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90s

  • Dracula (Francis Ford Coppola, 1992)

    **
     
    Des moments plutôt qu'une continuité. Au moins Coppola, par rapport à Eggers qui a aussi voulu sa réactualisation spectaculaire, a-t-il pris des paris à chaque plan, qu'ils s'avèrent payants ou pas (avec le temps, plutôt moins, à mon avis, malgré le recours à nombre de trucages "intemporels").

  • Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994)

    **
     
    Jamais vu jusque-là ce très étonnant succès. Les sauts de registres sont un peu trop raides et Neil Jordan ne réussit pas totalement les séquences spectaculaires. En fait, les plus simples sont les plus fortes et les meilleurs effets spéciaux sont les performances de B. Pitt, T. Cruise, K. Dunst et A. Banderas. La surprise est qu'une production dotée d'un tel budget aille finalement aussi loin. La dimension horrifique n'est pas édulcorée et surtout, la métaphore sexuelle du vampirisme n'en est même plus une tant elle est mise en avant, dans toutes les combinaisons possibles (les premières scènes entre Pitt et Cruise, c'est quelque chose). Et cela prend encore une autre coloration avec la présence centrale de la petite Kirsten (plusieurs situations et dialogues ne pourraient sans doute plus passer tels quels aujourd'hui : est-ce la véritable raison pour laquelle la distribution en salle est impossible actuellement plutôt que l'absence de matériel ?). Au moment d'en finir, de boucler le récit sur la période contemporaine, deux idées. Une bonne : un hommage au cinéma, à travers l'enchaînement sur un grand écran de quelques plans iconiques de son histoire, trente ans avant le Babylon de Chazelle, et en faisant un lien osé mais très amusant entre le Sunrise de Murnau et le Tequila Sunrise avec Mel Gibson. Une mauvaise : un générique de fin sur une reprise dégueulasse de Sympathy for the Devil par les Guns N' Roses.

  • Affliction (Paul Schrader, 1997)

    ***
     
    Constamment prenant malgré quelques scories, les brefs effets esthétisants ou encore la voix off de Willem Dafoe qui gâche un peu le (presque) dernier plan du film, magnifique, où Nick Nolte se sert un verre avec la grange en flammes au fond, voix off qui explicite alors trop ce que l'on avait très bien saisi : le film est une histoire familiale de la violence et une critique implacable de la notion de virilité. Je trouve le film assez fort dans sa façon de montrer comment la crise personnelle en vient à altérer la perception de la réalité, à partir de la longue intro décrivant le rapport de Nolte et sa petite fille puis le drame adjacent dont celui-ci va commencer à fantasmer les causes. Le lien entre les deux sphères, privée et publique, est remarquablement tissé. Excellente interprétation : Sissy Spacek retrouvée avec plaisir, Dafoe dans un beau personnage en retrait et pourtant prenant en charge le récit, James Coburn qui parvient à dépasser la composition de l'ogre monolithique et Nolte à son aise dans la dérive explosive, avec une sacrée démarche dans la neige.

  • Fargo (Joel et Ethan Coen, 1996)

    ***
     
    Film sur la bêtise, non pas systématique mais nuancée, graduée, étagée, allant de celle, tordante et dangereuse, prise en charge par Steve Buscemi à celle, virant au pathétique, assumée par William H. Macy. Comme c'est remarquablement écrit, les bifurcations participent aussi à l'enrichissement, tout en surprenant (les deux filles du bar, l'ancien camarade mytho, le témoin interrogé dans la rue). Cette façon de dépeindre les personnages est aussi formidablement prolongée par le traitement de l'espace, comme le prouve la séquence où Buscemi enterre la mallette, se redresse, s'aperçoit qu'avec la longueur de la clôture il ne la retrouvera jamais et plante juste son grattoir rouge dans la neige. Marge, elle, se distingue rapidement, au contraire, par son bon sens, presque un sixième sens tant elle touche juste immédiatement à chaque fois. Frances McDormand est formidable notamment dans ces instants où elle abandonne son sourire bienveillant (devenant presque "normale"), quand elle doit marquer la grande gêne (face à l'ex-copain de classe) ou le brusque énervement (face à Lundegaard qui tergiverse). Marge a donc bien les épaules pour se sortir toute seule de la plongée au cœur du Mal, telle Clarice Starling à la fin du Silence des agneaux.

  • La vie est belle (Roberto Benigni, 1997)

    **
     
    Pour en dire deux-trois mots bientôt à des élèves de troisième et parce que ma fille, de ce niveau-là, ne l'avait jamais vu. J'avoue qu'à chaque fois me semblent ressortir un peu plus les défauts, même si je persiste à y trouver des choses jolies, amusantes, voire pertinentes par rapport au projet initial, comme cet instant crucial où, face au mur (à la toile peinte) de cadavres, Benigni montre qu'il ne peut que buter et reculer. Ici (avec le brouillard soudain) et ailleurs, on pense beaucoup à Fellini. Mais l'irréalisme de Fellini (celui des années 70-80) donne des œuvres "mentales", en fantasmes et souvenirs transformés. Alors que l'irréalisme de Benigni est juste une précaution. De plus, n'importe quel visage fellinien peut attirer la caméra et devenir personnage. Chez Benigni, tout est plus calculé et la hiérarchie parmi les personnages est immuable, chacun à sa place, jusqu'au terme.

  • Hal Hartley (mais qu'est-il arrivé à... ?)

    J'avais fini par culpabiliser de ne pas avoir suivi, moi non plus, Hal Hartley après le faiblard "Flirt" (plus exactement après "The Book of Life", dont je me demande maintenant quel pourcentage de ma petite affection d'alors représentait la seule présence de PJ Harvey), regrets encore attisés par l'intéressant livre publié en 2016 chez Lettmotif.
    J'ai tout rattrapé d'un coup, tout ce qui me manquait, tout ce qu'il a fait (en long métrage) durant ces années où l'on s'est demandé "mais qu'est-il arrivé à Hal Hartley ?".
    Et bien ça ne valait vraiment pas le coup de culpabiliser.
    "Henry Fool" (1997) (*) parabolise sur l'art et l'amitié. Comme Hartley veut saloper son cinéma, il y va à coup de scènes de diarrhée ou de vomi, et torche un film interminable (2h17) autour de deux personnages également détestables, l'un écrivain raté et affabulateur, tendance pédophile et violeur, l'autre attardé mais finissant prix nobel de littérature. Les formules tournent dans les bouches, misanthropiques et vaines.
    "No Such Thing" (2001) (°) est moins douteux moralement mais encore plus faible cinématographiquement, fable amorphe et désincarnée sur la monstruosité qui n'est pas celle que l'on croit, celle de la Bête immortelle, mais bien celle de l'espèce humaine. Le style rend le conte étriqué. Le message sur l'état du monde et des âmes est doublé d'une critique des médias si simpliste que même le Wim Wenders de l'époque aurait refusé de la formuler telle quelle.
    "The Girl From Monday" (2005) (°) poursuit crânement sur la voie de la science-fiction. Les trois-quarts des cadres sont penchés (pour l'étrangeté) et tous sont serrés (pour ne pas avoir à créer un décor futuriste), ce qui provoque une grande fatigue visuelle. Lorgnant sur "Alphaville" et "La Jetée" (jusqu'aux plans en noir et blanc et aux images arrêtées), l'essai est terriblement rabougri malgré quelques intuitions sur la dictature numérique et les agréables physiques des interprètes.
    Avec "Fay Grim" (2006) (°), où la caméra n'est toujours pas remise d'aplomb, on touche le fond, à une distance insoupçonnée. En la surprenante présence de Jeff Goldblum, l'histoire d'espionnage international la moins intéressante jamais racontée sur un écran nous trimballe jusqu'à Istanbul pour entendre 15 minutes de discussion décalée philiosophico-politique dans la cave d'un djihadiste. Cassage de codes oblige, attention, rires ! : des personnages s'appelent Herzog ou Konchalovsky ; l'héroïne a caché son téléphone dans sa culotte mais le mode vibreur lui fait monter un orgasme inopportun ; les agents secrets américains, russes, français, anglais, israéliens grimpent dans la même camionnette qui ne manque pas d'exploser pour régler l'affaire... PTDR.
    Après cette dégringolade vertigineuse, une oasis, un petit miracle. "Meanwhile" (2011) (***) retrace en moins d'une heure la journée d'un homme, batteur, bricoleur, écrivain, cinéaste, entrepreneur, traversant New-York dans une mauvaise passe financière. Une histoire courte et vivante, sans leçon de morale ni cadre penché. Et comme par hasard, tout (re-)marche : les plans respirent dans la durée, les décors new-yorkais s'imposent, les dialogues en sont vraiment, le discours reste souterrain, les auto-citations passent, l'humour fonctionne, les actrices et acteurs ne sont pas réduits à une idée, les personnages existent et touchent.
    C'était malheureusement une exception. "Ned Rifle" (2014) (°) arrive pour compléter "Henry Fool" et "Fay Grim" en une trilogie (et pour clore la filmographie ?). Forcé de boucler les pistes farfelues, totalement invraisemblables, ouvertes par les deux précédents, ainsi que de trouver lui aussi sa dimension "sérieuse" et "politique" (cette fois-ci via la religion), il voit la relative simplicité de filmage adoptée avec "Meanwhile" virer au statisme ennuyeux et bavard. Derrière les principaux interprètes (pas fameux, qu'ils soient nouveaux ou anciens dans cette trilogie), le générique attrape-nostalgiques (comme moi) annonce fièrement Martin Donovan, Karen Sillas, Robert John Burke et Bill Sage pour n'offrir en fait, en temps cumulé, qu'à peu près 3 minutes 30 de leur présence.
    A l'image du dénouement laborieusement sanglant de ce (dernier ?) film, tout cela me paraît bien constituer un énorme gâchis.

  • Stan the Flasher (Serge Gainsbourg, 1990)

    **

    De sale réputation (comme tous les films de Gainsbourg à part peut-être le premier), "Stan the Flasher" n'est pas si mauvais que ça. Les dialogues alternent de façon un peu lassante entre jeux de mots, éclats vulgaires et emprunts littéraires (parfois en auto-citations : Michel Robin déclamant les paroles de "Cargo culte" en prison, c'est pour le moins bizarre). La représentation redoutée de l'attirance pédophile (Gainsbourg disait "lolycéenne", ça passait mieux) restant soft, c'est plutôt le nombre de mots insultants à l'attention des femmes en général qui finit par faire mal aux oreilles. On peut toujours dire, cependant, que l'on reste dans la tête du personnage, avec le choix plutôt pertinent de Claude Berri, qui arrive notamment à tracer une ligne intéressante par sa voix. Même si l'on s'agace parfois de certains effets, on tient jusqu'au bout grâce à la distanciation théâtrale, le travail (en studio) sur les décors, les lumières (très bleues), les cadres, un certain irréalisme et surtout la brièveté du film (1h08 !).

  • Les Quatre Filles du docteur March

    Les Seize Filles du docteur March :
    Le George Cukor (1933) ** se déséquilibre volontairement vers le personnage de Jo, avec Katharine Hepburn qui prend toute la place, qui ne se résout pas à jouer sagement comme les trois autres et qui prend en charge l'énergie du film, se voyant même parfois explicitement isolée dans le cadre par la mise en scène.
    Le Mervyn LeRoy (1949) * n'apporte pas grand chose sinon la couleur et les modulations plutôt homogènes de ses interprètes (June Allison, Janet Leigh, Liz Taylor...) mais croule sous les violons et le sentimentalisme.
    Le Gillian Armstrong (1994) *, pour approfondir les psychologies, aborder plus franchement les dimensions sociales et rendre immédiatement lisibles les émotions, privilégie beaucoup trop les plans rapprochés conventionnels au détriment des forces extérieures qui auraient pu animer les figures secondaires et les différents espaces, ce qui le rend bavard au centre et décoratif dans ses à-côtés.
    Le Greta Gerwig (2019) **, par la mobilité de la caméra et par l'énergie de groupe bien répartie, propose une série d'impulsions régénératrices et ce qui aurait pu apparaître comme une simple astuce un peu vaine, le bouleversement de la chronologie, assure lui aussi, finalement, un plaisant dynamisme.

  • Bouge pas, meurs, ressuscite, Une vie indépendante & Nous, les enfants du XXe Siècle (Vitali Kanevski, 1990, 1992, 1994)

    ****/***/*

    Revus, les trois principaux films de Vitali Kanevski restent tels que mon souvenir les avait fixés. "Bouge pas, meurs, ressuscite" est fou, hallucinant et terrassant, partant dans tous les sens et conservant pourtant sa cohérence, mélangeant dans son incroyable noir et blanc des plans pris à la volée et des mouvements plus composés, ne s’appesantissant jamais, chantant, criant, cognant puis passant aussitôt à autre chose dans un sourire désarmant, une boule d'énergie qui explose tous les autres films d'initiation adolescente. "Une vie indépendante" zigzague autrement, aussi désespéré mais plus "calme" pourrait-t-on dire, se déplaçant plus loin, la chronique ressemblant plus à une errance et glissant plus franchement vers l'onirisme. "Nous les enfants du XXe siècle" est extrêmement gênant, tout ce qui était canalisé par la fiction devenant difficilement supportable dans le documentaire où Kanevski s'avère hyper-directif, provocateur et complaisant, et où, en toute logique finalement, face au cinéaste, seuls Pavel et Dinara semblent capables d'être eux-mêmes, de ne pas se laisser balader, de rester à égalité avec celui qu'ils connaissent alors par cœur et qui les a fait naître si intensément à l'écran.

  • Princesse Mononoké (Hayao Miyazaki, 1997)

    ****

    Au tournant des années 2000, l'aventure était là, et pas dans les hideux bidouillages numériques de Lucas et compagnie. C'est en partant du dessin que Miyazaki retrouve le souffle des fresques de Kurosawa. Son art de l'animation ouvre sur une richesse thématique infinie, sur des questions comme le rapport à la nature jamais posées de manière simpliste, sur des créations de personnages à multiples dimensions (et quels personnages féminins ! de l'héroïne à la moindre ouvrière des forges). A partir du dessin : de l'ampleur, du concret et de la profondeur.