Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

zeitlin

  • Les bêtes du Sud sauvage

    C'est un premier long métrage assez impressionnant dans sa manière de donner à voir un microcosme qui devient, par l'ampleur de la mise en scène, l'univers entier. Il n'est toutefois pas sans défaut, ce qui l'empêche d'atteindre par exemple le niveau des deux premiers Terrence Malick, modèle avoué de Benh Zeitlin. Ces quelques scories ne gâchent pas le plaisir si l'on veut bien considérer qu'elles sont la conséquence de la fougue du réalisateur. Mais celui-ci abuse, en particulier dans la dernière partie, des plans programmés pour l'émotion, des champs-contrechamps au bord des larmes, des photos de groupe bien soudé. Par ailleurs, pointant sa caméra sur la Louisiane et ses catastrophes, s'il repousse au maximum, à bon escient, les instants de confrontation (et leur cortège de justifications et d'explications) entre la communauté quasiment coupée du monde qui capte toute son attention et la ville et ses institutions à côté, le message politique qu'il fait passer n'en pèse pas moins son poids à la suite des choix dramatiques de la fin du film.

    Mais l'essentiel n'est pas là. La grande affaire des Bêtes du Sud sauvage, c'est la création perpétuelle d'un monde, celui, étrange, dur et merveilleux, de la petite Hushpuppy, fillette nous servant de guide et portant tout le récit sur ses épaules. Sur ce plan-là, la réussite de Zeitlin est totale. Ce parti-pris du point de vue exclusif fait d'abord passer la tarte à la crème de la caméra portée, fiévreuse et pugnace. La technique, que l'on ne pensait pas a priori parfaitement adaptée ici, s'avère finalement performante pour rendre la présence de ce formidable paysage du bayou et pour opérer une fragmentation de ce monde. Fragmentation qui est pourtant remise en ordre par le regard d'Hushpuppy qui effectue comme une recomposition sous forme de puzzle "libre" et harmonieux. Menés par elle, nous sommes donc soumis aux décrochages de la réalité, aux rêveries, aux pertes de repères. Les allers et retours entre la vie et la mort, les enroulements du temps, assurés de manière très fluide, parviennent à nous faire accepter le conte et également à nous toucher lorsqu'ils concernent ce rapport entre un père et sa petite fille. Ce sont ces accidents de la ligne narrative, ainsi que ces échanges-disputes s'étirant régulièrement jusqu'à l'explosion vivifiante des corps (bander ses muscles et crier pour montrer que l'on va survivre à tout), qui émeuvent, plus que les excès de mélo pointant ça et là.

     

    LES BÊTES DU SUD SAUVAGE de Benh Zeitlin (Beasts of the Southern wild, Etats-Unis, 92 min, 2012) ****

    zeitlin,etats-unis,fantastique,mélodrame,2010s