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70s

  • Borsalino and Co. (Jacques Deray, 1974)

    **

    C'est effectivement un meilleur film que le premier, c'est plus sombre, plus compact, mieux cousu. Delon est très bon et l'effet de contraste avec Bébel ayant disparu, on a l'impression qu'il joue mieux ici. Il manque juste à Deray l'inspiration, la fulgurance visuelle ou rythmique pour rendre tout ça inoubliable, même si la représentation de la violence, sèche et souvent imprévisible, est assez étonnante. Pourquoi cela se termine-t-il sur "à suivre" ? Annonce trop prématurée de Delon producteur ou projet vraiment engagé puis tombé à l'eau ? Pas sûr en tout cas qu'un troisième volet en Amérique aurait été très excitant, l'un des intérêts du diptyque étant justement sa relative autonomie par rapport au modèles cinématographiques américains, le fait qu'on y croie sans y trouver d'imitation trop flagrante.

  • Borsalino (Jacques Deray, 1970)

    *

    Eu envie hier soir de découvrir "Borsalino" (peut-être l'avais-je déjà vu gamin mais je n'en avais aucun souvenir). Pas mal sans être terrible. Le traitement paraît assez superficiel, la narration pas particulièrement fluide. Certaines séquences, les plus "légères" ou les moments de transition, sont vraiment trop pépères. Pourtant, d'autres sont plutôt prenantes, comme celles autour du couple Corinne Marchand-Michel Bouquet, celle du guet-apens dans l’entrepôt au milieu des carcasses... Intéressant aussi de voir comment en cinq ou six ans seulement, depuis les États-Unis ou l'Italie, la représentation sanglante de la violence s'est propagée jusque dans le cinéma populaire français. Quant au duo de stars, on ne sait pas trop si l'accentuation de l'opposition des styles (l'un qui sourit presque tout le temps, l'autre quasiment jamais) sert vraiment une complémentarité des personnages ou n'est là que pour satisfaire à bon compte le public attendant de retrouver l'image conventionnellement accolée à chacun.

  • The Last Waltz (Martin Scorsese, 1978)

    ***

    A partir d'un certain niveau de moyens techniques et donc financiers, réaliser un grand film-concert, c'est quand même pas compliqué. Il suffit qu'une réelle complicité existe entre le réalisateur et le groupe pour que le projet avance de concert (hé hé), que l'équipe de tournage soit compétente et réactive (pour l'image, Scorsese ne s'est pas emmerdé : Michael Chapman "assisté" de rien moins que les deux hongrois Laszlo Kovacs et Vilmos Zsigmond), que le cinéaste ait déjà un sens musical de la mise en scène et du montage, que l'équilibre soit assuré sans précipitation entre plans longs accompagnant la coulée vitale du live et inserts attrapant les fulgurances, que la sensation de la durée soit préservée (Scorsese, sur ce plan-là, trafique un peu, sans que cela soit trop visible ou gênant, en raccourcissant certains morceaux), que la présence du public soit manifeste sans que l'attention soit détournée vers lui (pas de plans de réaction ici, Scorsese ne gardant que ceux filmés larges du fond de la scène avec les musiciens en amorces, façon de garder le lien entre le groupe et son public, selon le même principe posé par Altman dans "Nashville" deux ans plus tôt).
    La réussite ainsi assurée, la différence se fait, quand on découvre ces films, en fonction de l'amour que l'on porte aux groupes en question. Je continue donc, pour ma part, à mettre au plus haut le "Stop Making Sense" de Jonathan Demme/Talking Heads. Mais "The Last Waltz" n'est pas avare, bien sûr, de grands moments et la conclusion réunissant The Band et tous les prestigieux invités pour "I Shall Be Released", c'est quelque chose.
  • Amarcord (Federico Fellini, 1973)

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    Décidément pas un fanatique de "Amarcord", le trouvant à nouveau inégal, avec autant de moments magiques en suspension que de passages plus pénibles, la plupart de ces derniers concernant les souvenirs d'école graveleux et les recentrages sur la famille, peu attachante. Mes préférences vont ici aux scènes de groupe, de foule, de célébration, avec une caméra qui pourrait se mettre à suivre n'importe qui juste pour son apparence, sa "trogne". On est constamment dans l'entre-deux, entre souvenirs et fantasmes, entre narration "objective" et commentaire, entre enfance et âge adulte, entre décor factice et décor réel. Et surtout, on est entre deux films, eux, immenses, le film-monde "Roma" et le film mortel "Casanova". "Amarcord, c'est trop et trop peu" écrivait Lorenzo Codelli en conclusion de sa critique de trois pages dans lesquelles il étalait sa déception, à une époque (1974) où Positif ne cherchait pas à chouchouter systématiquement les grands noms.

  • Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)

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    Je n'avais que trop tardé à découvrir ce qui est dorénavant le "meilleur film de l'histoire du cinéma", mise en scène du temps réel absolument fascinante. Les 3h21 sont déroulées en une première moitié réglée puis une seconde déréglée, la construction est mathématique, avec des effets de symétrie et des changements d'angles à 180° ou à 90° qui ne sont rien et deviennent des séismes. Cependant, la soupe fume vraiment et c'est bien le bruit des talons de Delphine Seyrig qui rythme les déplacements comme ceux des portes et des interrupteurs induisent les coupes dans les plans. On voit (et on entend) tout ce qu'ont pu en tirer ensuite Haneke, Van Sant, Tsai, Puiu etc., mais le film qui m'est venu à l'esprit tout le long, en parallèle, c'est étonnamment "Shining", avec les images géométriques d'ascenseur, de couloir, de pièces, les motifs de décoration, les jeux de couleurs, le mystère des portes fermées et les visites fantomatiques, le miroir et le meurtre : cet appartement du 23 Quai du Commerce c'est l'hôtel Overlook.

  • Babylon (Damien Chazelle, 2022) & Othon (Jean-Marie Straub & Danièle Huillet, 1970)

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    Hier, j'ai fait un babylonothon. C'est très particulier : il s'agit de voir le même jour "Babylon" de Damien Chazelle et "Othon" de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. C'est usant mais ça fait du bien au corps et à l'esprit. Le but, c'était de tenir le plus grand écart possible, entre le trop-plein et le trop-vide, avec deux films qui plongent dans le passé mais en insistant sur leur réalisation au présent et en affrontant bravement l'anachronisme (les thèmes, le style, la caractérisation des personnages de "Babylon", l'environnement et les accents d'"Othon"), deux films qui posent le problème du décor autour des personnages, à admirer ou dont il faut faire parfois abstraction (les figurants dénudés qui gesticulent dans les fêtes ou la circulation automobile dans Rome). L'un veut tout dire, au risque de frustrer sur certains points aussitôt abandonnés, l'autre ne veut donner que le texte de Corneille mais en laissant penser que beaucoup plus de choses se jouent là, dans son déplacement en 1969. L'un est strié de "fuck", "dick", "pussy" significatifs, l'autre perd régulièrement son intelligibilité à cause de l'environnement, la monotonie, le débit, les accents. J'ai vraiment bien aimé le premier, qui cueille d'entrée et qui tente d'agripper jusqu'au bout son spectateur par un régime de courtes pauses et de longues accélérations (parfois avec des coups en-dessous de la ceinture mais, parmi de nombreux moments excessifs, difficile par exemple de ne pas être ému par les dix dernières minutes), et je n'ai pas du tout détesté le second, qui demande beaucoup de temps d'adaptation pour y trouver sa place. Ce qui me fait rire, en revanche, c'est le récent "Conseil des Dix" des Cahiers avec la farandole d'étoiles offertes à "Othon" (comme le diadème de l'Empereur, sans doute) et la pluie de points noirs jetés sur "Babylon" (comme le caca de l'éléphant, probablement).

  • La Maudite Galette (Denys Arcand, 1972)

    ***

    Sorti en 1972, "La Maudite Galette" de Denys Arcand est vraiment dans son époque dans le sens où sous chacun de ses plans, on sent la présence du politique. Surprenant du début à la fin, le film fait d'abord penser au nouveau cinéma allemand contemporain, avec préoccupations sociales, décors réalistes mais rigoureusement cadrés, distanciation parfois théâtrale, le tout arrondi par l'accent et les expressions québécoises. Puis il devient progressivement film noir à l'américaine, disposant de plusieurs éléments du genre. Ce qui est fort et réjouissant, c'est que le glissement s'opère sans jamais changer de principe de mise en scène, avec plans souvent longs et fixes, sons mixés de manière très sélective (une radio, puis des aboiements, puis des ressorts de matelas) presque tatiesque, et humour à froid qui ne disqualifie pas non plus les personnages. Jolie découverte.

  • La Momie sanglante (Seth Holt et Michael Carreras, 1971)

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    Adapté d'un roman méconnu de Bram Stocker, le film appartient à la veine des mystères de l'antiquité égyptienne de la Hammer mais la momie aux bandelettes en décomposition a laissé la place au physique intact (à une main près) d'une défunte reine affriolante. A plusieurs reprises, la caméra effleure ce corps magnifique sous lequel on perçoit aisément la respiration de l'actrice, négligence qui sert finalement l'histoire plutôt qu'elle ne la gâche, tout comme le choix de Valerie Leon, dont la beauté étrange et surnaturelle finit par s'accorder à ce double rôle et à cette idée de possession par delà les siècles. La réalisation est due à Holt puis Carreras, après la mort du premier avant la fin du tournage. C'est sans doute en partie pour cela qu'elle apparaît inégale, décousue, tantôt coincée dans ses décors de studio, tantôt complètement folle. Mais finalement, ce côté foutraque, à l'image et dans un récit traversé de retours en arrière fantasmatiques, convoquant lieux et personnages assez nombreux, avec reliques diaboliques et réplique de chambre mortuaire, n'est pas désagréable. 

  • Les Horreurs de Frankenstein (Jimmy Sangster, 1970)

    *
    Pas vraiment un fleuron de la Hammer, ce Horror of Frankenstein qui ne vaut que pour l'interprétation pleine de morgue de Ralph Bates, bientôt Dr Jekyll et sister Hyde, et éventuellement un dénouement cynique (et désinvolte) où seuls le baron et le spectateur sont au courant que le monstre a été fortuitement détruit. Rien de particulier n'est fait par Sangster sur le plan visuel, lumière et espace étant peu exploités. Les deux attraits habituels perdent de leur pouvoir : l'horreur est caoutchouteuse et l'érotisme est trop limité au personnage licencieux de la gouvernante "servant" le fils après le père. Tout cela est bien mécanique, comme le scénario qui réunit laborieusement, six ans après et dans un petit périmètre, cinq ami(e)s d'études et qui oppose paresseusement la grande méchanceté du baron (il décide invariablement de tuer tous ceux qui finissent par le gêner dans son entourage) et la non moins grande naïveté des autres.

  • Darling Lili (Blake Edwards, 1970)

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    Un chant d'amour à Julie Andrews, amplement mérité, et un film ambitieux d'Edwards, qui connut un échec cuisant. Le sujet n'était peut-être pas à même de faire se déplacer les foules (durant la première guerre mondiale une chanteuse anglaise à succès espionne les Alliés pour le compte des Allemands) mais c'est le mélange des genres qui a dû braquer le public. C'est pourtant ce qui le rend assez passionnant, très agréable à suivre, d'autant que la mise en scène du cinéaste, malgré les tripatouillages de la production, fait mouche, par les recherches plastiques, la maîtrise du rythme (bien que chaque scène soit assez longue), le rendu de l'espace. Conformément aux règles du film d'espionnage, les surprises sont régulièrement au rendez-vous mais elles sont très diverses, loin d'être réduites à des idées de scénario. Les changements de ton, les révélations de présences inattendues, l'alternance entre instants érotiques et pauses fleur bleue, l'omniprésence des chansons (le film n'est pourtant pas tout à fait une comédie musicale), les débordements burlesques, rendent l'ensemble imprévisible et charmant, presque fou dans la dernière demi-heure.