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O' Cangaçeiro

(Giovanni Fago / Italie / 1970)

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Cangaceiro 07.jpg"Faisons feu de tout bois" semble être la devise de Giovanni Fago. En 1970, le cinéaste profite de la déferlante du western italien pour tenter une nouvelle hybridation avec le film de cangaço brésilien. Ce genre s'attachait là-bas à décrire les aventures des bandits du Nordeste au tournant du XXe siècle. Ces histoires, aux dimensions mythologiques, firent en effet les beaux jours d'un cinéma brésilien en plein essor dans les années 50 et 60. Lima Barreto contribua à lancer véritablement le genre en 1953 en présentant avec succès à Cannes son film O' Cangaçeiro, dont celui de Fago est le remake. Quantité de productions similaires suivirent dans la foulée, la figure de proue du Cinema Novo, Glauber Rocha, consacrant lui-même deux films au thème (Le Dieu noir et le Diable blond, 1964 et Antonio das Mortes, 1969).

Fago n'est pas Rocha et l'on cherchera vainement chez lui lyrisme et exaltation politique. Il y a en revanche bien d'autres choses dans ce capharnaüm qui prend la forme générale d'une fable mais qui est constitué d'une succession de séquences pouvant chacune être affiliées à un genre cinématographique différent : guerre, western, spiritualité, farce, politique et, pour finir, film noir. Ce qui unifie tout d'abord, tant bien que mal, cet improbable édifice, c'est l'évidence de la parenté avec le western italien, par l'économie (la co-production avec l'Espagne), les thèmes (la vengeance, la vénalité), le ton (l'humour cynique et agressif des personnages qui se lancent entre eux d'inévitables mais affectueux "Fils de pute") et accessoirement, l'absence des femmes (ou quand elles passent, elles prennent vite une balle dans le corps). La mise en scène s'autorise à peu près tout et n'importe quoi. Se côtoient donc les audaces les plus ridicules et les intuitions plastiques les plus foudroyantes, organisées par un montage à la serpe provoquant quelques raccords vertigineux. Il suffit parfois qu'un personnage soit nommé en plein milieu d'une scène pour qu'il surgisse à l'écran sans autre avertissement.

La première demi-heure donne plutôt raison au cinéaste. Ses effets percutants, son trait caricatural et l'élimination de toute séquence transitoire s'accordent bien avec le registre légendaire attaché aux histoires de cangaçeiros. Mais passées la conversion mystique et politique du héros, Espedito, dit le Rédempteur, et ses premiers exploits de bandit populaire, le film commence à lasser quelque peu. Une longue séquence centrale de dîner chez le gouverneur (habile calculateur décidé à se servir d'Espedito pour faire régner l'ordre dans le Sertao avant de s'en débarrasser) tire les plus grossiers effets comiques de l'opposition entre notables distingués et rustres brigands. Plus tard, un duel entre chefs de bandes se révèle d'autant plus décevant qu'il est mis en espace de belle manière et enfin, une douteuse intervention de gangsters américains finit par nous achever.

Le plaisir d'un récit au premier degré ne dure donc qu'un temps car l'innocence du regard est perturbée par la volonté de faire passer en parallèle une réflexion politique. Mais ce second fil est tissé bien maladroitement. Le peuple dont il est pourtant beaucoup question, n'est même pas métaphorisé, il est absent. Nous devons donc croire Espedito sur parole et non sur ses actes, d'ailleurs contradictoires. Les personnages ne servent que de véhicule à des idées scénaristiques. Devant O' Cangaçeiro, la question se pose alors en ces termes : le geste de Giovanni Fago est-il le résultat d'une grande croyance dans le cinéma ou d'un calcul commercial ? La réponse est certainement entre les deux. Et chacun est libre de placer le curseur où il veut.

(Chronique DVD pour Kinok)

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