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Django unchained

"Non, je ne voudrais pas faire les films qu'a faits John Huston dans les trente dernières années de sa vie. J'ai l'impression que, désormais, chaque mauvais film annule le bénéfice de trois bons et je veux garder de bonnes stats !" dit Quentin Tarantino dans le dernier Télérama. Django unchained annule donc la moitié de sa carrière puisqu'il n'a tourné jusqu'à présent que sept films. Dans le même temps (sur vingt ans), les autres grands réalisateurs américains qui peuvent lui être comparés (par l'âge, le goût pour les genres populaires et le statut d'auteur jamais remis en cause) tenaient une toute autre cadence : Joel et Ethan Coen en signaient onze, Tim Burton douze, Steven Soderbergh vingt et un.

Sortir un film tous les trois ans assure à Tarantino le maintien de l'étiquette "culte" scotchée sur son dos et lui donne l'impression de pouvoir étirer sur presque trois heures l'histoire sans intérêt de son Django sans que personne ne sourcille. Or, à mes yeux, cette fois-ci, il s'écroule. A tous points de vue.

Tarantino, cinéaste de la parole. Jamais ses dialogues n'auront à ce point plombé le récit. Ici, ils paraissent en effet interminables. D'une part, ils rendent le cynisme du personnage du Dr Schultz et la prestation de son acteur Christoph Waltz irritants au possible (et Di Caprio poursuit son travail sur le chemin scorsesien sans être, malheureusement, dirigé par le réalisateur des Infiltrés). D'autre part, contrairement à ce qu'il se passait dans les précédents films du cinéaste, ils sont totalement dépourvus d'enjeu : ni vraiment digressifs, ni vraiment utiles dramatiquement (ne s'y opère aucun retournement, aucun changement de point de vue). Il ne leur reste alors plus qu'à tourner inlassablement dans les bouches, à la grande auto-satisfaction de leur auteur.

Tarantino, cinéaste déstructurant. Le récit est déroulé de façon linéaire, sans aucune surprise. Quelques flash-backs parfaitement attendus et de timides flash-forwards font une moisson bien maigre pour supporter l'alternance morne de séquences parlées et de séquences saignantes.

Tarantino, cinéaste de la violence. Décidément, Django unchained confirme ce qu'Inglourious basterds laissait penser : la violence qui s'étale fonctionne dorénavant de la manière la plus simpliste et la plus basse qui soient. Lorsqu'elle est l'œuvre des salauds, elle sert à choquer le spectateur. Lorsque les héros y ont recours, elle le lie, par le clin d'œil, à leur vengeance et lui propose d'en jouir. Parfois, le cinéma de genre a bon dos...

Tarantino, cinéaste du jeu historique. Voilà qui est nouveau depuis Inglourious, et ce n'est, à mon avis, pas du tout une bonne nouvelle. Il y a trois ans, il flinguait Hitler. Cette fois-ci, il venge les Noirs américains de décennies d'esclavage (mais par l'intermédiaire, bien sûr, d'un guide, presque un surhomme). Soit, je peux, à la rigueur, l'admettre, tout en précisant bien que Tarantino la joue facile, sans risque moral aucun, en toute bonne conscience. Mais ce qui m'agace profondément dans ce film, au delà de sa violence orientée, de sa longueur inadaptée et de son manque de stimulant narratif, c'est que, si il est pensé comme un hommage que j'imagine sincère au western italien, il l'est aussi comme instrument servant à faire la leçon au cinéma classique américain, de D.W. Griffith à John Ford. Nul doute qu'il y ait matière à interroger certains aspects de ce cinéma-là, mais à travers ce Django unchained et le discours qui l'accompagne, Tarantino le rejette sans aucun discernement, bien confortablement installé en 2012.

 

DJANGO UNCHAINED de QuentinTarantino (Etats-Unis, 165 min, 2012) ****

djangounchained.jpeg

Commentaires

  • Tarantino est d'autant plus con que parmi les derniers films de Huston, certains sont ses meilleurs : Fat City surtout, et Le Malin, Au-dessous du volcan, Gens de Dublin... Comme vous dites, il n'a "aucun discernement". Ce qui n'empêche pas la critique française d'applaudir comme un seul homme son personnage et chacun de ses films. Et pourtant, quelle dégringolade depuis Pulp Fiction...

  • Bien envoyé, chers collègues :)

  • Pitin, déjà que je n'avais pas très envie d'aller voir un film où il se paluche pendant trois plombes... Si quelqu'un pouvait seulement le BÂILLONNER !

  • J'oubliais dans ma note, au passif du film, encore :
    - L'absence d'humour. Seul moment où j'ai entendu des rires dans la salle : quand la femme se fait projeter par la décharge du fusil de Django. C'est vers la fin, c'était donc peut-être un rire nerveux. Personnellement,je ne trouve pas ça drôle du tout.
    - Où est la passion entre Django et sa femme, où est l'émotion, l'amitié, dans la relation entre Django et Schultz ? Trop occupé à faire parler ses personnages les uns à côté des autres, Tarantino en oublie de faire passer entre eux quoi que ce soit d'autre que des mots.

  • Oui, Griffe, le propos sur Huston est incompréhensible. Malgré les quelques mauvais films qui la parsèment, sa fin de carrière a justement été marquée par plusieurs pics.
    Je suis vraiment surpris que la critique soit à ce point à genoux cette fois-ci (et ça va sûrement continuer dans les Cahiers et Positif de février...). Surtout, la violence tarantinienne est maintenant acceptée par tous, alors qu'elle devient, me semble-t-il, de moins en moins complexe et "travaillée".
    Quant à la dégringolade du cinéaste, je situe son commencement un peu plus loin, après Jackie Brown (et en prenant en compte le petit plaisir coupable que fut Boulevard de la mort, le moins "ambitieux" et donc le meilleur de ses derniers films).

    Fred, ah ça, pour se palucher... Il va même jusqu'à apparaître dans un petit rôle, un rôle d'abruti évidemment qui, ahahaha !, finit par exploser.

  • La "critique" aurait pu être intéressante si elle s'appuyait sur des arguments concrets et se référait à des scènes précises du film au lieu d'énumérer des opinions catégoriques et définitives. C'est pratique, aucune discussion n'est rendue possible. Ceux qui sont contre le film approuveront évidemment votre avis et les autres diront que vous avez tort. Bon. On est bien avancé.
    Et puis, c'est lassant cet éternel discours contre une (comme si elle était homogène et universelle) prétendue critique française rendue aveugle par de soi-disants auteurs. Comme si il fallait se justifier d'avoir un avis contraire au consensus (en admettant qu'il y en ait un pour ce film) en suggérant que c'est normal, les autres sont cons, mais que "nous", on ne se laisse pas berner...
    Il me semble qu'une critique digne d'intérêt se doit d'aller au-delà de notes et d'appréciations de bac...
    Cela dit, je n'ai rien contre une forme de subjectivité, au contraire, elle est indispensable pour construire une singularité de pensée. Mais les simplifications hasardeuses sont des écueils à éviter, je pense.

  • Tout d'abord, garmonbozia, je ne propose pas là une "critique" du film mais, volontairement, une note subjective, courte, écrite "à chaud" (et l'évolution de ce blog tendra de plus en plus vers cela, malheureusement ou pas).
    Pour ce qui est de la critique française, je ne pense pas que ce soit sur "Nightswimming" qu'elle soit le plus maltraitée ! Bien au contraire, c'est sans doute, depuis cinq ou six ans, l'un des endroits du net où son travail a été le plus souvent reconnu et étudié (en tout cas celui de Positif et des Cahiers). Pour "Django", je m'étonne seulement du consensus. Car de toute évidence consensus il y a pour dire que le film fait l'évènement cette semaine (encore plus que pour "Tabou" en décembre, par exemple, film que j'ai ardemment défendu car non, personnellement, je ne prends pas spécialement plaisir à aller contre l'avis général). Je n'ai pas tout lu bien sûr mais où trouve-t-on une critique négative ? Les deux seules que j'ai pu trouver jusqu'à présent sont sur internet (Il était une fois le cinéma et Cyril Cossardeaux sur Culturopoing), pas dans la presse papier qui, à ce qu'il me semble, devant les trois premiers Tarantino (que j'adore pour ma part) avait beaucoup plus débattu de la question de la violence.
    Maintenant, pour ce qui est des arguments, ou au moins des exemples, je veux bien en développer quelques uns...
    Sur la parole : Dès la première séquence, il me semble que cela ne tourne pas rond. L'impression de déjà-vu s'installe. Les tournures qu'emploie le personnage, cette façon de dilater la scène, on sait très bien où cela va nous mener (à l'explosion de violence). Dans "Inglourious", les dialogues (et les langues différentes) étaient moteur de l'action. Ici, non. Aucun mystère, aucune surprise, aucun retournement. Schultz et Django jouent juste, dans leur quête, un "rôle" de temps en temps, face aux propriétaires qu'ils abordent. Seulement, rien ne se produit à partir de ce jeu de masques. Et lorsque le personnage de Di Caprio les fait tomber, ces masques, la scène est purement mécanique, loin de l'introduction de "Inglourious" par exemple.
    Sur la violence : Lorsqu'elle est perpétrée par les méchants, elle est particulièrement sanglante, cruelle, et vue de près : la tentative d'émasculation, le déchiquetage par les chiens, le combat entre les deux Noirs devant DiCaprio. Lorsqu'elle l'est par le duo de héros, cela se passe au loin (l'assassinat du hors-la-loi devant son fils), de façon très graphique (les giclées de sang dans les champs de coton), voire de façon "humoristique" (Django qui abat la sœur de Di Caprio, acte grotesque qui masque ainsi sa totale gratuité).
    Voilà quelques exemples. D'autres, peut-être, à suivre, selon les "discussions"...

  • Je n'irais que mardi (et encore, ça dépend des obligations familiales) mais c'est d'ores et déjà le film de Tarantino qui me pose le plus de problèmes préliminaires. Ses sorties sur Ford, celle sur Huston, le matraquage publicitaire que je trouve agressif (surtout sur FB). Comme dit Fred, ce coup-ci, il parle trop. Je suis ravi d'avoir pu voir le précédent à Cannes sans rien savoir. Là, il va falloir faire la part des choses. Comme on dit dans les (bonnes) séries B : Je reviendrais.

  • Come dans vos discours de 'Dark Shadows' tu trouve les probleme moraux dans les film qui sont eviter/overlooked dans les plus aesthetic judgement des deux films.

  • Argh.

    Je ne l'ai pas encore vu et j'espère vraiment que tu te trompes. Une remarque toutefois : tu ne le fais pas (un peut-être un peu sur la fin) mais la tentation est grande de juger un film à l'aune des déclarations de Tarantino.
    Pourtant depuis le début, il a toujours été le spécialiste des jugements à l'emporte pièce avec lesquels on est pas d'accord. Je me souviens de ses tops 20 en dépit du bon sens (enfin du mien) ou de ses déclarations sur Godard il y a quelques années. Pour autant, ça n’entachait pas la qualité de ses films.

  • Vincent : Je t'attends ! ;)
    Essaye de prendre le film par son côté réellement "Django", ça passera peut-être mieux. (A propos, je n'ai jamais vu le Corbucci...)

    David : I know this is one of your 2012's favorites. But I'm not sure I understand your translated comment. Maybe you could try in english :)

    Nolan : Comme je l'ai déjà un peu expliqué ailleurs, je suis parti de quelques propos de Tarantino pour écrire cette note mais je ne pense pas, sincèrement, que ce soient eux qui m'aient gâché mon plaisir mais bien la réalité du film elle-même. Cela dit, j'y trouve un écho, à ces sorties du cinéaste devant la presse, dans la façon dont "Django Unchained" me semble très sérieusement donner la leçon.

  • Oui, je voyait que tu defender ton position contre et je pense que votre c'est une bonne critique. Ca ma fait penser de ton critique de Burton's "Dark Shadows" ou tu parle du cynisme de la scene ou le vampire tue les jeune. J'admets que je pense qu'il y a quelque chose un peux imoral de cette violence partager dans les deux films ou le spectateur est forcer de admirer et rire a propos ce cynisme aulieux de le prendre serieux.
    Je voulais dire quelque chose positive aulieu de contre, car j'ai remarquer que dans les dernier post je commanter des opionion adversaire.
    Mes pour retourner a Django, je le crois un chef-d'oeuvre, un de Tarantino's meilleur, avec un message politique et des grand moments de suspense.
    Pour un bout-de-temps QT allait dans la direction de Rio Bravo, un film modern plus a propos les personnage et "moments". Mais maintenant c'est film son plus come le Leone de The Good, The Bad and The Ugly (regarde QT's dernier deux film et leur debuts est on voit que le relation est direct).
    Avec Django il pouse l'aspect politique de c'est exploitation film est le fait le matiere principal. Est come avec De Palma, QT dans ce film fait un subtil meditation sur les "images". Il nous montre le plantation dans un allure de pub avec Mr. Candy avec son argent, beauter et bon gouts. Mes apprer on voit la haine est les probleme de ce monde, et ca c'est quand QT revele les dents pourrits de Mr. Candy. Le seul solution? L'hero doit detruire ce fause monde (avec les fusil est explosion, come dans Die Hard), pour detruire le corruption pour donc commencer a nouveaux. C'est un film vraiment idealiste, je crois.
    Mes oui, come vous le dit, le film est un peux plus problemique que ca.

  • Cher Edouard, je ne suis pas d'accord!

    Tout d'abord sur ton préambule, mais c'est accessoire : on s'en fout que Tarantino dise des bêtises, et qu'il ait bien souvent des goûts discutables et des jugements à l'emporte pièce. Pour ma part je suis très peu féru de ses interview (alors que je suis de plus en plus féru de ses films) et il semble que je sois assez bien inspiré vu ce que j'entend (malgré tout) dire ici ou là. Je soupçonne Tarantino d'être très enfant

    Je vais tacher de reprendre tes arguments :

    Tarantino cinéaste de la parole : oui, plus que jamais. Ce qui est à la fois frustrant et passionnant, c'est que les dialogues semblent ici avoir totalement remplacé l'action. N'es-tu pas frappé, par exemple, par le fait que ce western ne contient pas de duel? On croit jusqu'au bout qu'il va avoir lieu, entre Stephen et Django, mais non, nous avons à la place des confrontations verbales. Tarantino a ici un côté maniériste ultime : là où le maniériste type Leone aurait pris plaisir à étirer une scène de duel, Tarantino se sert des dialogues pour jouer avec l'idée de duel, pour tourner autour en créant au passage quelque chose d'autre. Les dialogues ne déclenchent rien en effet, car ils semblent de plus en plus se suffire à eux-même. Il y a aussi le fait, comme dans Inglorious basterds, que la parole fonctionne comme un jeu comportant des règles. Exemple de règle utilisée : la langue. Schultz utilise tantôt un jargon légal, tantôt l'anglais, tantôt l'Allemand. Je n'ai pas trouvé C. Waltz énervant du tout, j'ai été charmé au contraire.

    Tarantino cinéaste déstructurant : parce qu'arborer une structure complexe est devenu une fin en soi ? (Même moi je n'ose pas défendre Nolan avec cet argument) Je trouve la structure linéaire très intéressante au contraire, dans la manière dont elle permet de façonner le personnage de Django via une succession de théâtres et donc une succession de rôles : esclave, valet, chasseur de prime, négrier, Django!

    Tarantino cinéaste de la violence : je trouve justement la violence plus "problématique" que jamais chez Tarantino, et pas spécialement jouissive comme on l'entend partout. La violence comme objet de spectacle est même un sujet du film, qu'on regarde le combat d'esclave où qu'on contemple le dos lacéré d'une esclave comme une toile de maître. Il y a une violence univoque, explosive et un peu facile et une violence plus équivoque, une souffrance que rien n'efface, comme celle par exemple de cet esclave qui se fait démembrer par des chiens.

    Tarantino cinéaste du jeu historique : oui bah non il n'est pas historien et ne se place pas forcément sur ce plan là (et à nouveau, je crois qu'il est vain de le relier à ses propos sur Ford par exemple). Oui c'est facile de rejouer l'esclavage aujourd'hui, je suis d'accord, mais ce que je trouve passionnant dans le film c'est la manière dont notre personnage passe de la silhouette anonyme et enchaînée à une figure très humaine de liberté conquérante.

    C'est bon tu es convaincu? (J'y suis retourné et j'ai préféré la seconde fois)

  • J'allais argumenter mais T.G. a tout dit. Ne pas succomber à l’idolâtrie unanime de la critique est une chose. Mais de là à mettre 0 à ce film il y a une marge qui s'appelle l'honnêteté intellectuelle quand on regarde les notes de certains autres films sur ce site.
    Pour résumer sans en repasser une couche trop épaisse, je pense que la grande force de Tarantino, c'est justement de ne tomber dans aucun des pièges qui se présentaient face à lui et dont tu fais involontairement la liste. En cela Django est selon moi le film de la maturité pour Tarantino: celui d'un réalisateur libre qui a su faire évoluer son cinéma sans le renier. Quentin Unchained?

  • Vu hier soir et, même si je ne serais pas aussi sévère, je dois dire que j'ai de nombreuses réserves sur le film.
    Rapidement, j'aime bien la première partie, Waltz m'a fait rire, la bande son réjouit l'amateur que je suis suis, il y a quelques clins d’œils bienvenus et une technique assurée sur plusieurs scènes.
    Mais passé le diner à la plantation de Candy, le film vire au n'importe quoi la fin étant carrément grotesque. Je détaillerais sur Inisfre, mais le sentiment c'est que Tarantino passé un moment oublie le film pour une sorte de défoulement qui lui a surement fait plaisir mais qui ne rime à rien. le "sommet", c'est le meurtre de la sœur de Candy, un plan qui va faire hurler Griffe, et pour le coup je serais d'accord avec lui.
    Je pense que le film a un gros problème de structure, de gestion du temps aussi, et que Tarantino a cru s'en sortir par ses "trucs" qui fonctionnent ici mal parce que le genre ne le supporte pas (Un western italien, sauf chez Leone, c'est une bonne heure de moins).
    En grand fan, je suis bien sûr déçu, et je pense que le cirque autour du film a sa part. Tant qu'à Ford, c'est Tarantino qui l'a mis sur le tapis.

  • David : Merci pour les précisions. La violence "cynique" chez Burton, dans "Dark Shadows" en tout cas, elle s'insère dans un projet humoristique, ouvertement second degré. Mais Tarantino, dans son "Django unchained" est très sérieux, malgré l'apparence "fun" qu'il donne à nouveau à son film.
    Quant à la fin, on peut effectivement l'interpréter comme tu le fais. Mais personnellement, je la trouve ridicule (la fille qui applaudit, Django qui fait valser son cheval etc...).

  • Timothée :
    Sur la parole : Effectivement, on peut être frappé par l'absence de duel (mais Django n'arrête pas de mettre la main au colt, dès que la tension monte, en un effet tout à fait répétitif et donnant l'impression d'un manque d'intelligence du personnage, purement impulsif). Bon il n'y a pas non plus de diligence ni d'indiens... Plus sérieusement, cette prise en charge par les dialogues, je la trouve bien faible. Le "duel parlé" entre les deux héros et Candy, c'est vraiment basique. Quant à l'étirement du temps par la parole "décalée", à l'œuvre dès l'introduction, on sait parfaitement comment ça fonctionne dorénavant surtout quand c'est Waltz qui s'en charge.
    Sur la construction : Bien sûr je ne condamne pas la linéarité elle-même mais le relâchement narratif qu'elle provoque, l'alternance sans intérêt de moments "forts" (pan pan !) et moments "faibles" (la tchatche). Et les quelques inserts, qui renvoient vers l'arrière ou projettent vers l'avant, n'arrangent pas la chose. Ils me semblent convenus ou inutiles. Tarantino les met là par réflexe.
    Pour ce qui est des rôles successifs, oui, on note ces changements. Mais ont-ils un réel enjeu narratif et éclairent-ils l'évolution du personnage et des relations qu'il entretient avec Schultz ou sa femme ? Je ne crois pas. Et il n'y a aucun vertige, ni suspense dans ce jeu de masques.
    Sur la violence : Elle n'est "jouissive" en effet "qu'une fois fois sur deux" : lorsque les bons s'y adonnent. L'autre violence est là pour marquer le spectateur, le révolter. Mais je ne suis pas sûr qu'elle travaille autant au niveau des personnages que tu le dis. Le flash de la mort de l'esclave qui vient à l'esprit de Schultz, il ne vient que pour justifier le refus de serrer la main. Je ne pense pas qu'il "obsède" tant que cela, on ne le sent pas en tout cas.

  • Briand : Mais on s'en fout de la note de 0 à 4. C'est un jeu, une indication sur un degré personnel de plaisir ou d'intérêt. C'est un blog ici, pas l'encyclopédie du cinéma. C'est donc rempli, j'en suis sûr, de jugements à vos yeux aberrants.
    Les écueils sur lesquels se fracasse à mon avis "Django unchained", c'est bien "volontairement" que j'en fais la liste. Même si ma note est peu développée, je me doutais bien que j'allais devoir préciser mon point de vue au fil des commentaires. Point de vue contestable certainement mais nullement "tordu" dans le but de "se faire" le film que tout le monde (ou presque) encense.
    Enfin, pour ce qui est de l'évolution de Tarantino... Vous appréciez sa "maturité" nouvelle, je regrette pour ma part, depuis "Kill Bill", qu'il "gonfle" son cinéma ainsi, qu'il l'alourdisse, qu'il prenne des "fonds historiques" de plus en plus sérieux.

  • Vincent : J'ai hâte de te lire.
    La gestion du temps, en effet, c'est l'un des gros problèmes, avec ces plages interminables, ces retardements artificiels.
    Quant au plan du meurtre de la sœur... Comment le justifier (y compris à partir du scénario, à partir du personnage tel qu'il nous a été montré jusque-là) sinon par la production d'une jouissance facile, par l'envie de faire marrer à peu de frais ?

  • Je ne vous ai jamais soupçonné de vouloir vous faire Tarantino. Mea culpa alors d'avoir interprété les notes de manière trop "scolaire".
    Cependant, j'ai un peu de mal à voir en quoi Django est plus "gonflé" que Pulp Fiction par exemple (m^me si ce dernier est supérieur je le reconnais). Je peux comprendre l'argument pour Kill Bill mais moins ici. Je parlais de maturité par sa volonté de ne plus être réduit à juste du cinéma "pop", sans pour autant se prendre au sérieux. C'est sûrement là la différence de perception, à aucun moment je ne vois la main lourde du "fonds historique" comme vous dites. L'esclavagisme sert avant tout de variation à une parabole chère à Tarantino: liberté et vengeance. Il n'y a au contraire aucune prétention historique, comme le montrait déjà la scène burlesque du cinéma devenu tombeau d'Hitler.

  • Je vous conseille aussi la critique des très bons "il a osé !" : http://ilaose.blogspot.com/2013/01/django-unchained.html
    Excellente critique aussi ici, ça fait plaisir de lire des choses différentes...

  • Matt, merci. Effectivement, nous allons dans le même sens avec mes camarades d'Il a osé !

    Briand : Justement, "Pulp fiction" est, des trois premiers Tarantino, celui que j'aime "un peu moins". Bon, même si c'est vrai (je le pensais dès l'époque de sa sortie), je vous l'accorde : répondre cela est tout à fait facile.
    Alors disons que "Pulp fiction", malgré sa prolifération narrative et ses contributions de stars, reste dans le petit monde du polar, ne cherche pas à nous éclairer sur un grave sujet à la lumière de la réflexion tarantinienne. C'est l'une des choses qui ne passe pas, pour moi, dans "Django unchained". Ca coinçait déjà pas mal dans "Unglourious..." mais il est vrai que cette tentative de refaire l'histoire n'était pas à prendre trop au sérieux. Mais cette fois-ci, il me semble qu'il y a quand même un côté donneur de leçon, un côté "vous voyez, moi, j'ose montrer les Noirs comme cela, en faire des (super-)héros".
    Je comprends cette histoire de "maturité" et je peux apprécier que certains se délestent avec le temps de leur goût pour le clin d'œil ou la rigolade, à la faveur d'œuvres plus sérieuses, mais je crois que Tarantino en fait trop avec ses méga-films depuis "Kill Bill" (je mets toujours à part "Blvd de la mort", que j'apprécie). Il les conçoit comme des "films ultimes" dans leur genre respectif mais les charge trop et les étire trop.
    Même si cela n'a pas beaucoup de sens de dire cela, je préfèrerai qu'il enchaîne les films plus modestes (dans tous les sens du terme), quitte à se planter de temps à autre, plutôt que de vouloir poser des grandes bornes tous les trois/quatre ans. Faisant cela, d'ailleurs, il serait plus en accord avec son amour des maîtres du cinéma de genre ou de la série B. Je ne pense pas qu'il soit fait pour les grands sujets, la grande forme (surtout en voyant maintenant comment il traite la question de la violence, celle de la vengeance...). D'autres sont mieux armés que lui sur ce plan-là.

  • Et Vincent dégaina à son tour :

    http://inisfree.hautetfort.com/archive/2013/01/24/tarantino-ma-non-troppo.html

  • Merci de m'avoir répondu encore une fois, je vais essayer d'arrêter de monopoliser le débat (surtout après avoir commencé en disant que tout avait déjà été dit...).
    Comme expliqué, pour moi l'Histoire ce n'est qu'un prétexte, je n'ai pas l'impression qu'il veuille nous éclairer particulièrement sur la période esclavagiste. Et puis le film n'est pas si manichéen si on considère que le salaud ultime c'est en fait Samuel L. Jackson.
    Après le seul vrai message que je vois et qui bizarrement est assez peu évoqué c'est moins l'opposition blanc/noir que celle USA/Europe: Tarantino présente à travers Schultz le vieux continent comme bien plus progressiste que son propre pays.

  • Permettez, Briand, que je fasse un sort à ces deux arguments.
    Pour le premier, il me semble qu'il vient de Tarantino lui-même. J'aurais nettement préféré qu'il nous dise avoir fait un western cool à l'italienne sans nous bassiner avec ces discours sur l'esclavagisme et combien il était "à son apogée". A plusieurs reprises, il a prétendu montrer enfin "la réalité". je veux bien mais ça ne colle pas avec le style de son film et c'est tout le problème.
    Tant qu'au manichéisme, le personnage de Jackson est d'un bloc et ça m'a frappé que nombre de noirs ne sont que des caricatures (un comble), une collection des clichés des images des noirs dans le cinéma US. Quand aux blancs, il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Il faut revoir "Le sergent noir" pour ce qui est d'une véritable complexité.

    Pour ce qui est de Schultz, je suis d'accord et c'est un élément que je prend comme un hommage aux films de Corbucci où il y avait toujours un peone frustre et un étranger européen (le suédois, le polack). Mais ici il n'y a pas d'évolution du personnage, il déteste les esclavagistes d'emblée. D'autre part, cela ne vous a pas choqué que pour un "progressiste", il ai un sens du meurtre de sang froid si développé ?
    J'ai vu beaucoup de westerns italiens avec un grand nombre de brutes et de truands, mais jamais l'équivalent du meurtre du fermier avec son fils.

  • Comme Vincent, je le trouve affreux ce personnage de Jackson, affreusement écrit, affreusement joué.
    C'est intéressant cette remarque, Briand, sur l'opposition USA/Europe. Elle m'avait échappé mais sans doute qu'elle doit être voulue par Tarantino. Malheureusement, le personnage de Schultz a des réactions si contradictoires, si peu compréhensibles parfois : d'un côté la référence aux Nibelungen, la capacité de développer disons un "discours politique" comme dans le saloon, le tressaillement devant la violence de Candy, et de l'autre la façon dont il flingue ceux qu'il recherche ou ceux qui se mettent en travers de sa route, la manière idiote dont il provoque sa perte dans le salon.
    Cela dit, ne vous reprochez pas de "monopoliser le débat". Et il me paraît tout à fait normal de répondre à vos commentaires afin de le nourrir. Cela me permet, de plus, de préciser ma pensée au fur et à mesure. Accessoirement, cela montre aussi que la discussion est ici toujours possible, contrairement à ce qu'avance plus haut garmonbozia qui, d'ailleurs, ne s'est pas manifesté depuis.

  • Des broutilles dans le désaccord mais au fond, je m'aligne sur ce que vous avancez. J'ai vraiment du mal décidément avec les westerns post-modernes. Chiche en humour (je suis moins sévère avec le personnage du docteur Schultz que vous cependant), chiche en émotion (à l'exception de la belle séquence devant la bibliothèque et de l'adieu au docteur), Django Unchained ne m'a guère convaincu. Le tragique de ce film, comme vous le montrez parfaitement, c'est l'absence d'enjeux (ce qui n'était pas le cas, je trouve, d'I.B). Toute cette colère du personnage de Candie (terriblement surjouée par Di Caprio) alors qu'au final, il fait une excellente opération financière, je ne vois vraiment pas l'intérêt. Et si, je suis moins sévère sur le personnage de Stephen (dont la composition de Mammy (GWTW) au masculin m'a fait sourire), je trouve le portrait de Bromhilda franchement très léger. La déception est à la hauteur de l'attente qui était immense.

  • Bien que moins sévère, Eric, vous pointez encore de nouvelles (et réelles) aberrations (la réaction de Candie) et insuffisances (le personnage de Bromhilda). Personnellement, mon attente n'était peut-être pas "immense" mais elle était certaine.

  • J'arrive un peu en retard mais je me range bien évidemment aux côtés de Timothée.
    Malgré ce que vous en dîtes, j'ai quand même l'impression que vous jugez le film à l'aune des déclarations du cinéaste (nous sommes d'accord, elles étaient particulièrement stupides) ou encore à l'aune du genre (le western italien). Bien sûr, il y a beaucoup de références à un genre chéri mais là ne me semble pas être l'enjeu principal du film (et encore moins le discours "social" sur l'esclavage qui ne fonctionne que comme stéréotype "inversé"). Ce qu'il y a de passionnant dans "Django" (comme dans "Inglorious basterds - deux films infiniment supérieurs aux premiers exercices de style du cinéaste), c'est qu'il est avant tout question de croyance en la fiction et dans le cinéma. Si le cinéma était au cœur du dispositif d'"Inglorious", c'est ici de "théâtre" (voir les entrées de scène outrées -derrière un rideau de fumée ou après les trois coups de théâtre frappés par Schultz)et de jeu dont il est question (Schultz conseille régulièrement à Django "d'entrer dans la peau de son personnage). L'hypothèse qu'avance Timothée sur les dialogues qui se substituent au duel est très juste et j'ai trouvé cette manière de réinvestir les ficelles du genre par les dialogues absolument réjouissante (d'autant plus que les dialogues sont très drôles et certaines scènes absolument hilarantes : Cf. Les bras cassés du KKK).
    Bref, on a sans doute fait trop de bruit autour de ce film et beaucoup l'aime, à mon avis, pour de mauvaises raisons (l'opposer au "western classique" est totalement stupide puisque le film ne fonctionne que grâce aux stéréotypes et à la caricature, à mille lieues de l’ambiguïté des grands films de Ford)mais c'est malgré tout un film passionnant et très riche...

  • Pour prolonger ma réponse sur Inisfree, je suis d'accord pour dire que ce qu'il y eu autour du film a parasité ma réception. Mais sur le western italien, c'est quand même une dimension importante et voulue telle par Tarantino. Outre les citations littérales et la très grande majorité de la bande son, il reprend aussi des principes de structure (le couple de héros européen/local défavorisé) et un certain nombre de scènes (les chiens qui dévorent l'esclave, les jeux sadiques de Candy qui renvoie à ceux du major de chez Corbucci). Mais admettons. Si on s'en tient aux films de QT, je peux mettre en avant que le dispositif "théâtre" est bien moins réussi que celui "cinéma" dans IB. Il n'y a rien dans l'exécution de la vengeance de Django qui utilise le théâtre alors que, de façon rigoureuse, le cinéma reste toujours le moteur des actions des personnages d'IB.
    Sur les duels de dialogues, outre que c'est quelque chose de classique dans le western, traditionnel ou pas, je les trouve tout simplement moins percutants que dans les films précédents (il suffit de rapprocher la géniale scène de la taverne de IB avec celle du repas chez Candy). Et puis on ne peut pas dire qu'ils se substituent aux duels puisque duels il y a.
    Le film a au moins l'intérêt de soulever des problèmes de cinéma intéressants, mais en ce qui me concerne, QT me doit une revanche.

  • Autant on peut voir le film, effectivement, sans tenir compte des déclarations, autant il me semble impossible de ne pas tenir compte du genre dans lequel il s'inscrit car Tarantino fait bien "son western italien", comme il a fait auparavant "son film de guerre" ou "son film de sabre". Il le revendique totalement même si,comme je l'ai déjà dit, c'est pour, à chaque fois, tenter de "dépasser" ou "surpasser".
    Et c'est la même chose pour l'esclavage, que j'ai du mal à voir traité, comme toi Doc, de manière inversée. Cela me semble d'ailleurs en contradiction avec la "croyance en la fiction". Retourner le gant sans montrer clairement à tous les spectateurs qu'on le fait, c'est à dire séparer ainsi son public entre ceux qui verront et qui ne seront pas dupes d'un côté, et ceux qui ne verront pas car étant trop limités pour comprendre mais qui prendront leur pied "bêtement" de l'autre côté, cela ne va pas avec cette croyance.

  • Je viens de voir le film et ce que vous dites des dialogues, qu'il "ne leur reste alors plus qu'à tourner inlassablement dans les bouches, à la grande auto-satisfaction de leur auteur", est très sensible.
    Non seulement Tarantino est politiquement et moralement immature, traite les êtres humains comme des figures, se sert de la cause de l'anti-esclavagisme pour filmer l'assassinat comme un orgasme, mais en plus ce film-là témoigne d'un affaiblissement net des capacités qui furent les siennes à "entraîner" le spectateur.
    Son talent consistait à faire exister des personnages en entretenant des suspenses inventifs et en les faisant parler de tout et rien... Tout ça est introuvable dans Django Unchained.
    Et dire que la critique dans son entier a soutenu son pire film ! On s'étonne que le cinéma baisse...

  • Oui, Griffe, nous sommes totalement d'accord sur les dialogues (j'en ai parlé un peu plus en détail dans le fil de commentaire sous la note de notre Dr Orlof) et j'ai du mal à comprendre pourquoi, au moins sur ce point, la critique n'a pas daigné émettre de réserve ni constater la moindre baisse de qualité.

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