(Lee Chang-dong / Corée du Sud / 2007)
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Lee Shin-ae, accompagnée de son petit garçon, quitte Seoul pour Miryang, petite ville dont était originaire son mari, mort dans un accident de la route. Elle s'acclimate plus ou moins, malgré le peu d'enthousiasme des habitants du coin, mais l'enlèvement et la mort de son enfant vont l'entraîner, de temples religieux en hôpitaux, aux confins de la folie.
Le film tient les promesses de cette trame au pessimisme total. Les personnages que croise l'héroïne sont antipathiques, au mieux indifférents. Un garagiste est le seul qui s'intéresse un tant soit peu à elle, jusqu'à en tomber amoureux, à la suivre partout (rôle interprété avec justesse par Song Kang-ho, vu dans The host et Memories of murder). Lui aussi, malgré cela, se révèle incapable de l'aider en quoi que ce soit. On voit Shin-ae victime de crises de larmes ou d'hystérie, ou errer sur la chaussée ensanglantée, et toujours en présence de tiers, mais jamais soutenue. Une seule main, celle du révérend dans l'église, viendra à un moment la toucher. Cette impuissance généralisée s'étend jusqu'à Shin-ae elle-même, quand elle regarde depuis sa voiture, sans intervenir, un jeune homme malmener la fille de l'instituteur. Pendant les 2h30 de Secret sunshine, nous avons ainsi la sensation d'observer quelqu'un souffrir, sans que l'on puisse faire quoi que ce soit.
Si nous sommes bien dans un mélodrame, le film aborde plusieurs registres, comme c'est souvent le cas pour ce nouveau cinéma coréen des années 2000 : d'une chronique familiale, nous virons vers le film noir, puis vers le documentaire critique sur la religion, pour finir... on ne sait trop où. Car si "les voies du seigneur sont impénétrables", comme le disent par deux fois des croyants coincés par une question trop pertinente, l'oeuvre l'est aussi par bien des aspects. Le personnage de Shin-ae (Jeon Do-yeon, prix d'interprétation à Cannes) est insaisissable, ses dérèglements psychiques font bifurquer toute la narration, sans que l'on saisisse toujours la raison de ces revirements. Chacun réagira différemment à des scènes particulièrement intenses. Ainsi, je me ferme totalement devant une séquence telle que celle de la reconnaissance du cadavre de l'enfant près du lac, aussi maîtrisée soit-elle (je précise bien sûr que je ne pose pas ici un interdit, mais qu'il s'agit d'une sensibilité personnelle me rendant ce genre de scène, depuis la naissance de mon fils il y a cinq ans, très difficile à supporter). Mais un peu plus loin, la crémation donne lieu à un moment extraordinaire de tension entre Shin-ae et sa belle-mère. Reconnaissons donc que ce récit en zig-zag, si il finit par faire lâcher prise, offre tout de même plusieurs surprises, et que la douleur de la perte est l'une des choses les plus difficiles à filmer.
Lee Chang-dong avait réalisé précédemment Oasis, histoire d'amour tordue entre un jeune homme et une handicapée. Les mêmes défauts et qualités s'y trouvaient : longueur excessive et moments de naturalisme poussé d'un côté, sûreté de la mise en scène, qualité de la direction d'acteurs, regard sans compromis et critique virulente de la société coréenne de l'autre.