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La charge de la 8ème brigade, titre français inadéquat - comme souvent pour les westerns - du beaucoup plus pertinent A distant trumpet, est le dernier film signé par Raoul Walsh. Sa découverte se révèle malheureusement particulièrement décevante. Le métier du cinéaste sauve tout juste l'œuvre du ratage total. Ici, une grande bataille est fort bien mise en espace. Là, une scène d'amour dans une grotte séduit par la franchise et la simplicité de son érotisme. On s'étonne cependant du peu de soin apporté à certains détails : un trucage mal réalisé pour la découverte des corps des fugitifs enterrés vivants, un plan d'éclair assez hideux pour signifier l'orage, le recours grossier à des cascadeurs déguisés en femmes pour jouer des prostituées se castagnant avec leurs clients...
Mais si le film est un échec, la raison est à chercher en premier lieu du côté du scénario. Mal fichu, reposant sur des dialogues ne brillant guère par leur originalité, empruntant quantité de pistes sans en fouiller correctement aucune, il ne progresse que par une succession de rebondissements, si nombreux et systématiques qu'ils en deviennent totalement gratuits, déconcertant le spectateur au même titre que le héros à qui l'on annonce de temps en temps qu'untel n'est pas au rendez-vous ou qu'un autre est en fait, contre toute attente, ici-même.
A partir d'un tel matériau, la vitalité, la truculence de Walsh finissent même par se retourner contre lui. La nuit de fête que les soldats du fort passent avec les filles de joie se termine, comme je l'ai évoqué plus haut, par une bagarre générale. Alors que la danse bat son plein, on entend un "Une fille m'a piqué mon portefeuille !" et, aussitôt, dans la seconde, tout le monde se met à se taper dessus. C'est donc ainsi que le récit avance, jusqu'à une série absurde de surprises dans les dix dernières minutes.
A côté d'une romance contrariée, constituant peut-être le meilleur aspect du film, les deux thèmes principaux sont les aléas de la vie militaire et le changement du regard porté sur les indiens. Or les ambiguïtés qui s'en dégagent ne semblent pas naître d'une réflexion approfondie mais d'une suite de maladresses dans la construction dramatique. L'armée apparaît d'abord comme un corps en déliquescence, affligé par l'ennui provoqué par la fin des guerres indiennes, puis comme un groupe d'hommes vaillants et compétents. Datant de 1964, le film, sur la question indienne, se doit au moins de ne pas être simpliste mais l'engagement dont il fait preuve n'apparaît pas très honnête. Les quelques indiens effectivement maltraités sont les éclaireurs de l'armée (celui que l'on suit particulièrement, White Cloud, était, nous dit-on, "un grand chef") et le véritable crime, forcer, en contradiction avec la parole donnée, toute une tribu à marcher sans répit jusqu'à une lointaine réserve, n'est pas montré à l'écran. Ce que l'on retient donc en priorité, ce sont ces images de soldats torturés et ces scènes de bataille dans lesquelles des dizaines d'indiens tombent de cheval comme des mouches sous les tirs de l'US Army.
Si, à tout cela, on ajoute les trompettes envahissantes de Max Steiner ainsi qu'une distribution pour le moins inégale, on peut alors difficilement conclure à autre chose qu'à un Walsh négligeable.
LA CHARGE DE LA 8ème BRIGADE (A distant trumpet)
de Raoul Walsh
(Etats-Unis / 113 mn / 1964)
Commentaires
Ce film serait donc raté... Cela tombe bien parce que je suis à peu près certain de l'avoir visionné il y a quelques années mais je n'en ai plus le moindre souvenir. Donc, ça doit être lié à la faiblesse de l'oeuvre et non pas à une Alzheimer précoce.
Ran, sans craindre Alzheimer, cela arrive aussi parfois avec de bons films... Mais en ce qui concerne celui-ci, il me semble que l'avis que j'émets est assez largement partagé.
Raté, raté, c'est vite dit. C'est quand même Walsh et ça se voit dans la façon de filmer les grands espaces et les vastes mouvements.
Ceci dit, la première fois que je l'ai vu, j'ai été assez déçu. Le film est quand même assez apprécié, peut être parce que c'est le dernier de son auteur. Je suis en fait assez d'accord avec les défauts que pointe Ed mais avec deux vision supplémentaires, je suis plus indulgent. Ca a quand même de la gueule sur grand écran et puis j'aime bien les trompettes de Steiner (qui n'a jamais fait dans la sobriété).
Oh, Vincent, je ne sais pas si je pourrai aller jusqu'à deux révisions...
S'il reste apprécié, c'est surtout parce que c'est Walsh, quand même. Coursodon/Tavernier mettent en avant certaines qualités walshiennes qui subsistent mais regrettent à côté plusieurs choses qui les empêchent de classer le film parmi les réussites du cinéaste. J'ai également relu la critique de Positif de l'époque, qui, de la même façon, sauve rapidement certains détails et passages pour s'affliger quelque peu du reste et tartiner longuement ensuite sur les reprises de La vallée de la peur et L'enfer est à lui...
Sinon, le thème principal à la trompette n'est pas mal du tout, mais il ne cesse de revenir et l'alternance métronomique tambours indiens/trompette militaire a fini par me saoûler légèrement.
je me souviens avoir surtout été frappé par la fadeur de Troy Donahue, plus à sa place dans les mélos ados de Delmer Daves.
Walsh n'est d'ailleurs pas tendre avec la "nouvelle génération" de jeunes comédiens dans l'entretien avec Skorecki publié par les Cahiers à l'époque de la sortie du film.
Mais j'avais aimé les scènes de bataille où on retrouvait le sens de l'action du metteur en scène et le discours sur les Indiens, des ennemis mais des ennemis dignes de respect.
Donahue n'est pas terrible effectivement, sans être mauvais non plus... Dans la critique de Positif évoquée dans mon commentaire précédent, les insuffisances de la distribution étaient pointées et il était précisé que Walsh s'était vu imposé la majorité des acteurs par la production, ce qui expliquerait en partie son jugement sévère.
Pour ce qui est du discours sur les indiens, il m'apparaît trop mécanique et trop mal amené. Il donne alors un peu l'impression de se soumettre à l'air du temps.