En octobre dernier, j'avais proposé ici-même un questionnaire permettant à chacun de dévoiler en toute impudeur ses goûts (et dégoûts) cinéphiliques, des plus affirmés aux moins avouables. En tentant de regrouper les réponses, j'ai été agréablement surpris par le nombre de personnes s'étant prises au jeu. La majorité des listes se retrouvent sur mon billet du 1er octobre, en détail ou en lien. Les autres, vous y avez accès en grande partie chez Neil, où de nombreux commentateurs ont laissé leurs choix. J'ai dénombré à ce jour une bonne vingtaine de listes. C'était assez pour m'amuser à faire un premier bilan.
1. Plaisir inavouable : Nous nous garderons bien de faire des commentaires sur la question la plus personnelle du lot. Une seul film est cité deux fois : Pretty woman. On trouve globalement trois types de réponses : celles étant certainement liées à des souvenirs d'enfance (Sissi Impératrice, Peur sur la ville, La grande vadrouille...), celles mettant en avant des genres mal-aimés (films d'horreurs ou de guerre), voire des sous-genres (les films de catcheurs chers à Norman Bates), enfin, celles faisant appel au cinéma érotique ou pornographique.
2. Classique ennuyeux : Quelques noms de cinéastes sortent deux fois, mais pas pour les mêmes films : Carné, Bergman, Tarkovski, Visconti, Ford et Kurosawa. Seuls Welles pour Citizen Kaneet Antonioni pour Blow up ont l'honneur de regrouper deux choix sur une de leurs oeuvres. Ils devraient cependant s'en remettre.
3. Adoré à l'adolescence puis abandonné : Nous n'avons que des réponses uniques. Deux films de Bertand Blier sont cités (Merci la vie et Buffet froid). Même chose pour Brian DePalma (Pulsions, Scarface) et pour Alan Parker (Angel heart et The Wall), ce dont on est guère étonné.
4. Chef d'oeuvre méconnu : Cette notion elle-même n'invite pas à trouver des réponses identiques. Difficile également de savoir si un film est réellement méconnu ou pas. Huston et Fassbinder placent deux titres chacun (Fat City, Gens de Dublin, L'année des 13 lunes, Lili Marlene). Seul Wandade Barbara Loden est cité deux fois. Oeuvre singulière et unique réalisation de l'actrice-cinéaste, elle est bien à sa place.
5. Navet génial : Chacun a une idée différente de ce que peut être un navet génial. Cela va du mauvais film fauché mais jubilatoire (Plan 9 from outer space, Turkish star wars) à la grosse machine hollywoodienne (La passion du Christ) ou au délire de grand cinéaste (Zardoz). Le 6e continentde Kevin Connor et Femme fatalede DePalma sont cités deux fois. Deux propositions font réfléchir : Ludovic lance Sailor et Lulaet Armel von R. le cycle Doisnel de Truffaut.
6. Film détestable : Un bon nombre de participants se rejoignent dans la détestation de quelques valeurs sûres qui l'ont, pour la plupart, bien cherché. Irréversible et Le vieux fusil sortent grands vainqueurs avec 3 voix chacun, devant C'est arrivé près de chez vous et Rois et reine. Des prix pour l'ensemble de leur oeuvre peuvent être également décernés à Jan Kounen, Luc Besson, Joel Schumacher et Michael Haneke, tous cités au moins deux fois.
7. Pleurer à chaque fois : L'incompris(Comencini), Tout sur ma mère(Almodovar) et Sur la route de Madison(Eastwood) sont les seuls titres à être proposés deux fois. Donnons la palme à Eastwood qui place aussi Un monde parfait. Dirty Harry fait donc aussi pleurer...
8. Mourir de rire à chaque fois : L'impossible Mr Bébéde Hawks et La cité de la peur(chut !, on a dit qu'on ne jugeait pas !), sortent deux fois. Parmi les auteurs, Woody Allen, les Marx Brothers et les Monty Python sont le plus souvent cités. Mais le vainqueur, sans aucune discussion possible, est The party, avec 6 voix ! Si l'on ajoute celle de Quand l'inspecteur s'en mêle, cela fait du duo Blake Edwards / Peter Sellers la machine comique la plus dévastatrice de l'histoire du cinéma.
9. Etre émoustillé à chaque fois : Deux films en ont traumatisé plus d'un : Mulholland Driveet sa scène d'amour saphique entre Naomi Watts et Laura Harring et Crashavec la renversante Deborah Unger. Catherine Deneuve, Dona Reed, Claudia Cardinale et Romy Schneider continuent de titiller la libido des cinéphiles. Concernant les acteurs, le peu de réponses données, par des femmes ou des hommes, empêchent de sortir un nom plutôt qu'un autre. Il est dommage que la proposition par Neil d'une catégorie supplémentaire, intitulée "Me ferait presque virer ma cuti", soit arrivée trop tard. Il aurait été intéressant de voir comment chacun pouvait s'en débrouiller.
10. Cahiers du Cinéma, Positif ou ni l'un ni l'autre : Quelques uns lisent les deux, beaucoup aucun des deux (9 réponses). Quand il faut choisir, il n'y a pas photo. Personne ne met en avant les Cahiers seuls (sauf Armel von R... jusqu'en 2000), alors que Positif est préféré 7 fois. Les Cahiers est-ce la revue que tout le monde connaît sans la lire vraiment ? Ou bien, comme le suggère Hyppogriffe, devons-nous laisser tomber ces revues afin de passer à autre chose ?
11. Cinéaste trop vanté : La catégorie qui fait mal d'un côté et qui défoule de l'autre. Celle qui aura provoqué le plus de commentaires. On y trouve sans surprise Godard, Lynch, Tarantino. Spielberg est encore mieux placé, aux côtés de Gus Van Sant, propulsé sur le devant de la scène auteuriste dans les années 2000. Mais une surprise de taille déjouant tous les pronostics, une révélation fulgurante, bouleverse la donne depuis peu : nommé quatre fois, Christophe Honoré porte sous les quolibets tout le poids du délire critique de notre presse hexagonale.
12. Sainte trinité : La catégorie aux résultats les plus faciles à analyser et les plus parlants de la cinéphilie de chacun. Kubrick et Resnais arrivent en tête avec 4 voix. On trouve ensuite, cités 3 fois, Bunuel, Lynch, Kitano et Kurosawa. Et quantité d'autres à la suite. Parmi ces 6 maîtres, qu'il me soit permis de me réjouir d'y trouver Bunuel, certainement le moins exposé du lot mais pas le moins grand.
13. Entrée en cinéphilie : Selon son âge et l'époque de sa "révélation" (cela semble aller des années 60/70 aux films de Tarantino pour les plus jeunes), chacun a bien sûr choisi un film différent et pas forcément une oeuvre contemporaine de sa jeunesse (car je doute que Vincent ait découvert La chevauchée fantastique en 1939).
Voilà pour l'état des lieux à ce jour. J'invite bien sûr ceux qui le souhaitent à apporter eux aussi leur contribution et je remercie encore une fois tous ceux qui ont participé. Et pour terminer provisoirement, petit hommage au Roi :
Commentaires
Excellent, ce bilan, et merci encore pour ton initiative, que je n'ai malheureusement pas vue assez tôt mais qui était vraiment réjouissante. Pour les commentaires, finalement ça reflète assez bien l'hétérogénéité des bloggeurs cinéma, ce qui n'est pas plus mal !
Un bien beau bilan, ma foi! Ce qui est amusant avec ce type de questionnaire, c'est que je ne répondrais sans doute plus la même chose aujourd'hui. Par exemple, depuis que j'ai revu les quatre immenses mélos de Sirk, je citerai sans hésiter "Mirage de la vie" comme le film me faisant "pleurer à chaque fois"...
Beau bilan en effet !
Ce que dit Dr Orlof est tout à fait juste. La profusion de films sur les chaînes thématiques ou en dvd nous permet d'avoir accès à plus de films en quelques semaines, que certains cinéphiles d'il y a quelques décennies, ne le pouvaient sur plusieurs années (je ne suis pas sûr que ma phrase soit très claire). De ce fait, les panthéons sont moins figés voire totalitaires qu'avant, car remis sans cesse en cause et en perspective.
Merci bien tous les trois.
Il est vrai que toutes ces réponses sont plus amusantes à lire que ces listes des "meilleurs films du monde" qui commencent invariablement par 1. Citizen Kane 2. La règle du jeu etc... La forme de ce questionnaire avait ainsi pour but d'ouvrir vers d'autres horizons. Comme vous le dîtes Ludovic, la multiplication des supports a fait "bouger les lignes", comme disent nos amis d'en haut. Je suis frappé par la largeur du spectre que déploient toutes ces réponses, comme Neil, et aussi assez touché par la sincérité qui semble porter chaque liste.