Suite du flashback.
1968 : En début d'année, c'est "l'affaire Langlois" qui agite le monde du cinéma et dès leurs numéros de mars, les
Cahiers et
Positif affichent leur soutien au directeur de la Cinémathèque. Dans la foulée surviennent les événements de mai dont les deux revues rendent abondamment compte en juin et juillet, des Etats Généraux du Cinéma au Festival de Cannes en passant par la recension des nombreux films et reportages nés des mouvements de révolte printaniers.
Les Cahiers, qui, contrairement à Positif, avaient pendant quinze ans revendiqué un certain désengagement, prennent alors un virage vers une lecture politique des films les conduisant notamment à rejeter le cinéma "officiel". En cette année où Jean-Louis Comolli et Jean Narboni se partagent le fauteuil de rédacteur en chef, la revue publie des numéros consacrés à Jerry Lewis ou Carl Dreyer mais défend surtout un certain cinéma français, celui de Philippe Garrel, de Jean-Daniel Pollet et bien sûr de Jacques Rivette.
Positif oscille également entre l'ancien et le nouveau, proposant un retour sur Edmond T. Gréville, des entretiens avec Anthony Mann et Fritz Lang, une présentation de Bernardo Bertolucci et de Fernando Solanas. Deux oeuvres phares sont analysées en profondeur : De sang froid et 2001 (avec un long texte de Michel Ciment en octobre puis, en fin d'année, un entretien avec Stanley Kubrick). En 68 est lancée la première "Semaine Positif" (les cinéastes dont les films sont présentés se retrouvent au sommaire du numéro de février). Enfin, le n°96 voit un cahier rose relatant les événements de mai voisiner avec un riche "lexique de l'érotisme au cinéma".
Janvier : Trois sur un sofa (Jerry Lewis, Cahiers du Cinéma n°197) /vs/ Terre en transes (Glauber Rocha, Positif n°91)
Février : La veuve joyeuse (Ernst Lubitsch, C198) /vs/ Trio (Gianfranco Mingozzi, P92)
Mars : La mariée était en noir (François Truffaut, C199) /vs/ Guêpier pour trois abeilles (Joseph L. Mankiewicz, P93)
Avril : Henri Langlois (C200-201) /vs/ Metropolis (Fritz Lang, P94)
Mai : ---/vs/ De sang froid (Richard Brooks, P95, là)
Juin : L'amour fou (Jacques Rivette, C202) /vs/ "L'érotisme" (Raquel Welch, P96)
Été : Premier amour, version infernale (Susumu Hani, C203) /vs/ Boom (Joseph Losey, P97)
Septembre : L'amour c'est gai, l'amour c'est triste (Jean-Daniel Pollet, C204) /vs/---
Octobre : Model Shop (Jacques Demy, C205) /vs/ 2001, l'odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, P98)
Novembre : La voie lactée (Luis Buñuel, C206) /vs/ Half a sixpence (George Sidney, P99)
Décembre : Vampyr (Carl Th. Dreyer, C207) /vs/ Un soir, un train (André Delvaux, P100-101, là)
Quitte à choisir : Les choix de Metropolis et Vampyr s'annulent (comme ceux des couvertures de l'été, consacrées à deux oeuvres audacieuses mais bancales) mais ensuite les films de Delvaux, Mankiewicz, Brooks et Kubrick surplombent ces Truffaut, Lubitsch et Buñuel-là. Ceux de Lewis, Rivette, Pollet et Demy suffiraient-ils à rétablir la balance, même sans parler du Rocha et du Mingozzi ? Allez, pour 1968 : Avantage Positif.
A suivre...
Sources : Calindex & Cahiers du Cinéma
Commentaires
Salut Ed !
Pas passé depuis un moment ici. Je profite de cette note pour intervenir...
-----
- Janvier : Terre en transes : OK. Positif : 1 point.
- Février : La Veuve joyeuse (Ernst Lubitsch). Cahiers : 1 point.
- Mars. Disons : égalité.
- Avril : Langlois en couve (même face à Metropolis) ! Désolé, Cahiers : 1 point.
- Mai : De sang froid ? Bof. O point !
- Juin : Ce Rivette-là... Oui, mais, on est en 68 ! Et, Raquel Welch, évidemment... Disons, égalité.
- Été. N'ayant pas vu Premier amour, version infernale (Susumu Hani) et trouvant Boom de Losey, plutôt "correct", mais "sans plus" : Joker !
- Septembre : L'amour c'est gai, l'amour c'est triste (Jean-Daniel Pollet, C204) /vs/---
Moi, j'aime bien. Et puis, qui défend Pollet, hein ? Bon, pas d'opposant... O point, mais léger avantage pour les Cahiers, quand même...
- Octobre. Bon là, Positif : 1 point.
- Novembre. Buñuel (même La voie lactée - qui est très bien, en plus !) vs George Sidney ? Cahiers : 1 point.
- Décembre : Vampyr (Carl Th. Dreyer) vs Un soir, un train (André Delvaux). M'enfin ?!!! Cahiers : 1 point !
Total [et sans tricher :-] : 2 points pour Positif ; et 4, pour les Cahiers !!!
-----
Depuis le temps que je dis que le comparatif par couves n'est pas représentatif, hein :-DDD
Sinon, plutôt d'accord avec toi sur l'appréciation du dernier Woody Allen - même s'il y a plein de passages dans ce que tu écris où je ne te suis (vraiment) pas...
Bonnes vacances ?
Je suis heureux de te retrouver en aussi bonne forme à mon retour de vacances.
Bon, je précise ce qui n'est sans doute pas assez évident : je donne mes "avantages" en totalisant pour chaque revue le nombre de films qui me plaisent réellement (disons ceux que je crois être de grands films) et non en fonction des confrontations mois par mois (donc évidemment, si l'on joue Vampyr contre le Delvaux...), ce qui serait trop aléatoire, sans même parler du fait qu'un chef d'oeuvre peut de chaque côté ne pas être mis en avant exactement le mois de sa sortie. "X vs Y" c'est avant tout une facilité de mise en page.
Si ça t'amuse, recalcule ainsi, cela devrait faire légèrement varier ton appréciation.
Sinon, j'espère bien aller au bout (jusqu'à 2010...) avec cette chronique (parallèlement à notre gigantesque projet commun). Je pourrai alors récapituler par décennies et prouver au monde entier la validité de ma méthode :-) (en montrant que, vu d'aujourd'hui, la pertinence ou non du choix de ces films colle globalement avec l'idée que l'on peut se faire de l'importance de l'une ou l'autre revue dans les 50s, 60s etc...).
Enfin, n'hésites pas à partager tes impressions sur le Woody Allen, bien que personnellement, sur l'analyse de son film, je commence à saturer :)
Avantage Cahiers pour ma part :
Récapitulons : Lubitsch : superbe
Truffaut : je l'aime bien même s'il n'est pas aimé
Rivette : Chef-d'œuvre sublimissime
Demy : J'aime énormément ce film méconnu
+ Dreyer et Buñuel : voilà qui commence à faire pas mal (d'autant plus que j'aime beaucoup le Pollet)
En face : Métropolis et Kubrick : certes; un bon Brooks (mais pas un chef-d'œuvre), et un Delvaux que j'avais aimé mais qui me laisse un peu froid.
Je laisse le bénéfice du doute aux Rocha, Mankiewicz que je n'ai point vu
Le Lubitsch, je l'ai découvert il y a très longtemps et je ne l'avais pas du tout aimé. Depuis tout ce temps, je me dis qu'il faudra qu'un jour, je me penche à nouveau dessus.
Le Mankiewicz est très agréable.
Quant à L'amour fou, il m'attire depuis longtemps. Rivette était, à l'époque, le cinéaste de la Nouvelle Vague le plus apprécié par Positif. Il fut le premier, parmi les "cinéastes majeurs" du mouvement (car avant, il y eut Pierre Kast), à avoir été rencontré : un très long entretien en 68 autour de L'amour fou, précisément.