aux anges à l'annonce d'un palmarès cannois couronnant enfin le "jeune cinéma" (*). Il me semble qu'au sein de ce dernier, ou dans ses marges, ce sont justement les comédies qui vieillissent mal. Maniéré, artificiel et épuisant pendant une heure, Le Knack sombre définitivement pendant son dernier tiers, une bonne vingtaine de minutes où l'on doit rire autour du mot "viol". Le séducteur Tolen avait prévenu juste avant, en assurant à la petite craintive qui dira non, puis oui, puis non, etc., que "Les filles ne sont pas violées, à moins de le vouloir". Comédie échevelée, provocatrice, et, par bien des côtés, irréaliste, certes. Il n'empêche que l'on est au royaume de la femme-objet. Après les belles silhouettes interchangeables et sans voix défilant dans les bras de Tolen, arrive le seul vrai personnage féminin, Nancy, une simplette qui ne sert finalement qu'à une chose, être le jouet dont la possession déterminera le vainqueur de l'histoire, le Don Juan moderne Tolen ou le puceau maladroit Colin. Ce sera bien sûr ce dernier. Il y a quelques années, Blow-Up avait pris cher pour beaucoup moins que ça. Dans la catégorie très restrictive "Palme d'or sur le Swinging London avec apparition de Jane Birkin", il était sans doute plus porteur de s'en prendre au grand film d'Antonioni qu'à la comédie oubliée de Lester.
(*) Plus drôle que le film, le jeu du "Qui a copié qui ?" pour le premier paragraphe de son compte-rendu du festival 65 :
Luc Moullet : "Il n'est pas dans les habitudes des Cahiers de commenter les palmarès des Festivals, ni même de reproduire leur contenu (...). Mais cette année, il faut quand même décerner un prix spécial au Jury qui, pour la première fois depuis 1952, a osé couronner le meilleur film."
Gérard Legrand : "Bien qu'il ne soit pas d'usage, à Positif, de commenter les palmarès, je dirai tout d'abord que la victoire de The Knack a été celle d'une jeunesse allègre (...). Plaisante victoire, due à un jury dont l'âge moyen n'autorisait pas de prime abord une telle espérance."