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  • La Sorcellerie à travers les âges (Benjamin Christensen, 1922) & Les Sorcières d'Akelarre (Pablo Aguero, 2020)

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    Après avoir regardé "Les Sorcières d’Akelarre" dans l’optique de quelques présentations aux lycéens, j’ai eu la furieuse envie de revoir "La Sorcellerie à travers les âges". Évidemment, tout est déjà dans ce film "total" sinon définitif, entre documentaire et fiction. Plutôt que des images scandaleuses, on perçoit aujourd’hui des visions surréalistes et des réminiscences des diableries de Méliès, alors que la démarche est vraiment historique. Aussi étonnants : la construction, l’emploi du"je" et l’idée de représentation qui tient tout le film. Représentations picturales à travers l’histoire, représentation cinématographique et mise en abyme, avec d’une part, la vieille femme qui raconte le sabbat à l’inquisiteur tel qu’il veut l’entendre et nous le voir (pour stopper la torture et non, comme chez Aguero, pour gagner du temps et séduire le tortionnaire, comportement si peu crédible) et d’autre part, l’une des actrices du film, désignée ainsi, qui "teste" devant la caméra l’un des instruments de torture. Christensen modernise le sujet et se place tout aussi clairement du côté des femmes victimes de l’oppression insensée. On est loin de l'histoire de sororité facile, esthétisante, artificielle et sans doute anachronique du film de 2020.

  • Retour de La Rochelle (3/12) : 2 films de Benjamin Christensen

    Au 40e Festival International du Film de La Rochelle étaient présentés quatre films sur les seize réalisés dans sa carrière par Benjamin Christensen (entre 1914 et 1942, au Danemark, en Allemagne et aux Etats-Unis). Pour la plupart, ils appartiennent au cinéma muet (et certains ont disparu). Dans la liste rochelaise, je connaissais bien sûr Häxan, la sorcellerie à travers les âges et je n'ai malheureusement pas pu cocher Le Mystérieux X. Les deux autres titres étaient les suivants :

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    L'idiot

    Voilà une œuvre assez originale dans le filon hollywoodien de la guerre civile et de la révolution russe. Comme souvent, on croit très moyennement, d'une scène à l'autre, à la reconstitution et à l'interprétation et, contre toute attente, alors qu'il est impérial et déchirant chez Tod Browning, Lon Chaney, sous les traits ici de l'idiot du titre (un paysan balloté par les événements), donne l'impression d'en rajouter énormément, mettant en péril quelques moments dramatiques. Il est vrai que le rôle, écrit sans beaucoup de nuances, est difficile à endosser.

    La dimension politique de L'idiot est plutôt intéressante et moins manichéenne que ce que l'on pouvait redouter. Le peuple révolutionnaire est certes vu comme une masse inculte, violente, bestiale et le personnage de domestique qui pousse le héros à épouser la cause et à se révolter est décrit comme un vulgaire manipulateur, mais la classe dominante n'est pas regardée avec beaucoup plus de bienveillance. Les profiteurs de guerre sont odieux et même la belle comtesse paraît finalement peu empressée de tenir les humanistes promesses qu'elle avait pu formuler au début (promesses que l'on ne sentait pas, de toute façon, chargées d'une grande sincérité).

    Le mépris de classe est donc ressenti fortement des deux côtés. Habilement, celui-ci se double d'une frustration d'origine sexuelle, le paysan s'imaginant être réellement devenu l'ami de la comtesse et espérant passer bientôt, carrément, au statut d'amant, alors qu'à cent lieues de la réciprocité, elle est logiquement attirée par un beau militaire. Toutefois, si stimulante soit-elle, cette approche a un inconvénient : dans L'idiot, les contradictions sont dépassées non pas politiquement, par la victoire d'un camp ou de l'autre, mais en se plaçant sur un terrain bien moins accidenté, celui de la morale et de la bonté du cœur. Et oubliant alors l'Histoire, le film ne fait que résoudre finalement, de façon conventionnelle cette fois-ci, un problème individuel.

     

    Nuit vengeresse

    Réalisé au Danemark, onze ans avant L'idiot, Nuit vengeresse est un très bon mélodrame familial, élaboré à partir d'éléments bien connus : innocent emprisonné, enfant perdu, différence de classe sociale... Surtout, Benjamin Christensen apparaît déjà (en 1916 !) très à l'aise avec le langage cinématographique. Changements d'échelle, effets de perspective, mouvements de caméra, plans rapprochés (parfois jusqu'au détail) et flashbacks sont encore utilisés avec parcimonie mais toujours à bon escient. Le parallélisme imposé à certaines action est bien un peu rigide mais le récit s'en trouve enrichi et dynamisé. Du coup, il se suit avec un réel intérêt.

    Benjamin Christensen acteur, vieilli par un épais maquillage, en fait paradoxalement moins que n'en fera Lon Chaney plus tard devant sa caméra. L'ensemble de la troupe de Nuit vengeresse produit d'ailleurs un résultat agréablement homogène. Dans la dernière partie, là où les choses s'accélèrent considérablement, les acteurs ne semblent penser qu'à la justesse de leurs gestes, sans fioriture.

    D'une mise en scène qui rend parfaitement la peur de la nuit et l'éclat de la violence, on retient deux inspirations parmi d'autres. La première se trouve dans une séquence de bonheur familial. La caméra fixe un lit de bébé au sein duquel on voit se redresser une petite silhouette. A l'arrière-plan, apparaît alors une tête d'adulte mais énorme, totalement disproportionnée. Le bébé du lit se tourne vers nous : c'était une poupée (de singe !) et non le bambin attendu. Un plan d'ensemble révèle enfin la réalité de la scène : les parents amusaient leur progéniture avec ce petit théâtre improvisé. La seconde se situe vers la fin. Christensen descend à la cave pour récupérer une corde. En bas, on se retrouve soudain en compagnie d'une bonne vingtaine de chiens. L'effet visuel est puissant autant qu'humoristique puisqu'il nous rappelle subtilement que le gang auquel appartient cette planque se livre notamment au kidnapping d'animaux. Et cet effet, le plan suivant le démultiplie en montrant l'invasion de la pièce principale du repaire par les chiens ainsi échappés du sous-sol.

    Au-delà donc du plaisir du mélodrame impeccablement ficelé, on profite de ce genre de trouvailles, fulgurantes et/ou tordues, qui nous apportent la confirmation que nous regardons bien un film du futur réalisateur d'Häxan.

     

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    NUIT VENGERESSE (Haevnens nat)

    de Benjamin Christensen

    (Etats-Unis, Danemark / 63 min,  100 min / 1927, 1916)