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C'était mieux avant... (Octobre 1984)

Pas vu septembre passer. Rouvrons vite l'album-souvenir au chapitre Octobre 1984, afin de voir ce qui s'offrait alors aux regards des spectateurs sur les écrans français :

Le cinéphile, qu'il appartienne à n'importe laquelle des chapelles, fut, en cette période, relativement gâté car en puisant dans les différents genres et styles, il était possible d'y trouver un ou plusieurs motifs de satisfaction. En octobre 84, comme le disait Jacques Martin, "tout le monde a gagné".

troispantheres.jpgCeux qui aimaient la série B étaient peut-être les moins bien lotis. Trois produits de Hong-Kong, pas franchement attirants, sortaient en salles : Kung fu lama contre boxeur chinois (de N.G. See Yuen), Poings d'acier contre les griffes du tigre (Yeh Yung Chou) et Les quatre forcenés de Shaolin (Liu Chia Fei). Dans le même esprit, Trois panthères au combat, signé par Cirio H. Santiago, battait pavillon philippin. Côté occidental, la moisson n'était pas plus emballante : USA : Profession tueur, un polar espagnol, comme son nom ne l'indique pas, de José-Luis Merino, Sévices à la prison des femmes, dont le sujet tient dans le titre, de Sergio Garrone, Le baroudeur un post-Rambo anglais de Philip Chalong et Catherine chérie un film érotique soft hispano-allemand de Hubert Frank.

Ceux qui aimaient les comédies avaient déjà plus de chance. Oh certes pas avec le Bébel de saison ! Dans Joyeuses Pâques ("mis en scène" par Georges Lautner) Monsieur "Toc-Toc-Badaboum" se vautrait dans le pire boulevard en compagnie de Sophie Marceau. Pierre Richard n'était pas non plus au mieux de sa forme (Le jumeau d'Yves Robert). Et que dire d'Aldo Maccione (La classe de Juan Bosch) ? En revanche, La tête dans le sac, de Gérard Lauzier, avec Guy Marchand et Marisa Berenson, a peut-être quelques mérites. Toutefois, la grande affaire dans le domaine, ce fut la sortie de Marche à l'ombre, première réalisation de Michel Blanc (devancé dans l'exercice de quelques mois par Gérard Jugnot). Gros succès public, confirmé ensuite par les multiples rediffusions télévisées (assurant ainsi la cultisation de certains dialogues), le film sentait bon la comédie socialement bien observée, presque "à l'Italienne". Un peu trop vu en nos jeunes années, nous préférons attendre encore avant de nous repencher dessus...

thehit.jpgCeux qui aimaient les polars avaient le choix entre le singulier sérieux et le singulier déconnant. The hit, deuxième long-métrage cinéma de Stephen Frears, est un polar écrasé par le soleil espagnol et dont la distribution fait saliver : Terence Stamp, John Hurt, Laura del Sol, Tim Roth. Je ne l'ai malheureusement toujours pas vu. Les trottoirs de Bangkok non plus (franchement, il me tarde moins). C'est apparemment une parodie d'espionnage, un peu olé-olé, filmée par Jean Rollin.

Ceux qui aimaient les films populaires ont-ils apprécié le Rive droite, rive gauche de Philippe Labro (Depardieu, Baye et C. Bouquet à l'affiche) ? Pour le grand public (et pour nous, les ados) le véritable évènement c'était plutôt Greystoke, la légende de Tarzan, seigneur des singes. Hugh Hudson réalisait là l'adaptation la plus fidèle du récit original d'Edgar Rice Burroughs et Christophe Lambert était une star internationale.

Ceux qui aimaient aller au cinéma en famille se sentaient très bien devant Splash de Ron Howard avec le jeune Tom Hanks en amoureux de la sirène Daryl Hannah. A survoler quelques critiques d'époque, assez bienveillantes, nous n'avons pas vraiment envie de ricaner en repensant à notre intérêt d'alors. En ce qui concerne Supergirl, par contre, si. Jeannot Szwarc dirigeait Helen Slater (qui ça ?) et Faye Dunaway en méchante (mais aussi Peter O'Toole et Mia Farrow !).

Ceux qui aimaient les documentaires pouvaient regarder passer Les nuages américains (un épisode du "journal filmé" de Joseph Morder), s'installer devant le Cinématon (concept de Gérard Courant : faire des portraits cinématographiques en Super-8 de personnes connues ou pas) et réflechir à Euskadi hors d'état (Arthur Mac Caig).

Ceux qui aimaient les découvertes pouvaient voir Le montreur d'ours, fable régionaliste tournée en occitan par Jean Fléchet et deux chroniques soviétiques (Amoureux volontaires de Sergueï Mikaelian et Vols entre rêve et réalité de Roman Balaian).

Ceux qui aimaient le cinéma français du milieu n'avaient pas de grands noms à retrouver mais s'essayaient à l'Ave Maria de Jacques Richard, au Côté coeur, côté jardin de Bertrand Van Effenterre et aux Fausses confidences de Daniel Moosmann (et de Marivaux).

amadeus.jpgCeux qui aimaient les grands auteurs affichaient un large sourire. Broadway Danny Rose est en effet l'un des meilleurs Woody Allen, hommage drôlatique et en noir et blanc à tous les artistes de seconde zone (Woody lui-même en impresario inoubliable). Milos Forman, lui, frappait très fort avec Amadeus, film rieur et funèbre, bien plus passionnant que les films-opéras de prestige réalisés à l'époque. Revue il y a quelques années, l'oeuvre tient diablement le coup. Maria's lovers, le mélodrame d'Andreï Konchalovsky, avec John Savage et Nastassja Kinski, est l'un des titres-phares du soviétique expatrié (mais mon souvenir est bien trop brumeux). Les yeux la bouche est un étrange projet de Marco Bellocchio, une mise en abyme, avec la complicité de Lou Castel, à partir de leur coup d'essai-coup de maître de 1966, Les poings dans les poches. Enfin, Souleymane Cissé voyait distribué son film de 1978, Baara.

Ceux qui aimaient les artistes exigeants pouvaient compter sur Jacques Rivette (L'amour par terre avec Géraldine Chaplin, Jane Birkin, André Dussolier et Jean-Pierre Kalfon, pour un jeu autour du théâtre qui n'est, à mon sens, pas le plus enthousiasmant de l'auteur), sur Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (Amerika/Rapports de classe, adaptation de Kafka) et sur Philippe Garrel (Liberté, la nuit ou Paris pendant la guerre d'Algérie, avec Emmanuelle Riva, Maurice Garrel, Christine Boisson et Laszlo Szabo).

ecran49.jpgCeux qui aimaient lire les revues pouvaient prolonger leurs réflexions sur L'amour à mort d'Alain Resnais, sorti le mois précédent, grâce à Positif (284) et à La revue du Cinéma (398) et sur Le futur est femme de Marco Ferreri, également à l'affiche depuis septembre, grâce à Cinéma 84 (310). Ils pouvaient aussi regarder dans les yeux Christophe Lambert sur les couvertures de Première (91), de Starfix (19) et de L'Écran Fantastique (49), lire un dossier "Méthodes de tournage" dans les Cahiers du Cinéma (364, photo d'Eric Rohmer tournant Les nuits de la pleine lune) et s'attacher au cinéma documentaire par l'intermédiaire de Jeune Cinéma (161, en couve : The good flight de Noel Buckner, Mary Dore et Sam Sills).

Voilà pour octobre 1984. La suite le mois prochain...

Commentaires

  • Tiens, pas de commentaires pour cette note. Alors puisque ce sont des films que j'ai eu l'occasion de voir depuis, je te recommande les "nuages américains" de Joseph Morder et les oeuvres complètes de Gérard Courant qui est un cinéaste qui me fascine de plus en plus...

  • Merci pour ces recommandations, doc. J'ai effectivement pris connaissance, entre temps, de tes éloges à l'adresse de ces deux cinéastes (dont je n'ai malheureusement rien vu).

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