Django unchained (19.01.2013)

"Non, je ne voudrais pas faire les films qu'a faits John Huston dans les trente dernières années de sa vie. J'ai l'impression que, désormais, chaque mauvais film annule le bénéfice de trois bons et je veux garder de bonnes stats !" dit Quentin Tarantino dans le dernier Télérama. Django unchained annule donc la moitié de sa carrière puisqu'il n'a tourné jusqu'à présent que sept films. Dans le même temps (sur vingt ans), les autres grands réalisateurs américains qui peuvent lui être comparés (par l'âge, le goût pour les genres populaires et le statut d'auteur jamais remis en cause) tenaient une toute autre cadence : Joel et Ethan Coen en signaient onze, Tim Burton douze, Steven Soderbergh vingt et un.

Sortir un film tous les trois ans assure à Tarantino le maintien de l'étiquette "culte" scotchée sur son dos et lui donne l'impression de pouvoir étirer sur presque trois heures l'histoire sans intérêt de son Django sans que personne ne sourcille. Or, à mes yeux, cette fois-ci, il s'écroule. A tous points de vue.

Tarantino, cinéaste de la parole. Jamais ses dialogues n'auront à ce point plombé le récit. Ici, ils paraissent en effet interminables. D'une part, ils rendent le cynisme du personnage du Dr Schultz et la prestation de son acteur Christoph Waltz irritants au possible (et Di Caprio poursuit son travail sur le chemin scorsesien sans être, malheureusement, dirigé par le réalisateur des Infiltrés). D'autre part, contrairement à ce qu'il se passait dans les précédents films du cinéaste, ils sont totalement dépourvus d'enjeu : ni vraiment digressifs, ni vraiment utiles dramatiquement (ne s'y opère aucun retournement, aucun changement de point de vue). Il ne leur reste alors plus qu'à tourner inlassablement dans les bouches, à la grande auto-satisfaction de leur auteur.

Tarantino, cinéaste déstructurant. Le récit est déroulé de façon linéaire, sans aucune surprise. Quelques flash-backs parfaitement attendus et de timides flash-forwards font une moisson bien maigre pour supporter l'alternance morne de séquences parlées et de séquences saignantes.

Tarantino, cinéaste de la violence. Décidément, Django unchained confirme ce qu'Inglourious basterds laissait penser : la violence qui s'étale fonctionne dorénavant de la manière la plus simpliste et la plus basse qui soient. Lorsqu'elle est l'œuvre des salauds, elle sert à choquer le spectateur. Lorsque les héros y ont recours, elle le lie, par le clin d'œil, à leur vengeance et lui propose d'en jouir. Parfois, le cinéma de genre a bon dos...

Tarantino, cinéaste du jeu historique. Voilà qui est nouveau depuis Inglourious, et ce n'est, à mon avis, pas du tout une bonne nouvelle. Il y a trois ans, il flinguait Hitler. Cette fois-ci, il venge les Noirs américains de décennies d'esclavage (mais par l'intermédiaire, bien sûr, d'un guide, presque un surhomme). Soit, je peux, à la rigueur, l'admettre, tout en précisant bien que Tarantino la joue facile, sans risque moral aucun, en toute bonne conscience. Mais ce qui m'agace profondément dans ce film, au delà de sa violence orientée, de sa longueur inadaptée et de son manque de stimulant narratif, c'est que, si il est pensé comme un hommage que j'imagine sincère au western italien, il l'est aussi comme instrument servant à faire la leçon au cinéma classique américain, de D.W. Griffith à John Ford. Nul doute qu'il y ait matière à interroger certains aspects de ce cinéma-là, mais à travers ce Django unchained et le discours qui l'accompagne, Tarantino le rejette sans aucun discernement, bien confortablement installé en 2012.

 

DJANGO UNCHAINED de QuentinTarantino (Etats-Unis, 165 min, 2012) ****

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