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A dangerous method

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(avant-première, sortie en salles le 21 décembre 2011)

Des premières lueurs du XXe siècle à la veille de la Grande guerre, David Cronenberg conte l'histoire d'une relation triangulaire entre les docteurs Carl Jung, Sigmund Freud et Sabina Spielrein, cette dernière passant tout d'abord par le stade de patiente du premier. Comme dans la plupart des biographies et des drames en costumes, le déroulement est chronologique et les sauts d'une année à une autre sont nombreux. Si le triangle évoqué à l'instant structure le film, cette évidence apparaît très progressivement et sans que la figure ne soit réellement convoquée à l'image (sinon de manière détournée en une occasion réunissant Jung et sa protégée Sabina, à côté d'Emma, la femme du docteur bientôt trompée par ces deux-là). Entre Jung et Freud, le lien est tissé par l'intermédiaire de Mlle Spielrein, qui sera aussi la cause de sa rupture.

A dangerous method déjoue les attentes. Cronenberg fait intervenir le Dr Freud assez tardivement, bien que son nom soit vite cité, et il ne se lance pas dans un écheveau narratif complexe mais compose une série de scènes à deux personnages, collant ainsi à son sujet, la psychanalyse et le rapport particulier qu'elle induit entre le médecin et son patient. Nous avons donc là, essentiellement, un film de dialogues, dans lequel la mise en scène de la parole est primordiale. Le cinéaste se tourne vers une société corsetée dont il fige et épure les décors pour mieux en détacher les corps et mettre en valeur la parole extirpée. Souvent, il offre au spectateur une vision également nette de deux visages pourtant placés sur des plans différents dans la profondeur du cadre, effet qu'il n'est pas le premier à réaliser mais certainement l'un de ceux qui l'aura utilisé avec le plus de pertinence par rapport à son propos. Celui (celle) qui parle et celui qui écoute suscitent la même attention. Pour une fois, la parole se charge donc presque entièrement de porter le mystère à la place du corps (les rêves analysés) et c'est le son qui bouscule plutôt que les images (les récits érotiques et/ou traumatisants). Le scandale du sexe est dans les mots et pratiquement pas ailleurs. L'écran reste relativement chaste.

Le film est l'adaptation d'une pièce de Christopher Hampton, elle-même dérivant d'un livre de John Kerr. Les intérieurs sont privilégiés, les débordements stylistiques sont évités, l'ouvrage apparaît classique. Presque archaïque par moments : les plans faisant appel au numérique évoquent de vieilles transparences et le jeu de Keira Knightley est excessif dans sa tension. Dans ce domaine, la contribution de Vincent Cassel, dans un rôle secondaire, a du mal à me convaincre. Viggo Mortensen campe en revanche un Freud imposant et Michael Fassbender hérite quant à lui d'un Jung plus exposé et plus changeant.

Les séquences les plus mémorables réunissent ces deux derniers. Leurs discussions, leur amitié, leurs divergences et leur rupture par lettres interposées se révèlent très prenantes. De façon saisissante et douloureuse, le lien est coupé, comme le dit Freud. Alors qu'il annonce cela, sont montrés sur un plateau une enveloppe ouverte et un coupe-papier. Si Cronenberg ne nous gratifie pas d'autres fulgurances qu'un bruit de bois craquant dans une bibliothèque, il fait toujours preuve d'une diabolique maîtrise dans la conduite de son récit, dans le passage d'une séquence à l'autre, dans le saut d'un plan au suivant. La malade à l'hôpital parle de liberté et aussitôt nous passons à l'image d'une calèche déboulant à vive allure dans une rue. L'épouse de Jung veut que celui-ci lui revienne et voilà qu'une scène débute avec l'avancée de la barque du docteur vers une silhouette féminine l'attendant sur la berge. Le montage semble ainsi par moments suivre une pensée ou se faire par associations d'idées, mais sans heurt aucun.

Tout cela fait un film pensé, concerté, soigné. Aussi, un film théorique et mené sur un seul ton. Sa réussite me semble tenir dans certaines limites, les mêmes que l'on décelait dans M. Butterfly ou Spider, celles du drame psychologique d'apparence classique. Malgré les évidentes qualités qui s'y retrouvent, ce n'est pas, chez David Cronenberg, le sillon qui a ma préférence.

 

adangerousmethod00.jpgA DANGEROUS METHOD

de David Cronenberg

(Royaume-Uni - Allemagne - Canada - Suisse / 100 min / 2011)

Commentaires

  • Critique mesurée. Bon. Mais à quel point êtes-vous amoureux de Michael Fassbaender? Depuis combien de temps êtes-vous épris de Viggo Mortensen? Parce que le film ne peut vraiment s'apprécier qu'entre spectateurs(trices) qui ont perdu la raison devant ce casting phénoménal...

  • Heureux de vous revoir par ici, toxic...
    Je suis assez peu amoureux de Fassbender sans doute parce que je n'ai toujours pas digéré "Hunger", mais il s'en sort bien ici. Et sans être un inconditionnel de Mortensen, je le trouve (encore une fois chez Cronenberg) plutôt impressionnant. Cassel, je l'ai déjà supporté une fois cette année dans "Black swan", c'est peut-être déjà trop...
    Bon en fait, c'est la petite Knightley que j'aurai aimé aimer plus. Ce n'est pas facile après l'entrée en matière qu'elle a.
    Ainsi, pour moi, ce n'est pas forcément le casting. Il reste donc Cronenberg...

  • LE film que j'attends sans doute le plus en cette fin d'année, et dont j'attends peut-être trop...

  • Alors ne me lis pas !!... Ahhh, trop tard....

  • Hummm, Fassbender est toujours bien mais il est VRAIMENT très bien dans "Fish Tank".
    Pour le reste, rdv à la sortie!
    (et c'est toujours un plaisir d'être en ces lieux)

  • Merci pour ce premier avis. Pour moi ce sera dans quinze jours. J'irai avec intérêt mais appréhension, n'ayant pas toujours apprécié le travail de Cronenberg.

  • Toxicavengeresse : Oui, c'est vrai qu'il était bien dans Fish Tank...

    Wilyrah : Alors qui sait... en en attendant un peu moins, la bonne surprise sera peut-être au bout...

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