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taiwan

  • La saveur de la pastèque

    (Tsai Ming-liang / Taiwan / 2005)

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    Diffusion sur Arte, demain soir (Mercredi) à 22h55.

    6614dad9b0283309fbe3e85810dac3d9.jpgLégèrement en retrait avec ses précédents longs-métrages (Et la-bas quelle heure est-il ?, 2001 et Goodbye Dragon Inn, 2003), Tsai Ming-liang revenait au top avec cette Saveur de la pastèque, quasiment du calibre de ses grandes réussites des années 90. Comme dans The hole (1998), le réel y est troué par des séquences de comédie musicale, dans un rapport moins évident mais avec un art des transitions intact (la plus belle voit ainsi la chanson de la femme-araignée raccorder sur Lee Kang-sheng allongé sur la "toile" du filet de protection de l'escalier). Et à nouveau, une histoire d'amour y est rendue bouleversante par son impossible épanouissement physique.

    Cette fois-ci, Tsai fait de son personnage principal un acteur porno (Lee Kang-sheng, donc, acteur de tous les films du réalisateur depuis leurs débuts communs en 92 : encore plus fort que Truffaut/Léaud). La saveur de la pastèque permet donc au cinéaste d'aborder à son tour frontalement le problème de la représentation du sexe, sujet autour duquel il tournait souvent auparavant. De ce point de vue, cela commence d'ailleurs très fort. Après le plan-séquence initial, une scène de cunnilingus par pastèque interposée provoque un trouble certain par le mélange de crudité et de distance qui se dégage des images. L'entre-jambes de l'actrice cachée et le report des gestes obscènes sur le fruit, nous donnent l'illusion de finalement ne voir que ça : le sexe féminin. Ainsi se déroulera le film jusqu'à une fameuse séquence finale, dérangeante et ouverte à bien des interprétations. Rudesse, tristesse, malaise, mais beauté aussi (voire une lueur d'espoir) accompagnent ces derniers plans sur les visages en plein orgasme ou sidérés.

    Gardant l'esthétique radicale des longs plans muets et très composés, le film s'éloigne de l'allégorisme trop rigide à l'oeuvre dans Goodbye Dragon Inn. Ici, les pistes de réflexions se font plus complexes, la trame narrative plus solide. L'incroyable ton burlesque de Tsai Ming-liang est aussi de retour, par exemple lorsque des crabes se débattent dans la cuisine. Les acteurs-têtes brûlées se jettent à corps perdus dans cette histoire (Lee Kang-sheng en tête, qui vieillit, ce qui veut dire que nous aussi...). Une scène magnifique sur un portique laisse entendre la seule phrase que l'héroïne dira à son "amoureux" : cette question ("Tu vends toujours des montres ?") qui fait alors remonter en nous tout le cinéma passé du grand Tsai.