Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Inglourious basterds

(Quentin Tarantino / Etats-Unis - Allemagne - France / 2009)

■■□□

ingloriousbasterds.jpgOui...

Oui, Tarantino est sans doute le seul grand cinéaste populaire capable de provoquer chez le public une excitation palpable lorsque le noir se fait dans la salle.

Oui, l'introduction d'Inglourious basterds est extraordinaire, imposant d'abord un léger recul par sa vision léonienne de la France occupée avant de se ré-approprier avec force la séquence, par un étirement du dialogue au-delà du raisonnable et par une caméra tournant dangereusement autour des protagonistes.

Oui, le texte est brillant et les jeux de langages sont d'autant plus savoureux qu'ils font entendre plusieurs langues et accents (français, allemand, américain, anglais, italien). Surtout, ce respect de l'idiome est moins un gage de réalisme qu'un élément moteur de la narration (cela dès l'ouverture du film avec le passage du français à l'anglais, diaboliquement justifié en fin de séquence).

Oui, la scène de l'échange en italien est l'une des choses les plus drôles vues et entendues cette année au cinéma.

Oui, Christoph Waltz a mérité son prix cannois pour son interprétation de ce terrible manipulateur nazi polyglotte, à l'élocution et au vocabulaire parfaits. Les meilleures scènes du film sont celles où il apparaît (ajoutons simplement celle du bistrot, où il est absent, et retranchons l'ultime séquence du sous-bois).

Oui, il est toujours intéressant de se retrouver dans une production hollywoodienne aussi arythmique, où les moments les plus saisissants sont de longues plages de dialogues.

Oui, Inglourious basterds transpire l'amour sincère du cinéma, ce qui peut donner lieu à des trouvailles sans pareil (la décision d'utiliser la pellicule nitrate pour l'incendie).

Mais...

Mais, le couple que forment Mélanie Laurent et Daniel Brühl, malgré la sympathie que chacun peut dégager par ailleurs, est bien pâlot et Brad Pitt, depuis Burn after reading, commence à prendre un peu trop goût à la caricature comique.

Mais, un effet de mise en scène pataud comme, lors de la deuxième rencontre entre Shosanna et Landa, le bref retour explicatif d'une image de la première, même utilisé sous couvert de second degré, reste un effet pataud.

Mais, si faire un film dont on pourrait sans dommage retirer ou ajouter des bobines, des personnages ou des intrigues, c'est prouver une liberté et une aisance, c'est aussi prendre le risque de la dilution du récit et du détachement du spectateur.

Mais, cette violence est souvent pénible en ce qu'elle pousse le spectateur à ricaner (ricaner de se voir choqué).

Mais, Tarantino conforte son public dans ses certitudes. Pendant tout le film, le Colonel Landa aura été en position de force dans ses confrontations, rendant leur dénouement inéluctable. Cette vérité, Tarantino la réfute brutalement dans sa dernière séquence, sans autre raison que de laisser chacun à sa place, du bon et du mauvais côté. Dans le cinéma, les nazis applaudissaient aux exploits guerriers du Héros de la nation. Au final, Tarantino demande à son spectateur de faire la même chose devant le geste vengeur de Brad Pitt.

Mais, quand on ne manque pas de tancer Paul Verhoeven ou Bryan Singer pour un trait de caractère trop épaissi ou une liberté romanesque avec l'Histoire, on passe tout à un Tarantino bien à l'abri derrière les paravents du post-modernisme cinéphile et du méta-film. Nul doute que lorsque quelqu'un l'interrogera plus tard sur ce qu'il pense des gamins persuadés qu'Hitler a été tué par un commando de juifs assoiffés de vengeance, il s'en sortira en répondant avec un large sourire : "Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende".

Commentaires

  • Avec Tarantino, on a toujours envie de dire "oui, mais". Peut-être parce qu'il fait parfois appel à des pulsions de jouissance dont on a parfois honte après coup. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas tout à fait la même lecture que toi sur ses libertés avec l'Histoire (peu de chances que l'on considère le film comme un "document"). Je suis en train d'écrire dessus... mais ce n'est pas commode évidemment...

  • Comme pour le Suleiman, je ne lis pas ta note et reviens lorsque j'ai vu les deux films (ça ne devrait pas trop tarder, si tout se passe bien...)

  • Joachim : J'en profite pour préciser que ce n'est pas le principe de liberté avec l'Histoire en lui-même qui me gêne, c'est bien la réception qui est faite de celle de Tarantino, acceptée sans sourciller, au nom du plaisir de la fiction (et parce que c'est lui), qui autoriserait à faire n'importe quoi. Personnellement, je ne vois pas trop l'intérêt, autre que celui du défoulement, de montrer des nazis terrorisés par juifs. Enfin, on ne risque pas de prendre le film pour un document mais on ne le prend pas non plus pour une rêverie ni un conte. A mon sens, mettre un carton "Il était une fois..." ne suffit pas.
    Sinon, pour mapart, je ne formulerai de "Oui mais" que pour Kill Bill (pas forcément pour les mêmes raisons) et, même si je me tais, j'y penserai très fort pour Pulp fiction. En revanche, j'aime les trois autres (presque) sans réserve.

    Doc : Dépêche-toi de voir tout ça, que l'on connaisse tes positions.

  • Pour le dernier Tarantino, il ne faut pas s'attendre à un chef-d'œuvre, à du génie. C'est une sorte de série Z avec les moyens des films de série A ; Tarantino se fait plaisir et réinvente l'Histoire en donnant au cinéma, à l'imaginaire, une force illimitée. Il y a dans la caricature, son côté enfantin, sale gosse, de grandes limites, d'autant plus que la mise en scène ne dépasse jamais vraiment le cadre de ce projet légèrement iconoclaste (deux scènes - le bistrot et le final au cinéma - sur 2h30 c'est assez peu). Je n'ai pas boudé mon plaisir, car je ne m'attendais pas à du grandiose (Tarantino écume les genres, après le polar, le wu-xia-pian, il est plus ou moins sur sa lancée série Z qui est souvent défoulatoire, jubilatoire, créative, mais rarement quand il y a de gros moyens - je suis sûr qu'il s'en tirerait mieux avec deux bouts de ficelle, à cet égard Boulevard de la mort est bien meilleur). Au palmares, nul doute que Inglorious Basterds ne figurera pas dans le top 10 de 2009.

  • Je ne sais pourquoi mais je n'ai pas lu de référence à To be or not to be, qui déjà réinvente l'histoire, caricature, verse dans le burlesque, mais avec quel talent ! La lubitsch touch fait merveille là où la Tarantino's touch échoue gentiment...

  • Ah, Julien, je partage entièrement cette opinion. Les meilleurs Tarantino sont les plus économes. Dans Kill Bill et Inglourious, sa volonté de faire de la série Z alors qu'il a les moyens financiers et les capacités artistiques de faire tout autre chose me laisse insatisfait malgré des bouffées de plaisir indéniables.
    Quant à la comparaison avec "To be or not to be", Tarantino a la sagesse d'effleurer seulement le chef d'oeuvre de Lubitsch, en en reprenant le décorum et certaines postures. Je trouve qu'il ne s'en sort pas mal, même si cette partie m'a un peu déçu, dans le sens où Tarantino semble tout d'abord faire converger tous les personnages et promettre un ballet final irrésistible pour finalement les éparpiller et compartimenter les actions au lieu de les entremêler.

  • C'est étrange parce que je trouve que les deux films que vous critiquez, toi et Julien, sont les meilleurs de Tarantino (avec "Jackie Brown" que j'aime beaucoup). Je suis d'accord avec tous les griefs que tu cites, mais pour des films comme "Reservoir dogs", "pulp fiction" ou le totalement gratuit et vain "boulevard de la mort".
    Il me semble qu'avec "Kill Bill" et ce "Inglorious basterds", Tarantino parvient à faire de ses références le véritable carburant d'une fiction à laquelle il parvient à donner une âme, malgré le côté totalement foutraque et délibérément "anti-historique". Je trouve que Tarantino ne cherche pas à faire jouir le spectateur en "cassant du nazi" et qu'il évite assez bien tout le côté larmoyant que pourrait avoir cette histoire de vengeance (désolé de remettre de l'huile sur le feu, mais Tarantino s'avère beaucoup moins manipulateur qu'Eastwood, si, si :))
    Si ce film est très référentiel, cela n'interfère par dans le plaisir au premier degré qu'on peut prendre à le regarder (toujours comme "kill bill") et je trouve que l'idée que l'amour du cinéma peut parvenir à modifier le cours de l'histoire assez magnifique.
    Pour moi, désolé Julien, "Inglorious basterds" fait partie des très bons films de 2009 (qui sont très rares)

  • Ah ben dis donc, plus ça va et moins on tombe d'accord sur le cinéma et les films mon cher Pierrot ! Je vais t'apprendre une nouvelle détonante : il m'arrive d'aller au Pathé mater du film, parce qu'A. a une carte ciné et qu'à Grenoble ils passent systématiquement de la vost. Eh ben pas d'bol mais je te raconte pas la poilade des spectateurs à chaque fois que les nazis se font casser par les Basterds. Ceux-là même qui se marrent comme des bêtes en regardant la bande-annonce de Lucky-Luke (juste parce qu'il y a Dujardin, incroyable).

    En ce qui concerne 2009, tu as du louper quelques films : Tokyo Sonata - magnifique - et Idiots and Angels - très poétique - par exemple. Mais je n'aurais aucun mal à faire mon classement, contrairement à 2008.

    Allez, je termine sur notre seul point d'accord : l'idée selon laquelle l'art peut modifier le monde, le rendre plus conforme à nos désirs, est une idée magnifique. Evidemment Tarantino n'invente rien (André Bazin : "le cinéma substitue à notre regard un monde plus conforme à nos désirs), mais il met en pratique et il y croit !

    En comparaison, le gratuit et vain, Boulevard de la Mort me semble bien plus cinématographique, jouissif et expéditif que ce Inglorious Basterds, bien pâlot et surtout extrêmement inégal.

  • Doc, nous aurons décidément une liste finale pour 2009 bien différente...
    Tout d'abord, ce qui est amusant, c'est que toutes les défenses de Tarantino commencent par "Pour une fois, les références sont remarquablement digérées et le jeu se transforme en véritable plaisir du récit" (je ne te le reproche pas, j'avais dis la même chose pour "Boulevard de la mort" il y a deux ans). Donc, je veux bien te passer cela, voire même le plaisir de faire de "l'anti-histoire" (bien que je trouve la façon de faire assez balourde).
    En revanche, je suis désolé, mais Tarantino cherche (et parvient, car les réactions dans la salle où je l'ai vu ont été les mêmes que dans celle de Julien) constamment à nous mettre dans sa poche lorsqu'il casse du nazi. Ce n'est certes pas manipulateur, c'est simplement primaire. Primaire mais "protégé" par le statut de "sur-cinéphile" qu'a Tarantino. Facile donc de dire : "Oui, c'est un effet facile, basique, mais attendez, c'est tout de même une réflexion sur le cinéma..."

    "Boulevard de la mort" était particulièrement stimulant en termes de récit (ce deuxième volet qui répondait au premier et cette "pliure" magistrale) et plus réfléchi quand au sujet de la "vengeance". Et il n'y avait pas ce déséquilibre entre un acteur génial et les autres (franchement, Mélanie Laurent et son employé, Diane Kruger, Daniel Bruhl, ça n'est pas très vibrant tout ça...).

    (Tout cela en gardant à l'esprit que j'aime, disons une bonne moitié du film)

  • Nous voilà sur la même longueur d'ondes nous par contre, mon cher Ed, et ta réponse est en correspondance avec le commentaire que j'ai laissé chez le Doc. Et, malgré les critiques, je suis comme toi : j'ai tout de même passé un bon moment (qui ne m'a pas empêché de voir les faiblesses du film) !

  • Au-delà d'"Inglourious", je crois bien, Julien, qu'à un petit bémol près (si je reconnais que "Pulp fiction" est le film le plus important de Tarantino, je lui ai toujours préféré "Reservoir dogs" et "Jackie Brown"), c'est notre approche et notre jugement d'ensemble sur toute l'oeuvre de QT qui se rejoignent parfaitement.

  • Et bien, ça tire pire que dans la scène de la taverne ! Deux trois points sur lesquels je ne suis pas vraiment d'accord :
    La notion de série Z me semble relativement hors sujet, même si Tarantino entretien la confusion et que nombre de commentateurs suivent le mouvement. Les films qui inspirent ce dernier opus sont généralement des séries A, que ce soient les citations directes (Alamo, Leone, Ford...) ou les films matrices comme "Quand les aigles attaquent", "De l'or pour les braves" ou "Les douze salopards", en passant par les citations cinéphiles, de Pabst au cinéma français sous l'occupation. Et tout le cinéma italien, l'utilisation des musiques de Tessari, la référence au Castellari, l'esprit de Corbucci, c'est du cinéma de genre qui n'est pas un cinéma Z, petits budgets parfois mais pas toujours. Un véritable film de guerre Z, c'est "Les chiens verts du désert" de Lenzi, et ça...
    On pourrait poursuivre l'analogie avec les autres films de Tarantino, les films de la Shaw Brothers, ce sont des superproductions à Hong-Kong. Contrairement à ce que l'on laisse entendre, et qui voudrait faire passer Tarantino uniquement pour un adepte de la sous-culture, je crois qu'il a un spectre beaucoup plus large (voir ses entretiens avec Tavernier) et une cinéphilie qui n'a de bornes que son plaisir. C'est la même chose que ceux qui défendirent en leur temps Fisher, Cottafavi, Boetticher ou Bava.
    Cela m'amène au seul point de désaccord avec le Doc, la notion de jouissance. Je crois que ce cinéma est indissociable de l'idée de jouissance. Dans tous les films dont on parle, il y a cette jouissance de l'action, de l'exploit physique, qui passe aussi par le décanillage de l'ennemi, d'autant plus jouissif que ce sont des hordes militaires symbolisant une certaine idée du mal. C'est ce que Tepepa appelle avec humour le syndrome de l'armée mexicaine mitraillée dans les westerns italiens. La scène du pont dans " La révolution" par exemple. Je ne porte pas de jugement moral là-dessus, d'autant qu'il y a la manière, mais je sais et j'accepte cette part de plaisir qui, à l'analyse, est peut être malsain. mais voilà, il y a quelque chose de défoulatoire au plan assez hallucinant quand on y pense de Hitler déchiré par une rafale de mitraillette (encore cette réminiscence de la mort du colonel Reza à la fin du film de Leone).
    Sur la notion d'histoire, dont parle Ed, je ne suis pas d'accord non plus dans la mesure ou, de la même manière, aucun des films dont nous parlons n'a jamais la prétention de parler d'Histoire. Et je me méfie comme la peste de ceux qui ont cette prétention, comme les fameuses surproductions type "Le jour le plus long" ou "Paris brûle-t'il" qui nous abreuvent de "vraisemblance" mais sont truffés d'erreur. On peut se souvenir aussi du fameux déraillement de train de "Lucie Aubrac" qui n'a existé que dans l'esprit de Berri. Il y a bien quelques films qui ont tenu l'équilibre chez Aldrich, Fuller, Spielberg, Walsh, Ford, Wajda ou Melville mais c'est autre chose. Par ailleurs, comme je l'ai dit chez le Doc, je viens de finir un bouquin de Beevor, un gros pavé d'historien sur la bataille de Normandie, et je me rends compte qu'au sein de la fantaisie, il y a des détails tout à fait justes.
    Pour en revenir à la citation fordienne d'Ed, c'est juste mais il ne faut pas oublier que, justement, Ford montre les deux versions (comme dans "Fort Apache") et les images ont le même poids de réel. C'est au spectateur de faire le reste du travail. On ne peut pas se fier aux réactions de ceux qui ne feront pas ce travail. Ils ne le feront pas de toutes façons. Ce n'est pas parce que des gens s'endorment à un film de Bergman que Bergman doit être considéré comme soporifique.

  • Si je veux bien concéder que le petit ami de Mélanie Laurent est plutôt terne, j'ai trouvé Diane Kruger admirable dans son rôle à la Marlène. Julien, je m'étonne d'ailleurs que tu ne te sois pas réjouis d'apercevoir ta chère Léa Seydoux :)
    J'aime beaucoup la dernière phrase de Vincent et je sais que cette histoire de "jouissance" est assez difficile à définir. Pour moi, c'est évident que les vengeances chez Tarantino ne font pas appel aux mêmes instincts malsains que je ressens chez Schumacher, Robert Enrico dans "le vieux fusil" ou Boisset dans "Dupont Lajoie". C'est certainement dû à la distance introduite par la mise en scène mais Ed va me dire que c'est une défense trop facile. Qui pourra expliquer plus clairement ce sentiment?

  • Vincent : J'ai repris dans mon commentaire trop paresseusement le terme de "série Z" lancé par Julien. Tarantino n'est bien sûr pas réductible à la sous-culture, mais il milite pour une cinéphilie "horizontale", qui exploserait les limites entre les genres et les sous-genres. Au risque de paraître rigide avec mes hiérarchies à la con, je continue de penser que "La rage du tigre" ça ne vaut pas "En quatrième vitesse". Quand Tarantino part de là pour faire ses films, le risque qu'il court est d'en répercuter l'inégalité de la mise en scène et le manque d'épaisseur des personnages (en même temps, soyons juste, qu'un certain plaisir).
    Si le dernier paragraphe de ma note laisse penser que je prône un cinéma d'historien, c'est une maladresse. Ce qui me gêne, c'est que l'audace dont fait preuve Tarantino n'est pas discutée, alors que d'habitude, le moindre film sur le sujet l'est sous toutes les coutures. Le plan d'Hitler dont tu parles, je ne le trouve pas hallucinant comme toi car il n'entraîne aucune réflexion. On se dit juste "Ah ouais, il le fait...". Cette tentation de l'uchronie, Bryan Singer l'a eue avec "Walkyrie" et l'a intégré de façon bien plus subtile dans son récit (voir ma note de l'époque).
    Ce que je reproche donc à Tarantino sur ce point précis, c'est, contrairement à Ford, de s'être contenté d'une seule version.

    Doc : Il est vrai qu'il y a une différence avec les cinéastes que tu cites, qui bousculent émotionnellement le spectateur afin de légitimer la vengeance. C'est beaucoup moins malsain dans "Inglourious", avec cet aspect "ludique", "énorme". Mais, moi qui pense être capable de faire le "travail" dont parle Vincent, je ressens tout de même un picotement désagréable devant cette violence du clin d'oeil.

  • Doc : allez, Diane Kruger, très très loin derrière Waltz, est potable. Mais Léa Seydoux, deux déceptions : le blond lui va tellement mal et elle ne tient que 15 secondes devant la caméra (lors d'une des séquences les plus réussies tout de même).

    Vincent : tu as entièrement raison. J'ai écrit "une sorte de série Z", mais j'aurais surtout du parler de l'esprit de la série Z avec les moyens de la série A. Et tu as encore raison : les films de la Shaw Brothers étaient le top du top, le nec du nec, de la série A de Honk-Kong.

    Ed : ah, un petit désaccord sur l'œuvre de QT : j'adore Jackie Brown, mais Reservoir Dogs non, celui-là je ne l'aime pas du tout. Il faudrait que je le revoie mais il m'a semblé représenter ce que le Doc appelle un "pur exercice de style" et, dans ce film, je ne sais pas pourquoi, la violence m'a vraiment gênée.

  • Les hiérarchies, c'est vrai que j'ai fini par faire un peu comme Tarantino. Mais rien de "con" ni de "rigide" là-dedans. Je suis moi-même complètement inflexible sur Ford :)
    Je crois qu'après, il y a un parcours cinéphile personnel qui fait que l'on réajuste. Et peut être par réaction, on a tendance à renverser les choses. C'est après-tout, ce qu'on fait les hitchcocko-hawksiens en leur temps. Personnellement, je pense aujourd'hui que Chang Cheh vaut bien Aldrich et je n'appellerais pas ça du nivellement, mais un ajustement par rapport à des pans entiers du cinéma que j'ignorais complètement il y a vingt ans. Il est normal que ça bouscule ce que j'avais acquis à une époque mais en même temps je trouve cela stimulant et très vivant et je crois que c'est ça aussi le moteur du cinéma de Tarantino.
    Sur le fait que ce soit discuté, je trouve quand même les débats vifs. Je te conseille le texte du blog "Eloge de l'amour", un sommet dans son genre, il faudrait l'encadrer.
    Sur l'Histoire, je t'ai bien compris je crois. Le cinéma, pour moi, n'a rien à voir avec les faits historiques, si ce n'est éventuellement provoquer une réflexion sur eux. Que savons nous de l'histoire du Passage du Nord-Ouest après le film de Vidor ? Est-ce que c'est important ?
    Pour moi, le fameux plan de Hitler mitraillé, c'est autant la visualisation d'un fantasme de vengeance que le jeu intellectuel de "Manhunt" de Lang (et si Pidgeon tirait ?) et qu'une question sur cette image : Et alors ? Il y a quelque chose de la scène ou l'enfant tire sur le portrait d'Hitler à la fin de "requiem pour un massacre". Une image du mal à terre et la question de savoir ce qu'il y avait dedans. Je ne suis peut être pas très clair, mais ce n'est pas juste un plan. Et je suis peut être trop optimiste, mais j'ai du mal à croire que l'on ne sache pas comment est mort Hitler. Donc, Tarantino superpose la version "légende" à notre connaissance de la version "fait". Un peu tordu mais bien dans le style du personnage.

  • Rhooo Julien, tu me fous tout par terre, là, avec ta remarque sur Reservoir dogs... :-)

    Vincent : Pour les hiérarchies, tu as raison, avec le temps, ça s'ajuste (mais ça ne se nivelle pas). La vie étant trop courte, avant je pensais : mieux vaut plutôt voir dix Aldrich et aucun Chang Cheh. Mais j'ai un peu changé d'avis. Aujourd'hui, je dirai, non pas cinq et cinq, mais huit et deux (deux pour ne pas rester sur mon scepticisme devant "La rage du tigre").
    Plus sérieusement, je connais le texte dont tu parles. On ne peut pas dire qu'il pousse vraiment à la discussion (et puis s'appuyer encore et toujours sur le travelling de "Kapo", pfff...).
    Sur l'histoire : On ne sait rien du passage du Nord Ouest après le film de Vidor car... il n'a pas tourné le deuxième volet initialement prévu, qui traîtait précisément du périple. :-) Effectivement, le film historique ne nous dit pas ce qui a été, il nous fait voyager quelque part entre la réalité d'une époque et l'imaginaire qui y est rattaché, le curseur se déplaçant selon la personnalité du cinéaste.
    Beaux rapprochements que tu fais avec le Klimov et le Lang, mais avec des effets sur le spectateur bien plus complexes dans les deux cas que dans le Tarantino. La séquence du Klimov est vertigineuse, extrèmement forte esthétiquement et émotionnellement. Celle de Lang, l'un de ses intérêts est de se situer au début du film, planant ainsi sur tout le reste (et Pigeon, lui, n'appuie pas sur la gachette, ce qui est bien normal : s'il le fait, c'est comme pour les chevaux de la diligence de "La chevauchée fantastique", le film s'arrête :-)). Bref, chez Tarantino, ça se limite au défoulement.

  • Si j'en crois les critiques de nos amis cinéphiles sur la blogosphère et les commentaires, nous sommes les deux seuls à garder la tête froide devant ce petit film sympathique, défoulatoire, mais légèrement raté et surtout trop inégal de bout en bout pour valoir plus que la mention "honorable mais peut faire (beaucoup) mieux" !

    Je reverrai Reservoir Dogs un jour, promis ! ;o)

  • Pour la sortie en dvd, j'espère que le distributeur aura l'honnêteté de placer au dos du boitier, en dessous de toutes les critiques 4 étoiles : "Honorable mais peut faire beaucoup mieux" Julien & Ed

  • Par rapport au film de Vidor, ce que je voulais dire aussi c'est que ce film comme beaucoup de films qui puisent dans l'histoire, sont aussi là pour parler de leur temps. Tarantino, comme Leone (je rabâche, je sais) parlent de cinéma et rien que de cinéma (ce qui les limite éventuellement par rapport à Klimov, je suis d'accord, qui parle aussi de sa propre expérience et de son pays). Une façon de voir le Tarantino, c'est la confrontation entre le Cinéma (Les mythes du cinéma de guerre mais aussi ses gens : acteurs, réalisateurs, monteurs, exploitants, critiques, projectionnistes...) et l'Histoire. c'est pour cela que j'y vois beaucoup plus qu'un simple défoulement.
    Après tout, dans le Klimov, on pourrait prendre au premier degré le mitraillage des prisonniers allemands et n'y voir qu'un défoulement. Question de sensibilité.
    Sur Lang, c'est juste. C'est Chaplin, bien plus gonflé, qui "élimine" Hynkel alors que le modèle était encore bien vivant. Je pensais aussi dans le genre au film de Lewis, "Ya, ya mon général" qui va assez loin dans le genre aussi.
    Et pour les fans du "travelling de Kapo", c'était ironique, bien sûr. C'est du grand n'importe quoi. mais c'est histoire de dire que le film provoque des réactions plus contrastées que Julien et toi ne semblez le penser. Et c'est pas plus mal.

  • Vincent, je suis d'accord avec toi sur la séquence de "Requiem..." dans laquelle les soldats allemands sont mitraillés. Là, Klimov ne prend pas de recul, contrairement à la suivante (le portrait d'Hitler).
    Chaplin, c'est évidemment le plus incroyable, compte tenu du contexte. Sur le Lewis (découvert il y a plusieurs années), je ne pourrai guère prolonger la réflexion, j'avais trouvé ça assez affligeant.
    Enfin, j'avais bien saisi l'ironie dans ta recommandation. J'en profite pour signaler (sans ironie) une autre critique, en partie défavorable à "Inglorious", chez Marivaudage (voir mes liens).

  • Vincent, pitié, comment peux-tu comparer le Klimov et le QT ? Je pense que personne ne peut prendre le fusillage des allemands comme un allemand, d'ailleurs bien peu de personnes normalement constituées sont capables d'aller au bout de cette expérience éprouvante. Le Klimov, pour moi, c'est le meilleur film sur la guerre jamais réalisé, il n'a pas d'équivalent, pas de comparaison, il est seul et unique à faire ressentir l'atrocité avec autant d'acuité et de cinégénie (l'utilisation de la bande-son pour ne parler que d'elle).

    Et j'avoue que je n'ai lu aucune réaction contrastée au QT, mais je suis preneur que ce soit dans la presse ou ailleurs. Selon moi Inglorious ne mérite ni les louanges ni les gémonies. On passe un bon moment (moi aussi je rabâche), le film est très correct, mais vraiment trop brouillon, trop imparfait et trop inégal pour qu'il soit plus que correct.

    Ed : je ne doute pas que nos avis éminents soient repris par tous les spécialistes ou commerciaux de la profession ;o)

  • Mais qu'est-ce que j'écris Dedieu !?!? "au premier degré" !!!

    Le Klimov est un film subjectif en grande partie, cette fusillade peut être considérée comme une catharsis pour son jeune belligérant, mais absolument pas comme un acte gratuit, défoulatoire et sans recul ! (Bon, je suis HS, je vais pas plus loin sur le Klimov je vais encore réagir avec trop de passion.)

  • Aussi HS que toi, Julien, je me contenterai, afin de ne pas ouvrir un nouveau front qui redistribuerait encore les cartes, de te renvoyer à ma note sur "Requiem" (voir l'index des films). Cela m'évitera de me répéter sur ce film très complexe.

  • Vu hier soir...

    Difficile d'entrer dans les détails, alors une phrase "qui tue" pour les futurs éditeurs du DVD :-]

    "Du (très) grand cinéma impur !"

    ...même si tout ce côté-là m'agace un peu (beaucoup).

  • Un autre gros Mais : il essaye un peu trop de faire du tarentino

    Pis un dernier pour la route : Pourquoi 2h30 ??

  • yoye2000 : Je dirai que c'est bien normal qu'il fasse du Tarantino, puisqu'il cherche toujours la connivence du spectateur.
    Et oui, pourquoi 2h30, alors que ses influences de série Z, euh B, euh A', euh "les genres les moins nobles", sont plutôt ramassées (bon d'accord, pas Leone).
    Merci de la visite. Votre blog a l'air intéressant et votre playlist deezerienne me plaît.

  • On pourrait écrire de QT : élève brillant mais demeure trop sur ses acquis ! Il faut savoir parfois lâcher le flingue et se mettre à creuser... :)
    Je suis tout à fait d'accord sur l'intérêt nul et non avenu de l'histoire romantique Mélanie/Daniel (bon sang, cette scène au café qui n'en finit pas !!!) et sur quelques autres détails.
    Je t'ai donc trouvé fort circonspect sur ce nouvel opus, et c'est ce que j'ai écrit dans ma revue de blogs, tu ne m'en voudras pas... :o)

  • Pas de problème Frederique, circonspect, ça va très bien.
    Tarantino a l'air de t'avoir inspiré. J'irai lire tout ça à tête reposée...
    Même picotement ressenti dans les jambes au cours de la scène des retrouvailles au café ("Allez, c'est bon Quentin, abrège...").

Les commentaires sont fermés.