(Mike Leigh / Grande-Bretagne / 2010)
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Encore sous le coup du traumatisme causé par Be happy, j'ai eu du mal à m'enthousiasmer totalement pour Another year, œuvre qui semble pourtant combler une majorité de critiques et de spectateurs. L'heure n'est donc pas encore tout à fait, pour moi, à la réconciliation avec le cinéma de Mike Leigh. Je reconnais toutefois plusieurs qualités au nouveau film de l'auteur de Naked.
La construction en est plutôt habile, bien que s'appuyant classiquement sur les quatre saisons d'une année, déroulées du printemps à l'hiver et colorant le récit en fonction. Habile dans sa manière de faire dériver à petits pas son point de vue, le "couple modèle" au centre de l'attention n'agissant en fait que comme révélateur et s'effaçant presque, au final, devant l'un des personnages lui tournant autour. Leigh reste par ailleurs un remarquable observateur des comportements et son regard est toujours des plus perçants - même si la façon dont il redonne vie à ce que capte son œil, n'est ici pas toujours pleinement satisfaisante.
Another year est avant tout un film de conversations, familliales ou amicales, qui joue complètement le jeu. C'est-à-dire que, sans hésitation ni roublardise, y sont évoqués quelques noms et plusieurs anecdotes que le spectateur ne peut connaître et ne connaîtra jamais véritablement. A l'image de la saisissante introduction, des pistes s'ouvrent qui ne sont pas empruntées par la suite. Au moins dans la première partie, se remarquent l'absence d'enjeux dramatiques et la banalité des propos avancés, des gestes effectués dans les cuisines, les salles à manger et les couloirs. Le film est plutôt intéressant dans le sens où il ne semble bâti que sur ces échanges sans importance mais qui, sous leur apparente petitesse et par leur répétition, en disent long, à la fois sur les personnages et sur l'état d'esprit de l'auteur.
En même temps, l'impression de bavardage est là et les instants que l'on apprécie le plus sont ceux qui se glissent "entre" ou "après" les mots, quand le cinéaste leur laisse la place. Il en va ainsi, par exemple, de la séquence centrée sur les regards que portent Gerri et Mary sur le pauvre Ken lors du barbecue.
En d'autres temps souvent stimulant, le paradoxe d'un réalisme retrouvé en empruntant les chemins du théâtre est dans Another year quelque peu pénalisant. Les croisements dans le lieu principal du récit et la technique de jeu des comédiens font parfois tiquer. Il y a dans bien des interprétations du sur-expressif et du faux naturel. Avec ce type de film choral, ou du moins réunissant plusieurs individus à l'importance comparable, et dépendant à ce point des acteurs, l'un des risques est de laisser le spectateur juger un à un ces derniers, et leurs personnages, selon ses préférences et sa sensibilité. Ainsi, la nouvelle petite amie du fils, jugée si "marrante" par le père, me ferait personnellement fuir à toutes jambes. Un peu plus embarassant, la composition de Lesley Manville, qui a semble-t-il impressionné tout le monde ou presque, m'a plutôt fatigué, malgré la force indéniable du final qui lui est consacré.
Cette force, que l'on peut d'ailleurs ressentir dans le quatrième chapitre, "hivernal", à partir de la séquence de l'enterrement, pose en quelque sorte problème. Il y a en effet, dans ces moments, une certaine insistance de la mise en scène, qui en dit alors trop quand, ailleurs, elle en disait très peu. Sans doute est-ce là une conséquence du léger déplacement narratif évoqué plus haut mais j'aurai aimé observer un travail moins inégal sur la durée.
Ainsi, je vois bien, dans la filmographie de Mike Leigh, quatre ou cinq opus supérieurs à cet Another year estimable mais un peu boiteux.
Commentaires
J'ai personnellement trouvé que c'était un film assommant de 'subtilité' et 'd'émotion retenue'. Tout y est très bien. Parfait,même (quoique, pas toujours fin dans ses caractérisations, le Mike..).
tellement parfait dans tout que justement, ça sonne un peu toc, ce petit exercice.
tout en en appréciant la maitrise, j'ai surtout été assez rapidement agacé par ce film (impression effectivement rehaussée par l'hiver un poil trop démonstratif...)
C'est sans enthousiasme que je suis allé voir ce film. Une amie m'a embarqué dans la salle de cinéma. Mais j'ai trouvé ce 'faux-naturel' dont vous parlez assez puissant en fait, effrayant et pervers.