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snyder

  • 300

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    Une curiosité sincère m'a poussé à regarder 300 mais j'avoue avoir aussi pensé que, ma publication pouvant être datée du 1er avril, l'occasion serait belle d'écrire une note faussement dithyrambique et entièrement ironique si le film s'avérait mauvais.

    De fait, on y trouve largement de quoi alimenter sans effort une critique assassine. L'énumération des aberrations pourrait être sans fin, citons les principales :

    - l'absence totale de mise en perspective historique (Quel est l'enjeu réel de la bataille décrite ? Que doit précisément craindre le peuple de Sparte ? Quelles sont les conséquences de l'invasion ?),

    - l'affligeante modernisation des caractères aboutissant au portrait d'un roi qui peut être en même temps un guerrier beuglant à la Schwarzenegger et un interlocuteur plein d'esprit maniant le second degré à la George Clooney,

    - la mise en valeur exclusive, chez les soldats, de corps bodybuildés qui ne déparerait pas dans un calendrier du Stade Français (les femmes, quant à elles, ont à l'occasion des postures de chanteuses R'n'B et portent la toge de manière diablement sexy, ce détail ne constituant toutefois pas, à mes yeux, le défaut le plus rédhibitoire du film),

    - l'atroce bande originale enfilant les perles new age et les riffs de hard rock FM (je vous laisse deviner quel genre accompagne les séquences d'émotion et celles de combat),

    - l'abondance de ralentis qui doit bien rallonger le métrage d'une bonne demi-heure,

    - la crétinerie des intrigues politiques à l'arrière du front,

    - la voix-off omniprésente, pompeuse et redondante,

    - l'esthétique numérique lisse et monochrome, entre jeu vidéo et publicité pour l'armée.

    A partir de ces quelques données, il est difficile de ne pas se laisser aller à la franche déconnade pour profiter pleinement de ce film de bourrin. Cependant, le rire se coince légèrement dans la gorge lorsque l'on s'enquiert du message véhiculé par Zack Snyder. L'affaire est simple : Sparte se défend contre les attaques des forces obscures (et obscurantistes) venant de l'Orient. L'ennemi est décadent, dégénéré et fourbe. Sa vie tourne autour de l'or, de l'esclavage et de petites pépées. Il massacre allègrement les innocents et use même, dans le combat, de bombes. Les guerriers spartiates, pour le contrer, obtiennent l'aide d'un peuple voisin mais cette armée supplétive est composée essentiellement de sculpteurs, de bûcherons, d'artisans, ce que le roi Léonidas ne manquera pas de leur faire remarquer. Celui-ci ne sera donc guère étonné de voir ces alliés se battre "en amateur" avant de se replier le laissant, lui et ses hommes, se sacrifier. Dans la cité, loin du champ de bataille où se joue son avenir, le pouvoir est entre des mains corrompues et l'assemblée politique ne prend aucune décision, ne sert à rien. Le véritable homme libre, nous serine-t-on dans 300 est donc le guerrier, l'homme fort et obéissant, l'homme qui sait mourir pour la patrie, pour son guide et pour la gloire, plein de ferveur. Cette société spartiate, qui figure dans l'esprit des auteurs le modèle originel des démocraties futures, il faut toutefois noter qu'elle n'est jamais décrite dans son fonctionnement et qu'il n'est ici question que de sa défense, ce qui autorise la mort violente et rassurante de tous ceux qui la menacent, de l'émissaire ennemi jusqu'au traître en passant par le violeur de la reine. 300 est un film qui repose sur une base idéologique clairement fasciste.

    Et son esthétique est à l'avenant, ce qui rend l'œuvre, en un sens, parfaitement cohérente. Cherchant à fasciner le spectateur, le cinéaste en appelle aux tripes, accumule les harangues vibrantes et les chantages émotionnels (titillant toujours la fibre familiale). Il marche à l'épate et vise à obtenir la mise en suspens de notre jugement. Et, avouerai-je, il y parvient par instants, quand les combats se succèdent indéfiniment sur le même terrain, entre falaise et mer déchaînée, et sous le même ciel menaçant, quand déboule l'heroic fantasy et ses créatures infernales, quand le gore se fait graphique et les effusions de sang rythmiques, quand les tas de cadavres se fondent dans le décor de rochers. Le film de Snyder est une force noire en marche, virtuelle toujours, épuisante souvent, ridicule régulièrement, mais aussi, pendant quelques minutes éparses, presque fascinante. 300 est finalement moins un prétexte à la rigolade qu'un objet à étudier, avec des pincettes.

     

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    de Zack Snyder

    (Etats-Unis / 117 mn / 2007)