Whatever works (08.07.2009)

(Woody Allen / Etats-Unis / 2009)

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whateverworks.jpgWhatever works commence avec l'interpellation du spectateur par le personnage principal, Boris Yellnikoff. Cette apostrophe est déstabilisante tout d'abord par l'indécision du degré de distanciation qui la caractérise : débarquant au milieu d'une conversation entre amis, nous croyons bien déceler deux ou trois coups d'oeil de l'un des protagonistes vers la caméra avant que celui-ci s'adresse à nous directement, à la surprise de ses compagnons, qui continuent tout de même, tous comme les passants, à vivre leur vie de fiction.

Sur un ton très acide, Boris Yellnikoff entame une longue plainte et nous exhorte à nous détourner de tous ceux qui nous empoisonnent la vie en nous dictant notre conduite, des nutritionnistes poussant à la consommation quotidienne de fruits et légumes aux producteurs de feelgood movies. Par la voix de son nouveau double, Larry David, Woody Allen condamne ce qu'il va pourtant nous imposer sans sourciller pendant 90 minutes : le prosélytisme en faveur d'un certain mode de vie, le sien.

Sa leçon de morale se développe à partir de la mise en relation du vieil intellectuel acariâtre et d'une jeune idiote. Mise au premier plan, la philosophie de Woody Allen ne prend même pas ici la peine d'émerger d'un récit. Rien ne vient justifier la rencontre entre Boris et Melodie, plus qu'improbable, et les discussions qui s'en suivent dans l'appartement du premier (qui a décidé d'héberger la seconde) ne sont là que pour accumuler les bonnes formules sans jamais tracer de ligne narrative et émotionnelle cohérente. De même, la dernière partie sera l'occasion d'une série de retournements de situation purement mécaniques, des basculements sexuels et comportementaux qui auraient pu être imaginés il y a trente ans.

Plus grave encore, la mise en scène n'enrobe l'exposé d'aucun éclat particulier, se contentant de quelques "trouvailles" humoristiques plus ou moins fines (Boris expliquant avoir trouvé son équilibre alors qu'il se trouve devant... la balance d'un marchand de légumes ; Melodie écoutant Beethoven et croyant que les coups frappés à sa porte font partie de la partition - gag piqué à Chaplin dans Mr Verdoux). Habituel point fort du cinéaste, la direction d'acteur encourage cette fois-ci un cabotinage assez épuisant.

On aura beau deviner derrière la misanthropie de Boris un ironique autoportrait de Woody Allen (le mot "génie" est entendu tellement de fois...), on aura beau se dire que le cynisme cache forcément de grandes blessures, le personnage restera jusqu'à la fin détestable. Certes une petite inflexion est perceptible au contact de ces gens qui lui sont "inférieurs", mais la réconciliation finale se fête bien chez lui, dans son appartement d'un autre âge. Tous se retrouvent sur son terrain, tous ont été convertis.

Dans la mise en miroir ironique de sa propre personnalité, je trouve la démarche de Clint Eastwood beaucoup plus honnête.

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