Un an après avoir lancé une invitation à répondre à un brillant questionnaire portant sur l'érotisme au cinéma, Ludovic, du toujours recommandable blog Cinématique, a décidé d'arpenter le versant opposé et nous demande de plancher cette fois-ci sur la mort à l'écran. Je publie donc ci-dessous ma contribution à cette enquête macabre mais stimulante et je vous souhaite, par la même occasion, à tous et à toutes, une bonne Toussaint, Fête des défunts, Halloween etc...
*****
1 - Quel est le plus beau meurtre cinématographique ?
Abe Sada étrangle Ishida Kichizo (L'empire des sens, Nagisa Oshima, 1976)
2 - Quel est à vos yeux le cinéaste le plus morbide ?
Tim Burton
(photographie de Nicolas Guérin)
3 - Et le film le plus macabre ?
Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974)
4 - Quel est le personnage dont la mort à l'écran vous a le plus ému ?
Dominic qui tombe sous les balles de Bugsy (Il était une fois en Amérique, Sergio Leone, 1983)
5 - Celle qui vous a le plus soulagé ?
Celle de Peter, abattu par Anna... jusqu'à ce que Paul prenne la télécommande et rembobine les images (Funny games, Michael Haneke, 1997)
6 - Quel est votre zombi favori ?
Le zombie domestiqué du Jour des morts-vivants ou le grand Noir de Vaudou ? Plus honnêtement, et même si cela nous fait sortir du cadre cinématographique, ceux que l'on trouve sur la pochette de ce classique absolu :
The Gun Club, Fire of love, 1981
7 - Pour quelle arme du crime, gardez-vous un faible ?
Les couteaux de cuisine m'ont toujours à la fois fasciné et effrayé.
Psychose (Alfred Hitchcock, 1960)
8 - Quelle personnification de la mort vous a le plus marqué ?
Carole Bouquet dans Buffet froid (Bertrand Blier, 1979)
9 - Quelle séquence d'enterrement vous a semblé la moins convenue ?
Celle de Man on the moon (Milos Forman, 1999)
10 - Quel est votre fantôme fétiche ?
Fantômas (Louis Feuillade, 1914)
11 - Avez-vous déjà souhaité la mort d'un personnage ?
Trés récemment, celle de Mark Zuckerberg dans The social network (David Fincher, 2010), mais la réalisation de ce souhait était, pour bien des raisons, difficilement concevable...
12 - A l'approche de votre mort, si vous aviez le temps de mettre en ordre vos affaires, quel film souhaiteriez-vous avoir la possibilité de regarder une toute dernière fois ?
Mauvais sang et ses derniers instants (Leos Carax, 1986)
13 - Pour quel tueur en séries avez-vous de la fascination ou à défaut de l'indulgence ?
Monsieur Verdoux, parce que c'est Chaplin (1947)
14 - Quel est votre vampire de chevet ?
Dès 1922, tout est fixé :
Nosferatu (F.W. Murnau)
15 - Quel film retenez-vous parmi tous ceux dont le titre (original ou traduit) évoque la mort ?
La mort aux trousses (Alfred Hitchcock, 1959)
16 - Rédigez en quelques lignes la future notice nécrologique d'une personnalité du cinéma
L'acteur-humoriste-vrp Michaël Youn est décédé hier matin, victime d'une mauvaise chute alors qu'il pratiquait le ski hors-piste. Brillant diplomé de l'école de commerce de Nice, il avait courageusement renoncé à suivre cette voie pour devenir saltimbanque. Au début des années 2000, les auditeurs de Skyrock et les spectateurs de M6 découvrirent ses sketchs provocateurs et hilarants. Ces parodies si percutantes trouvèrent ensuite leur prolongement logique dans les domaines de la chanson et du cinéma. C'est ainsi que l'humour décalé et jouissivement régressif de Youn fit mouche dans des films comme La Beuze, Les 11 commandements, Iznogoud, Incontrôlable ou Fatal. Récemment, sa carrière prit un tournant radical lorsque Claude Miller l'engagea comme acteur principal de sa tragi-comédie L'homme dans ta lune. Malgré un procès pour plagiat intenté par Milos Forman et Jim Carrey, le film connut cet été un grand succès populaire en France. Ce nouveau départ était riche de promesses. Un vulgaire sapin alpestre nous a malheureusement privé trop tôt de l'une des plus grandes natures comiques de notre temps. Lors de la prochaine cérémonie des Césars, un hommage lui sera rendu par Gérard Depardieu. La triste ironie du sort veut d'ailleurs que Michaël Youn soit nominé cette année dans la catégorie Meilleur acteur.
17 - Quelle représentation d'exécution capitale vous a semblé la plus marquante ?
De sang froid (Richard Brooks, 1967)
18 - Quel est votre cimetière préféré ?
Celui de L'enterré vivant (Roger Corman, 1962)
19 - Possédez-vous un bien en rapport avec le cinéma que vous pourriez coucher sur votre testament ?
Ce numéro :
Commentaires
Nosferatu, bien sûr. Quand je pense que j'ai, pour la première fois, vu ce film sur grand écran il y a quelques jours et que la séquence de l'escalier avait disparu (et une bobine était montée en miroir...) ; une séance maudite...
Très belle collection. J'aime beaucoup le numéro 5 hahaha.
La nécro est très drôle aussi.
Quand je pense que je n'avais pas fait le rapport avec la Toussaint :)
Tim Burton, bien sûr. Mais j'étais tellement persuadé que tout le monde allait le citer que j'ai cherché ailleurs (et du coup, tu es le seul à le citer!)
"Man on the moon" : bien vu et pour le couteau, c'est un bon choix mais il ne faut pas l'associer au premier film que tu cites car ça peut être douloureux...
(pour complaire à tes désirs et ceux de Vincent, j'ai rajouter quelques illustrations)
Hello there !
Depuis que je vois les oeuvres de Jan Svankmajer — et notamment son Quelque chose d'Alice — je me dis que Burton c'est vraiment de la petite bière à côté. Je n'airai pas jusqu'à le placer bien avant Greenaway, quoique...
Je vois que nous partageons la même tendresse pour ce brave Désiré Landru... :)
Et honnêtement, s'il y avait eu une question du genre, qui voudriez-vous faire mourir à petit feu et dans d'atroces souffrances, Haneke aurait été en pôle position. Là, je me suis contentée d'une bestiole agaçante...
Et tu es décidément un sacré suppôt de Positif. Le masque du démon, belle œuvre morbide itou.
Salut. La découverte de ton n°5 m'a remis un coup de stress rien que d'y penser. Après c'est clair que ce choix est sans concurrent possible.
Nosferatu et Verdoux, quels choix évidents également. Quant au gars Youn, j'le pensais déjà décédé moi.
Je crois bien que Mauvais sang va également être mon choix... (le désopilant 16 n'est pas très tendre pour Claude Miller !)
Ran : Séance maudite mais film dorénavant inoubliable, non ?
Vincent : J'étais sûr que mon n°5 allait te plaire (mais en fait, contrairement à toi, je pense, cette petite manipulation de Haneke m'a assez plu et ma réponse tient plutôt du clin d'œil).
Doc : Burton, ses derniers films (mis à part Alice, que je n'ai pas vu) m'ont vraiment parus morbides.
Pour l'association, tu as effectivement raison.
Fred : Ah, ça oui, Svankmajer peut passer devant tout le monde. Je n'y ai pas pensé car les 4 ou 5 courts que je connais de lui (ainsi que sa version d'Alice) sont bien lointains. Mais j'ai eu à l'époque la même réaction que toi.
Quant à Positif, je le place encore car ma dvdthèque et ma bibliothèque sont en fait très peu fournies et je ne voyais rien d'autre à citer (ce numéro précisément s'intégrant fort bien à ce questionnaire).
Stoni : Pour Youn, vous me mettez soudain dans le doute...
Ludovic : Désolé de vous couper l'herbe sous le pied (honnêtement, je pensais que cela pouvait être également votre choix, mais je ne me voyais pas répondre autre chose (et puis le film se termine sur une mort...)).
Quant à ma nécrologie, il me fallait, pour la ponctuer, un nom de cinéaste "du milieu", au sens Ferran du terme et si, ainsi, je ne suis pas tendre avec Claude Miller c'est que j'ai décidé de ne plus l'être avec ce cinéaste qui m'a infligé trois supplices successifs avec "Je suis heureux du secret de la petite Lili".
Inutile donc de te causer de la joie de découvrir tous les longs métrages du monsieur à l'occasion de l'intégrale qui passe dans notre belle capitale, dont Alice d'ailleurs que j'avions vu bien trop petite pour avoir quelques souvenirs latents à part quand elle rentre dans le tiroir, j'avais été super impressionnée, j'avais essayé après, ça n'avait pas marché... :)
Découvrir l'Alice de Svankmajer si jeune, cela doit être terrifiant, non ? (ou bien est-ce que cela n'expliquerait pas bien des choses, bien des goûts postérieurs ? ,-))
Ouaip, j'ai laissé tomber cette version pour ma fille :)
Jolies réponses... Merveilleuse scène d'Il était une fois en Amérique. Et Tim Burton je n'y avais pas pensé alors que c'est évident. Mais en fait, je me demande si on ne peut pas le dire de tous les cinéastes...
Ce n'était pas très clair. Je n'ai pas découvert Nosferatu à cette occasion et je connais le film à peu près par cœur (ce qui était d'ailleurs bien utile pour les sous-titres inversés...) mais je n'avais pas encore eu l'occasion de le voir sur grand écran. Mais, oui, film absolument inoubliable, bien sûr.
Ne crois pas ça. D'ailleurs Svankmajer annonce lui-même la couleur, les enfants sont nettement moins effrayés de se confronter à leurs propres peurs que les parents de les laisser faire. La preuve, je suis fascinée par les meubles à tiroirs... par contre, Polanski a forgé mes goûts bizarres en faisant jeter de la mousse au chocolat à la poubelle par sa Rosemary... A 7 ans, c'est une scène des plus dégoûtantes qu'il m'ait été donnée de voir ;)
Vincent : ...et la mienne n'est pas près de la voir.
T.G. : En tout cas, ils sont nombreux, depuis un siècle, à avoir filmé des meurtres ou à défaut, à s'interroger sur la mort (même Woody Allen, par exemple...).
Ran : C'est surtout moi qui devrait m'excuser. N'ayant pas lu assez attentivement ton commentaire, j'ai eu cette pensée idiote (d'autant plus quand on connaît De son coeur...).
Fred : Il est vrai qu'il n'est guère facile de prévoir les réactions des plus jeunes. Certaines choses que l'on pense un peu violentes semblent glisser alors que d'autres, apparemment plus anodines, marquent fortement. Ainsi, mon fiston fut très impressionné par le duel final du Robin des Bois de Flynn/Curtiz au point de rechigner encore aujourd'hui à le revoir.
Bonjour Ed, réponses très bien choisies. La mort de Dominic dans Il était une fois en Amérique était en effet émouvante. Sinon, je n'ai pas vu tous les films que tu mentionnes. J'aime beaucoup la couverture de Positif. En tout cas ce questionnaire est sympathiquement macabre. Bonne journée.
Bonsoir,
Pas mal de vues communes :
Massacre à la tronçonneuse (le film le plus macabre de la création) ; bien-sûr Bub le meilleur zombie de l'univers ; Mauvais sang un film français visuellement et émotionnellement très riche (Denis Lavant est un acteur épatant que j'ai revu récemment dans Les meurtres ABC de la formidable série Les petits meurtres d'Agatha Christie avec les non moins formidables Marius Colucci et Antoine Dulery) ; Nosferatu et l'ombre de ses griffes qui enserrent le coeur de l'héroine ; et puis le numéro de Positif avec en couverture Le masque du démon un des plus beaux films fantastiques et un des plus beaux noir et blanc, numéro que je me suis procuré après la lecture de votre billet (merci Ebay).
Heureux de vous avoir donné cette envie, Rom. Sous la couverture, l'intérieur n'est pas mal non plus : en plus du Masque du démon, La nuit, Rocco et ses frères, Mère Jeanne des anges, L'année dernière à Marienbad, Lola, les films d'horreur anglais, Gary Cooper, Cannes 61...