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Burn after reading

(Joel et Ethan Coen / Etats-Unis / 2008)

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burnafterreading.jpgAprès le très noir No country for old men, les Coen retrouvent (a priori) le sourire avec ce Burn after reading qui reprend le thème connu de l'emballement absurde d'une situation à partir d'un infime raté (ici la perte d'un cd de données personnelles appartenant à un agent de la CIA démissionaire) pour mieux ausculter la bêtise humaine. A la linéarité du précédent, succède une narration trouée et dressant un écheveau relativement complexe qui retient l'attention. Sous nos yeux s'agite une belle confrérie d'abrutis, interprétés par un trio de stars (Pitt, Clooney, Malkovich) et deux actrices pétulantes (Tilda Swinton et l'inévitable Frances McDormand). Sans offrir un résultat à tomber par terre, cette belle brochette de cabotins assure le spectacle de façon très plaisante. Sur un rythme assez bizarre (un moteur qui tourne, mais déréglé ?) et, plus étonnant, sans véritable atout plastique, le film passe, agréable mais laissant jaillir une pointe de déception.

A moins que... nous commencions par la fin.

Avant-dernière séquence : Coxx (Malkovich) laisse éclater toute sa haine, éructant contre ce qu'il appelle "le complot des crétins" et ne pensant pas seulement, à ce moment-là, aux quelques imbéciles essayant de lui extorquer quelques milliers de dollars mais plus largement, à tous ceux qui lui ont pourri sa vie depuis le début. L'évidence nous frappe alors. Coxx, homme par ailleurs peu aimable, est le seul être lucide de ce monde déjanté. Les insultes qu'il finissait par balancer immanquablement à chacun de ses interlocuteurs n'étaient donc pas dénuées de sens. Et contrairement à tous les autres, affligés par une paranoïa ridicule, lui est bel et bien écrasé par la bêtise ambiante. Point d'orgue d'une exaspération fort bien dosée par les auteurs, son "discours" final, aussi monstrueux soit-il, nous le montre terriblement humain.

Dernière séquence : Deux hauts responsables de la CIA tirent les conclusions de l'affaire au cours d'un dialogue d'anthologie. A la fois dépassés et satisfaits, ils en viennent à reconnaître qu'ils n'ont rien appris, sinon à ne pas renouveler leurs erreurs (et nous pouvons être sûr du contraire). L'absurdité de la situation est aussi drôle qu'inquiétante. Le monde est décidemment insaisissable (No country... faisait le même constat), d'ailleurs, il n'y a qu'à voir la brutalité avec laquelle peut disparaître un protagoniste, même le plus "cool".

Peu de films donnent ainsi dans leurs derniers moments l'envie de les reprendre au début, non pour éclaircir leur déroulement mais pour les refaire défiler en étant dans un autre état d'esprit. Sous les airs de la comédie farfelue, il y aurait bien du désespoir. Certains reprochent aux Coen de se vautrer dans le cynisme. Je vois plutôt chez eux une évolution pessimiste, une volonté de dénonciation de plus en plus virulente qui les pousse à ne laisser quasiment plus aucune chance à leurs personnages. Joel et Ethan continuent d'alterner grands films et oeuvres mineures mais suffisamment étranges et/ou délectables. Continuons à croire en eux...

Commentaires

  • Laissons quelques années à ce film, quelque chose me dit qu'il peut devenir un classique de la comédie (le genre de film qui passe une fois par an à la télévision et qui fait encore plus rire à chaque passage). Ça faisait quand même longtemps que les frères Cohen ne m'avaient plus fait rire comme ça (depuis the big lebowski) !

  • Alors là, je ne vous suis pas du tout. "The big Lebowski" avait beau être peuplé de losers, le regard porté sur eux était rempli de tendresse et d'humanité... et les personnages gagnaient une grande dignité au cours de leurs aventures. (A mon avis, la "volonté de dénonciation" était déjà là, dans cette suprématie du cool et de la glande magnifique). Ici, je ne vois qu'une creuse et pathétique ronde de pantins qui me conforte rétrospectivement dans mes réserves sur "No country for old men" (qui, si on pousse le bouchon, n'est qu'une course à l'échalote où ne subsiste aucun affect à part la bêtise et aucune motivation à part l'appât du gain). Et puis, dans la dernière séquence, certes bien dialoguée, je ne vois qu'une défense habile des cinéastes, qu'une façon de botter en touche, presque une excuse d'avoir commis un film sans enjeu, à part celui de manipuler bien égoïstement des petites figurines aussi stupides que des pions. Forget after seeing plutôt que burn after reading, un vrai film jetable, quoi...

  • Je ne suis pas sûr pour ma part, Julien, que le film reste ainsi dans les mémoires. Je n'ai pas excessivement ri devant "Burn after reading" et honnêtement, je suis incapable de retenir précisément l'une ou l'autre des répliques entendues (qui sont tout de même, me semble-t-il, essentiellement basée sur une vulgarité pas désagréable mais relativement facile).
    Alors peut-être est-ce ce manque que j'ai ressenti qui m'a fait me raccrocher ainsi aux deux dernières séquences. Peut-être ai-je voulu m'en servir pour compenser rétrospectivement...
    Sans partager réellement la sévérité de Joachim, je comprends que l'on puisse voir dans le dernier dialogue une manière d'élever un peu artificiellement le vide qui précède.
    Je n'entre pas dans le débat de la comparaison avec "Lebowski" puisque je ne l'ai pas revu depuis dix ans, mais le "dessèchement" des personnages à l'oeuvre dans les deux derniers opus, ne me gêne pas spécialement. Et j'insiste : celui de Malkovich me semble échapper à la règle.

  • Non, il ne restera pas forcément dans les mémoires, je dis qu'il peut gagner en popularité au fil des ans. Effectivement l'humour de ce film n'est pas à placer dans les répliques mais dans les situations. Je l'ai vu deux fois au ciné et j'ai encore plus ri la seconde... Par contre, vos deux analyse de la séquence finale me semblent un peu capilotractées, je n'y vois rien de plus que la confirmation de la vacuité totale du sujet du film : une comédie sur rien, des situations loufoques et des personnages ridicules.

  • Vous faîtes bien de préciser. Oui, peut-être que le film gagnera à être revu au fil des ans (ce qui, effectivement, n'est pas exactement la même chose que "rester dans les mémoires").
    D'accord également sur le fait que les situations (et les corps, les postures, les mimiques) sont plus fortes que les dialogues.
    Enfin, je reconnais mon pliage de cheveux en quatre quant aux dernières séquences. Mais, je le répète, c'était aussi une manière de resister à une trop grande déception.

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