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Comme toujours, il est impossible de savoir à l'entrée du film où l'on en sera à la sortie, alors même qu'Anderson a choisi d’œuvrer dans le cadre, souvent contraignant, du thriller. L'étirement est l'une des manières de s'affranchir des codes (la gestion du temps long n'a jamais été un problème pour lui). Pour ce qui est du début, à ce stade-là, doit-on parler d'introduction, de préambule ou de première partie ? Combien de temps dure réellement la fuite de DiCaprio et le morceau "frappé" au piano qui l'accompagne ? Quel est le nombre de bosses que doivent passer les trois voitures qui se poursuivent (ou plutôt le nombre de vagues puisqu'on se rappelle alors un dialogue précédent) ? Comme d'habitude, les repères disparaissent, en tout cas ceux que le cinéaste n'estime pas nécessaires. Ainsi le film n'est pas daté et nous laisse le choix en quelque sorte de le faire à sa place, avec ce seul écart de "16 ans plus tard". Bien sûr, cette histoire, à quelques années près, est contemporaine, ce qui prouve entre parenthèses que PTA peut aussi filmer au présent (ce qu'il n'avait pas fait depuis Punch-Drunk Love). Et comment ! Si les premières minutes peuvent laisser penser qu'un parallèle sera établi (la fameuse "menace des extrêmes", brrrr) ou que seront interrogés les moyens de l'action révolutionnaire, la suite indiquera très clairement la direction : l'indispensable résistance au fascisme. La fin doublement positive, dans l'intimité et dans l'engagement, est porteuse d'un autre mince espoir qui repose sur l'idée que ce fascisme s'affaiblit à la fois des coups portés et de ses propres tensions internes, résolues dans l'absurdité et la bêtise. Il y a en effet une part de grotesque dans l'aventure, l'une des façons de vivifier et de déborder du cadre (de même la lubricité peu glorieuse). Le film est imprévisible quelle que soit la hauteur d'observation car il l'est au niveau des séquences, voire des plans. C'est l'une des forces du cinéma d'Anderson depuis toujours : surprendre alors même que tout semble maîtrisé. On ne peut jamais deviner ce que sera l'instant suivant, alors que, souvent, des signaux imperceptibles sont disposés avant : les "vagues" évoquées plus haut, ou encore la façon dont la chute du toit, stupéfiante, est "préparée" par le retard pris par le personnage dès le début. La dérive, ce n'est pas le n'importe quoi. Le film est tellement riche qu'il faudra y revenir (l'ampleur du tableau tient à la multiplicité des lieux et des personnages, qui s'imposent à l'écran quelle que soit la durée de leur présence, parfois brutalement écourtée - coucou Alana Haim !). Y revenir la tête froide et en connaissance de cause pour mieux le situer, notamment dans la filmographie de PTA, en dehors de la faible concurrence états-unienne actuelle qu'il domine forcément de la tête et des épaules, Eddington compris.
Commentaires
Oui enfin tout ça est bien joli, mais tu ne réponds pas à la question essentielle : quelle heure est-il ? :p
:)
13h10