borowczyk
-
La Marge (Walerian Borowczyk, 1976)
*Un homme doit quitter sa famille aimante et sa grande villa pour un passage à Paris. Il se met à fréquenter là-bas une belle prostituée. Durant son séjour, il apprend la mort de sa femme et de son fils, ce qui ne change pas grand chose à son comportement. Borowczyk adapte André Pieyre de Mandiargues, apparemment de façon très libre, et élimine quasiment toute idée de progression dramatique classique, à un point qui fait osciller entre la reconnaissance du risque pris et le bâillement. La psychologie, et même les sentiments, sont évacués au profit de moments, saisis dans le monde (fantasmé ?) de la prostitution d'alors. La vision de Paris retient un peu l'attention, ville vue comme un enfer, avec sa circulation et ses travaux (le trou des Halles, filmé après Ferreri). La vie dans l'hôtel de passe est montrée à travers quelques étrangétés, détails, saynètes, fragments, pincées quasi-fantastiques ou humoristiques dont Borowczyk a encore le secret, mais c'est bien peu (et, dans ce contexte, on a souvent l'impression d'être devant du sous-Fellini). Le film, en plus de l'étirement du presque rien sur lequel il se base, souffre d'une bande son trop envahie par des musiques populaires (de la variété pop, Elton John, Pink Floyd, Fréhel) et de la grande monotonie des trois scènes érotiques censées être autant de clous pour le spectacle. Bien que le couple soit formé par, excusez du peu, Sylvia Kristel et Joe Dallesandro, ces séquences de sport en chambre paraissent bien trop longues, un comble pour du Borowczyk. -
La Bête (Walerian Borowczyk, 1975)
***Le premier Boro que j'aime sans réserve. Ici, il assouplit sa mise en scène en imposant moins sa rigueur picturo-théâtrale, en ne créant pas tout de suite de l'étrangeté par ses choix esthétiques. Ainsi, il se concentre avec assez d'humour et de naturel sur la description des habitants de ce château, en tête, les remarquablement bien choisis Guy Tréjan et Marcel Dalio. Cette noblesse en perdition s'entredéchire dans un décor où abondent les portes et les volets que l'on ferme. Dans cette ambiance morbide, l'étrange émerge peu à peu, en même temps qu'entrent en jeu les femmes, porteuses, elles, de vie. Il y a double mouvement et le film lui-même fascine de plus en plus, autant qu'il dérange. Annoncé dès le départ, le thème de la bestialité est pris à bras-le-corps. Il permet à Borowczyk d'une part de verser encore une fois dans le conte et d'autre part d'aborder la sexualité frontalement mais en se jouant de la censure. Dans son dernier tiers, le film garde sa cohérence interne et sa logique, mais tout devient fou, dans une déflagration érotique sidérante, pornographique sans l'être exactement (puisque le jeu sexuel principal implique la Bête). Les nobles crèvent, les curés se perdent dans leurs vices et leur délire moralisateur, les femmes (et le serviteur noir) sortent gagnantes, magnifiées, corps désirants et esprits libres (Lisbeth Hummel, Sirpa Lane, Pascale Rivault, Elisabeth Kaza). -
Blanche (Walerian Borowczyk, 1971)
**Tragédie médiévale entre quatre murs de château, que Borowczyk filme frontalement en créant un mélange de théâtralité et de réalisme d'abord déconcertant puis plus prenant au fil d'un récit finalement politique (l'arrivée du roi et de son page plonge la famille qui les accueillent dans les troubles du désir, les affres de la suspicion et le malheur). Trois vedettes, Michel Simon, Georges Wilson et Jacques Perrin se partagent les rôles principaux masculins autour de Ligia Branice, dont le seul instant de nudité advient durant le générique de début. Par la suite, son corps est serré dans ses habits très couvrants mais aussi très moulants. L'érotisme est donc réprimé mais le désir reste éveillé. -
C'était mieux avant... (Décembre 1983)
Maintenant que Novembre est derrière nous, passons à la quatrième étape de notre voyage dans le passé. Retour donc vers le mois de Décembre 1983, pour voir ce que nous pouvions trouver alors dans nos salles obscures :
Bien que je sois incapable d'émettre un jugement sur Le bald'Ettore Scola, compte tenu de l'éloignement, ce film m'est cher pour deux raisons. Tout d'abord, lorsque je vois cette affiche, je la vois au mur du cinéma que je fréquentais alors, celui de Nontron (24300, sous-préfecture de la Dordogne, 3400 habitants). C'est dans cette salle, la plus près de mon chez moi d'adolescent, dans la campagne périgourdine, que j'ai réellement découvert le cinéma. L'année de mes 12 ans, Le baly avait été programmé (peut-être même deux fois, la seconde, début 1984, à l'occasion d'une sortie post-Césars d'où Scola était reparti avec les prix du Meilleur réalisateur et du Meilleur film, ex-aequo avec A nos amours) et je revois très bien ce film annoncé dans le dépliant-programme. La deuxième raison est qu'il s'agit de l'un des films préférés de mon père qui, bien que n'étant pas cinéphile, pouvait s'enticher à l'époque de quelques oeuvres à la fois populaires et suffisamment originales, comme Apocalypse now ou Il était une fois en Amérique (rappelons que Scola balayait ici cinquante ans d'histoire sans sortir d'une salle de bal et sans laisser prononcer un seul mot pas ses personnages).
Pour ce qui est des autres sorties de ce mois, disons-le tout de suite, c'est assez triste. Deux événements médiatiques nationaux : Coluche égale au moins Raimu et Gabin, tout à la fois, dans son premier rôle sérieux (Tchao Pantinde Claude Berri) et Alexandre Arcady se paye une nouvelle fresque coppolesque (Le grand carnaval). Je n'ai jamais eu envie de voir le second et j'ai trop vu le premier à la télévision durant toutes les années 80 (les rouflaquettes du susnommé, la mobylette de Richard Anconina, la poitrine d'Agnès Soral). En comparaison, on aurait presque envie de se replonger dans les Wargamesde John Badham, histoire de voir si le divertissement est toujours agréable.
Combat de poids lourds au rayon érotisme : Walerian Borowczyk, lâché film après film par ses défenseurs, proposait un Art d'aimerqui ne semblât pas regarnir ses troupes et Russ Meyer qui, lui, connaissait plutôt une apothéose critique et publique avant de décliner par la suite (l'évolution de sa carrière dessinant ainsi une courbe logiquement mammaire), nous mettait sous le nez ses Megavixens.
Get crazyd'Allan Arkush, titille la curiosité, par son sujet (une comédie sur le milieu du rock) et son casting (Malcolm MacDowell et Lou Reed). La trace(franco-suisse de Bernard Favre, avec Richard Berry) reçut un bon accueil critique et Jean-Claude Brialy revenait derrière la caméra pour Un bon petit diable.
Pas fôlichon, tout ça ? Attendez, il en reste : Les dents de la mer 3(suite en relief signée Joe Alves, noté 3.3 sur 10 sur l'IMDb), Thor le guerrier(Tonino Ricci, noté 2.5), L'éclosion des monstres (Los nuevos extraterrestres, suite officieuse du E.T.de Spielberg, par Juan Piquer Simon, noté 2.6), Le sadique à la tronçonneuse (Mil gritos tiene la noche, film hispano-américano-portoricain du même Juan Piquer Simon, mieux noté : 5.2). N'en jetons plus, la cour est pleine.
Mieux vaut finir ce panorama avec quelques oublis des mois précédents. En Octobre était sorti l'un des films les plus réputés du grand Raoul Ruiz (voir plus bas), Les trois couronnes du matelot. En novembre, la guerre des Bond battait son plein : quelques semaines après Roger Moore dans Octopussy, Sean Connery retrouvait le costume de 007 dans Jamais plus jamais(pratiquement pas de souvenir de cet épisode-là, mais le nom de son réalisateur, Irvin Kershner, auteur de quelques films personnels et solide artisan au service de la grosse machine hollywoodienne comme avec le deuxième et le meilleur Star wars, est généralement gage de qualité). J'ai également oublié de mentionner le mois dernier les sorties de Erendira(fable sud-américaine qui m'a passablement ennuyé il y a quelques années, pourtant signée Ruy Guerra), de Vassa(de Gleb Panfilov, cinéaste russe, auteur notamment du très beau Thème) et de Quand faut y aller, faut y aller, énième ânerie troussée pour Terence Hill et Bud Spencer, que j'avais adoré à l'époque.
Lorsque le mois arrivant n'annonce rien de très palpitant, les revues de cinéma ont le choix entre trois solutions (seule Cinéma 83(300) met en vedette Jean-Claude Brialy). Possibilité n°1 : se plonger dans un passé méconnu. Ainsi, pour les Cahiers du Cinéma (354), le meilleur film du mois est Les anges du boulevard, classique du cinéma chinois des années 30, réalisé par Yuan Muzhi et resté inédit en France jusqu'alors. Possibilité n°2 : revenir sur des films déjà à l'affiche. La Revue du cinéma(389) parle de Pialat et de Sautet, en mettant Garçon ! en couverture. Starfix(10) fête le retour de Sean Connery. Possibilité n°3 : se projeter vers l'avenir. Cinématographe(95) titre joliment "En attendant Godard" (puisque Dieu allait redescendre parmi nous en janvier 84 et nous offrir Prénom Carmen). Dans un autre registre, Premiere (81) va voir les stars en plein désert, sur le tournage de Fort Saganne. Comme Depardieu vient de faire leur dernière une (avec Les compères), c'est Sophie Marceau qui s'y colle. Il y a en fait une autre possibilité : choisir un cinéaste qui fait toujours l'actualité, un cinéaste avec qui l'on s'entretient en ayant à chaque fois deux films de retard sur lui. Par exemple, Raoul Ruiz. Profitant de la sortie récente des Trois couronnes du matelot, de celle imminente de La ville des pirates et de bien d'autres projets en cours, Positif (274) propose un entretien fleuve avec le réalisateur chilien exilé en France, agrémenté de plusieurs études, six mois à peine après un numéro spécial des Cahiers du Cinéma déja imposant.
Voilà pour Décembre 1983. La suite le mois prochain...