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Delta

mundruczo,hongrie,2000s

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Dans les premières secondes de Delta, accompagnés par un fond musical obsédant, nous glissons majestueusement sur les eaux du fleuve. Soudain, un assourdissant bruit de bateau nous surprend. Ce procédé, Kornel Mundruczo l'affectionne et le reprend souvent, de façon sonore (un jeune homme entre dans le café et le silence se fait aussitôt dans la salle) ou visuelle (il n'est pas rare qu'un plan très sombre soit collé à un autre baigné d'une lumière aveuglante). Parler de sursaut serait excessif et impliquerait une notion de dynamique absente du film (la pénible indolence du personnage masculin est une des causes de ce manque). Qualifions donc cet effet de dissonance.

Dans le delta du Danube, un couple atypique se forme à l'écart de la communauté. L'homme et la femme construisent leur refuge au milieu des eaux, à peine relié à la terre ferme par une très longue passerelle. Ils sont frère et sœur et ils s'affirment donc dans la transgression. Celle-ci est symbolisée par cette maison sur pilotis qui n'est tenue au rivage (à la norme) que par un maigre fil. L'anéantissement des espoirs aura lieu bien sûr en cet endroit bien précis, là où se fait le passage, là où se trouve le lien que l'homme et la femme ont voulu garder malgré tout : sur ce pont étroit et interminable.

Cette approche est très théorique et c'est bien là le problème du film de Mundruczo. Si le cadre choisi, naturellement somptueux, a tout pour accueillir le frémissement, le trouble et la sensualité, la mise en scène ne semble s'intéresser qu'à elle-même, prenant régulièrement la pose. La représentation du viol de la jeune femme est caractéristique. Elle tient d'abord dans un plan-séquence très large, en extérieur, dans lequel les personnages sont réduits à des silhouettes dans un paysage de friche industrielle. Mais cette distance instaurée pendant l'acte est annulée par le brusque raccord sur le geste de la fille essuyant sur ses cuisses le sperme de son beau-père, sous le regard de celui-ci. Cette alternance entre la distance réflexive et le choc de la proximité se retrouve lors du final dramatique. Nous réalisons alors, de manière très désagréable, que ce qui intéresse le cinéaste avant tout ce n'est pas tant de s'interroger sur un mécanisme de violence que de filmer l'humiliation.

Lorsque Delta a été défendu, ce fut à l'ombre de Théo Angelopoulos et de Miklos Jancso. On y trouve pourtant ni la solennité (parfois) impressionnante du premier, ni le dynamisme interne des chorégraphies du second. Ni la complexité des strates temporelles ordonnées par le Grec, ni la mesure de l'espace arpenté par le Hongrois. En ne se focalisant pas uniquement sur l'usage du plan-séquence, il est possible d'évoquer également Scènes de chasse en Bavière. L'argument est en effet similaire à celui choisi par Peter Fleischmann : un jeune homme revient dans son village et réveille les pires instincts chez ses congénères. Ces trois noms sont liés à une autre époque mais le cinéma qu'ils faisaient avait notamment une force et une profondeur historique. L'œuvre, certes plastiquement superbe, de Kornel Mundruczo n'est pas traversée par l'Histoire, elle n'est que théorie, cherchant à créer du mythe moderne. Le regard de l'auteur est ici généralisant, contraignant, artiste, ivre de lui-même, ennuyeux.

 

mundruczo,hongrie,2000sDELTA

de Kornel Mundruczo

(Hongrie - Allemagne / 95 min / 2008)

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