Le dingue du palace (18.04.2012)

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Premier film directed by Jerry Lewis, Le dingue du palace n'a pas du tout l'allure d'un brouillon de débutant, nonobstant la minceur de son fil narratif.

A l'écran, se déroule en effet une simple succession de mésaventures et catastrophes vécues et provoquées par l'un des nombreux grooms du grand hôtel Fontainebleau à Miami Beach. La structure est donc celle du film à sketches mais avec l'avantage d'une unité esthétique, apportée par la mise en scène de Lewis et la permanence du décor et de quelques personnages accompagnant le premier d'entre eux. Ce liant suffit à faire du Dingue du palace un objet aux contours réguliers. Certes, la frustration peut naître de ne pas voir prolonger tel ou tel fragment. L'arrivée à l'hôtel de la star de cinéma Jerry Lewis, ressemblant trait pour trait au groom gaffeur, est ainsi l'occasion de l'une des meilleures séquences du film, mais n'est plus évoquée par la suite.

Le tournage s'est fait sur les lieux, d'où la grande présence d'un décor réel et d'une ambiance que n'ont pas souvent les comédies de cette époque. L'investissant à merveille, Jerry Lewis a élaboré une mise en scène d'architecte. Cousinant avec Tati, il travaille sur les volumes, les perspectives, la plasticité et le rendu sonore des matériaux.

Il renouvelle dans le même geste l'une des idées fortes du burlesque en désignant un corps et une démarche sortant de l'ordinaire, du carcan et, par là, provoquant du désordre. Jerry acteur, c'est une élasticité, une irrégularité du rythme vital, une démarche folle et incompréhensible, toutes choses qui s'opposent à l'ordonnancement (et ces variations imprévisibles sont redoublées par l'usage comique contradictoire qui est fait du plan séquence et de la coupe franche dans le plan). Il ne faut bien sûr pas oublier, dans cette optique, ce qui gêne parfois chez Lewis mais qui, ici, s'intègre parfaitement au mouvement du film : le recours régulier aux grimaces.

Même s'il sait être direct, il n'hésite pas à travailler l'écoulement du temps (toujours associé au sentiment de l'espace), à aller vers un comique de la gêne. Il demande au spectateur de le suivre. On comprend ainsi pourquoi Jerry Lewis fut qualifié de comique conceptuel. L'homme fait rire mais cherche en même temps, par sa mise en scène, à faire réfléchir au pourquoi du rire, au risque de l'annuler ou au moins de l'atténuer parfois.

Sachant payer sa dette envers les grandes figures du passé (un clone de Stan Laurel traverse le film en plusieurs endroits), il ne s'en projette pas moins vers l'avant, apparaissant réellement moderne. Aujourd'hui, la comédie, d'où qu'elle vienne, semble avoir abandonné toute ambition plastique pour ne se concentrer que sur la sociologie, l'étude de caractères et le réalisme, et il est symptomatique que la mise en scène du Dingue du palace fasse plutôt penser à celle de Roy Andersson, d'Ulrich Seidl ou de Tsaï Ming-liang, cinéastes que l'on ne qualifierait pas, en premier lieu, de comiques. Lewis, lui, continuera, semble-t-il, sur cette voie royale pendant la première moitié de la décennie 60. La suite, pour ce que j'en connais, oscillera entre l'estimable (Les tontons farceurs, Jerry grande gueule) et le pathétique (Ya Ya mon Général).

 

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ledinguedupalace00.jpgLE DINGUE DU PALACE (The bellboy)

de Jerry Lewis

(Etats-Unis / 70 min / 1960)

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