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makavejev

  • WR ou les mystères de l'organisme (Dusan Makavejev, 1971)

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    À ne pas mettre sous tous les yeux, guère moins éprouvant que Sweet Movie, le Makavejev suivant, WR n'en est pas moins passionnant. Il est même meilleur que le fameux film-happening avec Carole Laure enchocolatée. C'est une évocation du psychiatre et disciple de Freud, Wilhelm Reich, de son exil aux États-Unis où il mourra en prison en 1957, de ses travaux sur l'énergie corporelle et le phénomène de l'orgasme. C'est aussi un reportage sur ceux qui prolongent alors ces recherches et sur quelques figures de la contre-culture américaine prenant pour sujet la libération sexuelle. C'est également une fiction sur une femme yougoslave cherchant, avec une amie, à vivre le communisme dans une vraie dimension sexuelle et tombant amoureuse d'un patineur artistique russe en tournée (Milena Dragic, tout à fait craquante, est cette femme, Ivica Vidovic, tout à fait nue, est sa colocataire). C'est enfin un film d'archives cinématographiques sur le personnage de Staline resurgissant d'une fiction de propagande de l'époque. La force du film est d'être tout cela en même temps et non successivement, d'être un fantastique collage donnant un tableau surréaliste mêlant le sexuel et la politique (à bien des endroits, Makavejev se révèle proche d'Oshima, voire même, en 1971, "en avance" sur lui). Au-delà des images provocantes (de la thérapie de groupe assourdissante au moulage d'un zguègue en érection plein cadre), de la farce yougoslave et du statisme stalinien, ce sont bien les effets de proximité incongrue qu'impose Makavejev, avec un humour dévastateur, qui fascinent et qui ne cessent d'interroger. Et autant que la réflexion sur les idéologies en miroir, ce sont les régimes d'images auxquels peut recourir le cinéaste qui disent sa position étrange : le "tout montrer" d'un côté et le "rien sauf l'officiel" de l'autre. L'Ouest offre la liberté mais au prix de l'impérialisme politique et culturel. L'Est peut encore faire espérer une voie socialiste malgré les terribles fantômes staliniens. Le pire est toujours possible. La Yougoslavie (l'Europe, le monde) de Makavejev, entre deux blocs (rarement aura-t-on aussi bien saisi la notion sur un écran), se cherche un avenir dans une ambiance de foutoir sexuel, à la fois joyeux et inquiétant.