(Buster Keaton et Eddie Cline / Etats-Unis / 1923)
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Les trois âges (Three ages) est le premier long-métrage que Buster Keaton a pu réaliser, après avoir fait ses armes dans de nombreux courts. Il décida de proposer une parodie d'Intolérance de Griffith. Si le choix paraît culotté, les risques sont tout de même très calculés. D'une part, l'original est suffisamment connu pour que le détournement marche pleinement chez les spectateurs de l'époque. D'autre part, en traitant un même sujet à trois époques différentes de l'humanité (la préhistoire, l'antiquité romaine et l'Amérique contemporaine), Keaton garde finalement le rythme des courts et moyens métrages burlesques précédents, repoussant à plus tard la construction d'une intrigue plus étoffée. Ce premier effort long est tout à fait plaisant mais on n'y trouve que par intermittences le génie comique de l'auteur, qui sera en place de manière plus évidente l'année suivante avec Sherlock Jr (début d'une période dorée qui ne dura, rappelons-le, que 6 années).
En cinq ou six segments, on passe de l'un à l'autre des trois âges, toujours dans le même ordre. La trame est des plus simples : un jeune homme aime une femme convoitée par un autre, plus fort, plus noble, plus riche. La rivalité entre les deux soupirants s'exacerbe jusqu'à un triple happy end. Les trois principaux comédiens (Keaton, Wallace Berry et Margaret Leahy) tiennent les neuf rôles, gardant même leurs noms véritables dans la partie moderne. L'intérêt est donc celui d'un film à sketches, même si il y a aussi le plaisir de voir, à partir du développement d'une situation au temps préhistorique, quelles variations vont apporter les deux autres époques. Le type de comique varie sensiblement d'une partie à l'autre, induisant chez le spectateur une préférence pour telle ou telle. La préhistoire et Rome sont sources de beaucoup de gags anachroniques, de carton pâte, de détournements d'objets (un casque de légionnaire qui sert d'anti-vol au char), de ridicule dans les costumes, d'humour animalier (plus ou moins acceptable entre un dinosaure en animation, un éléphant qui n'a de mammouth que les défenses et un lion en peluche). Plus finement évoqués sont les rapports plein de brutalité existant entre les individus aux temps les plus reculés (et le gag des femmes qui sont ramenées à la grotte traînées par les cheveux m'a fait bien rire, désolé Mesdames).
Keaton est plus à son avantage dans le contemporain. Sans folklore, les personnages prennent tout de suite plus d'épaisseur. De plus, le jeu autour du corps malmené est plus net. Les deux meilleurs moments du film se trouvent donc dans cette partie. D'abord un match de football américain voit Buster se faire régulièrement aplatir par son rival. Ensuite, une étourdissante course poursuite passe en deux ou trois minutes du commissariat à un toit d'immeuble, puis à une caserne de pompiers, pour finir à l'église. Une dernière remarque : si Les trois âges n'est pas le meilleur Keaton, il doit très bien marcher auprès des enfants. A vérifier.