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Le village

(M. Night Shyamalan / Etats-Unis / 2004)

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levillage.jpgC'est l'histoire d'une communauté qui, ayant décidé des années auparavant de se retirer du monde, s'aperçoit que la violence et la pulsion de mort peuvent tout aussi bien naître dans un milieu surprotégé et donc que l'innocence de l'être humain est une chimère. Etrangement, cette brutale révélation ne provoquera en son sein aucune remise en cause.

Dans ce mortel Village (The village), Shyamalan capitalise sur sa réputation de petit maître de l'épouvante et s'acharne à inquiéter à partir de rien en usant des procédés habituels, des brusques recadrages au refus du contrechamp immédiat en passant par un mixage anxiogène. Pour des raisons d'efficacité, le point de vue adopté est celui des victimes. Doutant très tôt de la réalité du danger décrit, le spectateur pourrait au moins être amené à supposer que la perception qu'ont les personnages de ces silhouettes et de ces bruits est amplifiée inconsciemment par ceux-ci. Mais non, cette "subjectivation" n'est jamais vraiment assumée et la mise en scène n'assène ses effets sonores et visuels que dans le but de saisir.

Ce récit amorphe ne peut de toute façon aucunement prétendre à l'angoisse, pas plus que l'œuvre ne peut être définie comme autre chose qu'un "petit film d'horreur". Entre les rares moments de tension se déroule en effet une chronique d'un ennui insondable. Les villageois les plus jeunes, personnages prenant en charge la mise en route de la fiction, paraissent extrêmement limités mais n'en expriment pas moins de complexes émotions. Avec un tel décalage, le ridicule est assuré. L'interprétation est d'une médiocrité confortable (la palme est à partager entre Adrien Brody en idiot du village et Joaquin Phoenix en jeune homme ombrageux et préoccupé). L'esthétique est d'une belle clarté télévisuelle. L'académisme pétrifie chaque plan.

De la même manière qu'il joue des couleurs (jaune contre rouge), c'est-à-dire avec une subtilité kolossale, Shyamalan charge une aveugle de dessiller les yeux de ses congénères qui refusent de voir. Regarder cette jeune femme arpenter le village avec une aisance confondante malgré son handicap nous laisse envieux car nous nous rendons compte qu'elle au moins connaît parfaitement le terrain alors que, de notre côté, nous ne pouvons que nous affliger devant l'incapacité totale du cinéaste à établir une topographie précise au sein d'une œuvre se fondant pourtant sur l'idée de territoire. Je défie quiconque de recomposer mentalement la géographie de ce village après la vision du film...

Ah ça, pour faire des plongées entre quatre arbres de dix mètres de haut sous la pluie, pour aligner parfaitement trois profils dans la perspective, pour ponctuer une séquence romantique d'un panoramique sur une chaise vide et de quelques notes de piano, Shyamalan, c'est pas le dernier... Mais dès qu'il s'agit de travailler la notion d'espace et de bâtir un récit qui tienne la route, y'a plus personne...

Commentaires

  • Vous êtes intraitable... et ce faisant, brillant dans la démonstration.
    Imparable (même si dans mon très vague et paresseux souvenir, tout ceci n'était pas si scandalisant...) !

  • Coïncidence, je viens de finir d'étriller "Canine" que j'ai trouvé très proche ce ce village qui m'avait profondément barbé à sa sortie. Je partage donc ton opinion sur ce film (Je ne vais plus voir les films de Shyamalan depuis) et te trouve du coup un peu indulgent pour le grec.
    Marique, je n'ai pas trouvé le film scandalisant, juste sans intérêt. Mais en ce qui me concerne, c'est un scandale que de ne pas m'intéresser :)

  • Tout à fait d'accord avec cela, le problème avec l'espace est également manifeste dans "Phénomènes", ce qui vu le sujet du film est vraiment un comble !

  • Nous sommes d'accord : ce film est un monument d'ennui...

  • Je ne m'attendais pas à une telle concorde...

    Je ne suis pas scandalisé, Mariaque, seulement très ennuyé d'avoir perdu ainsi 1h45. Le film de Shyamalan n'est pas détestable, il est juste nul. Et, pour enchaîner avec Vincent, plusieurs choses me font préférer "Canine" : la provocation (même si elle apparaît très calculée et finalement pas si dérangeante), un bien meilleur sens de l'espace, quelques signes qui montrent que le cinéaste ne se prend pas toujours au sérieux...

    Enfin, je précise que je ne connaissais de MNS que "Le sixième sens" qui, sans m'avoir fait grimper aux rideaux, m'avait assez plu. J'ai profité d'une promo dvd pour tenter ce "Village", puisque certains continuent apparemment à tenir Shyamalan pour l'un des plus grands cinéastes contemporains. Pour l'instant, je ne vois pas trop pourquoi...

  • Perdre 1h45 me scandaliserait. Me scandalise encore.

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